ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 320 - 15/03/1997

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Sénégal

L'enseignement de l'arabe

by Simon Kiba, Dakar, 14 janvier 1997

THEME = EDUCATION

INTRODUCTION

A intervalles réguliers, il est question de l'enseignement de l'arabe au Sénégal. C'est ainsi que, fin 96, le quotidien "Le Soleil" écrivait que cet enseignement "connaît un nouvel envol". Le but recherché par les autorités serait de "rendre à l'arabe sa vocation de langue support de connaissance et de savoir-faire".

Le problème de la diffusion de l'arabe est de savoir si le Sénégalais moyen le considèrera toujours comme une langue de religion ou comme une langue de communication. Jusqu'à présent, l'arabe reste langue de religion, et celui qui peut citer en arabe des versets du Coran ou des hadiths de Mahomet est considéré comme instruit et bon musulman. Cela donne du prestige. Seulement, pour le commun des Sénégalais, s'il est bon d'avoir fait l'école coranique en bas âge, il est préférable de faire ensuite l'école moderne, avec comme langues principales le français et l'anglais. C'est tellement vrai qu'un événement récent a mis en lumière la difficulté qu'aura l'arabe à être adopté par le peuple ordinaire. Touba est une ville sénégalaise de plus de cent mille habitants, bâtie autour de la mosquée et de la famille d'un grand marabout qui créa une confrérie au début du siècle. La ville est propriété de la famille du marabout. Or voilà que des écoles se sont mises à pousser autour de la ville, enseignant le français et autres matières laïques. Alors que les maîtres du Coran avaient des milliers d'élèves, ces écoles à la française ont provoqué l'absentéisme aux classes d'arabe. Les maîtres d'arabe sont allés trouver le marabout responsable de la ville et de la confrérie. Aussitôt fut ordonnée la fermeture des écoles françaises. Elles ne sont toujours pas réouvertes depuis trois mois. Cet "incident" montre que parents et élèves semblent penser d'abord à l'avenir matériel et professionnel et ensuite seulement aux choses spirituelles. Pour eux, l'arabe ne donne pas, pour le moment, les mêmes débouchés que le français ou l'anglais. Le Sénégalais aime émigrer; or il ne peut émigrer comme il veut en Arabie Saoudite ou dans d'autres pays arabes. Par contre, même chez lui, il peut trouver du travail avec une connaissance moyenne du français. Par les temps qui courent, les parents pensent naturellement à l'avenir professionnel des enfants. Pour que l'arabe devienne une langue de communication courante, il faudrait que les femmes, les marchandes de légumes et de poissons s'y mettent. Tant que l'arabe restera la langue d'une élite, il ne sera pas populaire. Mais il y a plus grave. Il y a pour tout le Sénégal, nous apprend "Le Soleil", 1.100 enseignants d'arabe, dont 93 instituteurs, et une quarantaine d'écoles: "Les contenus (de l'enseignement) sont plutôt prosélytiques, les statuts des maîtres hétéroclites et les conditions matérielles de scolarisation désolantes". Si bien que "l'enseignement de l'arabe continue à chercher sa voie" entre religion et enseignement laïc.

Efforts du gouvernement

Sur le plan des livres, il y a une vingtaine de nouveaux manuels. Encore faut-il que les contenus de ces livres de classe correspondent à la "vocation universelle et scientifique" de la langue arabe. D'un autre côté, il faut que la population ne pense pas que l'enseignement de l'arabe équivaut à l'enseignement de l'islam. Au ministère, pour ce qui concerne la quarantaine d'écoles reconnues, il est dit que les enseignants sont valables, bien diplômés et recrutés comme tout autre enseignant. Les problèmes commencent dès qu'on parle du privé, car l'école privée arabe peut naître dans un petit local et y rester tant que cela suffit au maître pour vivre. Le gouvernement forme des enseignants d'arabe à l'Ecole normale supérieure, mais les emplois dans tous les secteurs de l'enseignement ne sont pas garantis. Des Sénégalais qui ont fait des études d'ingénieur, de médecin, d'agronome, sont à pied d'oeuvre au Sénégal, mais ils ne sont performants qu'en se servant du français. Et c'est là le paradoxe. Pour que l'arabe cesse d'être une langue étrangère pour devenir une langue de communication, il faudra que la population l'accepte et l'intègre à sa culture. Mais elle n'acceptera facilement une langue que si elle voit des avantages immédiats à en tirer. Ce n'est pas encore le cas pour l'arabe au Sénégal.

END

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