ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 320 - 15/03/1997

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE

Madagascar

Dégradation alarmante de l'enseignement

by Mathieu Célien Ramasiarisolo, Madagascar, février 1997

THEME = EDUCATION

INTRODUCTION

A la veille du troisième millénaire, Madagascar dispose de ressources humaines très importantes. En effet, les jeunes constituent plus de 60% de la population. Toutefois, ceux-ci se trouvent dans une situation critique, car la crise qui touche l'enseignement compromet leur avenir. Les enfants de milieu rural sont les premières victimes de cette crise. Mais la baisse de scolarisation est généralisée tant au niveau primaire que secondaire.

Selon le chiffre publié par le ministère de l'Education nationale, le taux global de scolarisation pour les élèves de 6 à 14 ans était de 62% en 1995, contre 73% en 1987. Cependant, ce taux de scolarisation n'est qu'un indicateur approximatif pour le taux d'alphabétisation. Des enfants qui ne fréquentent l'école que durant un ou trois ans au maximum ne savent ni lire ni écrire du tout. Le chiffre publié en 1993 indique que pour l'ensemble du pays, 46% des enfants de 10 ans et plus savent lire et écrire. Mais il y a une énorme disparité entre les régions: par exemple 66% à Antananarivo (la capitale) contre seulement 23% dans une autre région. En tous cas, plus le taux de scolarisation baisse, plus celui de l'analphabétisme augmente. Cette chute est due aux abandons et aux redoublements en cours de scolarisation, notamment dans les établissements publics. L'enseignement primaire ou l'éducation de base dure cinq ans. Sur mille enfants inscrits, 350 n'arrivent pas à l'année suivante et seuls 200 élèves finissent la dernière année du primaire. 40% des élèves seulement passent donc chaque année à l'enseignement secondaire. Par la suite, sur mille élèves qui commencent le secondaire, environ 50% arrivent à finir les 4 ans du premier cycle. Cependant, le taux de réussite au brevet d'études de premier cycle avoisine les 30%.

Fermeture des écoles

De 1990 à 1995, plus de mille écoles primaires publiques ont été fermées dans le pays. Dans cette même période, 500 écoles primaires privées se sont ouvertes. En cinq ans donc l'éducation de base avait connu un manque de 500 établissements. Ce phénomène n'est pas récent, il existe depuis le début des années 80. Dans certaines régions, les écoles prises en charge par les villageois s'ouvrent ou se ferment suivant les circonstances locales. La fermeture est souvent due au manque de personnel enseignant, à l'insécurité dans quelques régions, à l'état de délabrement de certains bâtiments, au manque d'élèves motivés pour aller à l'école. La crise de l'enseignement à Madagascar n'est pas seulement un problème d'ordre quantitatif du taux d'inscription, mais touche aussi durement la qualité de l'enseignement dispensé. La politique de l'éducation est caractérisée par une instabilité chronique et des changements trop fréquents et brutaux dans les programmes et l'organisation de l'enseignement, chaque ministre imprimant sa marque sans tenir compte de la notion de continuité. Les piètres performances en matière d'inscription, d'efficacité et de qualité, s'accompagnent d'une forte diminution des dépenses publiques pour l'éducation. En 1996, environ 16% du budget de l'Etat ont été affectés à l'éducation nationale, dont une bonne part destinée aux salaires des enseignants et du personnel administratif. Il n'y a pratiquement pas de budget pour le matériel pédagogique et l'entretien des bâtiments. Entre-temps, le gel des effectifs des corps enseignants aggrave davantage la situation. Depuis 1987 à 1995, l'effectif des corps enseignants publics dans le primaire est passé de 33.570 à 27.939, notamment du fait des contraintes imposées par le FMI et la Banque mondiale. Par contre, au niveau de l'enseignement secondaire (premier cycle), le nombre des enseignants est passé de 6.818 à 8.421. Dans le second cycle, les profs qui étaient 3.125 en 1987 ne sont plus que 2.574 en 1994. Cela représente une perte globale de 4.500 enseignants pour les trois niveaux, soit 10% de l'effectif des enseignants du public. En juillet 1996, une procédure de recrutement a été faite pour mille enseignants.

Difficultés pour mettre les enfants à l'école

Face à un Etat de plus en plus incapable d'assurer l'éducation des élèves, le secteur privé, que ce soit confessionnel ou laïc, a tenté de prendre la relève. 21% des élèves du primaire fréquentaient une école privée en 1993-94 contre seulement 13% en 1984- 85. Cette proportion atteignait jusqu'à 43% pour les collégiens et lycéens en 1993-94 contre 33% en 1987- 88. Néanmoins il convient d'évoquer un autre problème. Ces derniers temps, on enregistre de profondes inégalités d'accès à l'école en fonction du niveau de vie des parents. Les contraintes que rencontrent les ménages pour scolariser leurs enfants sont perçues de façon aiguë par les parents. Près de 60% d'entre eux déclarent éprouver des difficultés à inscrire leurs enfants. Le taux net de scolarisation primaire varie de 78% chez les plus pauvres à 93% pour les plus riches. Dès le primaire, les enfants issus de familles pauvres accusent un retard moyen de 2 ans. La principale raison invoquée pour expliquer les difficultés de scolarisation est bien sûr la faiblesse du pouvoir d'achat par rapport aux frais de scolarité. Mais une autre raison, même si elle est moins importante, est le fait que certains parents ne trouvent pas d'écoles pour leurs enfants. Il convient donc de réétudier la localisation des écoles en fonction des besoins. La corruption des responsables des écoles publiques est aussi un fait indéniable. On sélectionne les enfants en fonction de la situation des parents. De plus, la constitution de dossiers scolaires au moment de l'inscription pose souvent problème. Des enfants, notamment en dehors des grandes villes, n'ont pas leurs actes d'état civil. Malgré cela, la plupart des parents considèrent comme une obligation morale d'éduquer leurs enfants quel que soit le sacrifice qui doit être consenti. Il faut noter aussi qu'il n'y a aucune discrimination à l'encontre des filles: 9 chefs de famille sur 10 déclarent que les filles doivent aller à l'école aussi longtemps que les garçons. Mais il est certain que la crise économique pose des problèmes aux parents. Ainsi, 21% des ménages ayant des enfants âgés de 6 à 14 ans les inscrivent plus tard qu'ils ne le désirent, 33% les en retirent plus tôt et 38% sont obligés de leur demander de travailler en même temps qu'ils vont à l'école. Au total, 57% sont obligés de prendre l'une de ces trois options. En tout cas, le but à court terme du ministère de l'Education nationale est d'arrêter l'hémorragie du taux de scolarisation comme d'améliorer la qualité de l'enseignement dispensé et de lutter contre l'analphabétisme, en large collaboration avec l'UNESCO sur le fameux projet "Education pour tous".

END

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE

PeaceLink 1997 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement