ANB-BIA DOSSIER

ISSUE/EDITION Nr 320 - 15/03/1997

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Z A I R E

Acteurs et antagonistes au Zaïre - un rappel

Dossier préparé par ANB-BIA, Bruxelles, 6 mars 1997 - Reproduction autorisée en citant la source


1ère PARTIE


1. A L'INTERIEUR DU ZAIRE


A. Du côté de Kinshasa



MOBUTU ET L'ETAT ZAIROIS

Mobutu est né le 14 octobre 1930 à Lisala, province de l'Equateur. Sous la colonisation, il suit l'école de sous-officiers et est nommé sergent en 1954. En juillet 1960 il devient colonel et chef d'état-major. Quand la lutte politique entre le président Kasavubu et le Premier ministre Moïse Tshombé dégénère en crise, Mobutu prend le pouvoir en novembre 1965. Il installe un régime d'exception et s'approprie systématiquement tous les pouvoirs. En 1970, le Mouvement pour la Révolution (MPR) est déclaré organisme central de l'Etat, avec Mobutu comme président. Par la nouvelle Constitution de 1974, Etat et parti ne font plus qu'une seule entité et le MPR est personnalisé en son président, qui fait office de président de la République avec pleins pouvoirs. Tous les Zaïrois, depuis leur naissance, deviennent membres du parti.

Puis, les difficultés s'amoncellent: le prix du cuivre retombe de moitié, la crise du pétrole atteint le Zaïre comme tous les autres pays, et la zaïrisation de l'économie est un échec évident. A deux reprises, en 1977 et 1978, Mobutu doit faire appel à une aide étrangère pour contrer des invasions d'exilés du Shaba. Dans les années 80, des technocrates, comme le Premier ministre Kengo wa Dondo, essaient d'assainir la situation avec les remèdes amers du FMI, mais rien n'y fait.

En janvier 1990, Mobutu lance une consultation populaire sur le "fonctionnement des institutions", et le 24 avril il annonce la fin de l'Etat-Parti et du MPR, et le rétablissement de la séparation des pouvoirs. Les politiciens se hâtent de créer ou recréer leurs propres partis.

La Conférence nationale souveraine (CNS) débute en août 1991. Après plusieurs interruptions, elle reprend pour de bon en avril 1992, sous la présidence de Mgr. Monsengwo, et se supprime elle- même une année plus tard. Elle a donné un déballage thérapeutique de tout ce qui ne va pas dans le pays et une base juridique pour un système politique démocratique. Mais sa mise en application s'avère provisoirement impossible, à cause de la faiblesse fondamentale d'une opposition fractionnée et d'une stratégie d'obstruction consciente de l'entourage du président. Le dernier agenda pour la transition à la IIIe République prévoit comme date ultime pour des élections l'été de 1997.

Le président Mobutu est sérieusement malade. Alors qu'il se fait soigner en Suisse pour un cancer, la rébellion éclate dans l'est du pays.

LES PARTIS POLITIQUES ET L'OPPOSITION

Dès qu'ils furent permis (octobre 1990), les partis politiques se multiplièrent. Plus de 300 partis furent créés! On parle même aujourd'hui de plus de 450 partis enregistrés au Zaïre; mais bon nombre d'entre eux n'ont qu'une poignée d'adhérents. On peut distinguer les partis de vraie opposition de ceux qui ne seraient que des annexes du MPR, forgés de toutes pièces par le pouvoir pour faire diversion. On peut aussi faire la distinction entre les partis "unitaristes" et "fédéralistes"; ou encore entre les anciens partis d'avant 1965 et les nouveaux.

A la Conférence nationale souveraine se dessinèrent deux grandes tendances: d'une part le MPR et ses alliés, la Mouvance présidentielle (MP); d'autre part l'UDPS et les siens, regroupés dans l'Union sacrée de l'opposition (USO). Entre ces deux pôles se développa un Centre, avec des partis s'appuyant d'un côté ou de l'autre.

L'Union sacrée regroupait à l'origine 130 partis, dont les plus importants étaient l'UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), l'UFERI (Union des fédéralistes et des républicains indépendants) et le PDSC (Parti démocrate social chrétien). A l'intérieur de l'Union, les affiliations politiques étaient assez fluides, les membres changeant régulièrement d'un parti à un autre, et même sortant ou rentrant dans l'Union. Malgré cela et malgré les efforts de Mobutu, le groupe est resté assez uni jusqu'en 1994. En avril 1994, il y eut un schisme entre les éléments radicaux, qui suivirent Tshisekedi, et des modérés, dont le PDSC, qui créèrent l'Union pour la République et la démocratie (URD) et appuyèrent le gouvernement de compromis de Kengo wa Dondo. L'UFERI rejoignit même le camp de Mobutu.

Après la dissolution de l'"Etat-Parti", suivit une période de grande turbulence politique, avec une valse de gouvernements successifs qui ne duraient souvent que quelques mois. A partir du 25 avril 1990, les Premiers ministres suivants se succédèrent: Lunda Bululu, Mulumba Lukoji, Etienne Tshisekedi, Mungul-Diaka, Ngunz a Karl i Bond, Tshisekedi, Faustin Birindwa, et, en 1994, Léon Kengo wa Dondo.


CADRE 1 : QUI EST QUI?

==> Léon Kengo wa Dondo : L'actuel Premier ministre est né en 1935 à Libenge, dans la province de l'Equateur, fils d'un colon polonais et d'une mère d'origine rwandaise tutsi. Il fut ambassadeur à Bruxelles de 1980 à 1982 et déjà Premier ministre fin 1982. Dans la période de transition il prit quelque distance de Mobutu et fonda le parti UDI (Union des démocrates
indépendants). Il fut renommé Premier ministre en 1994.
==> Etienne Tshisekedi : D'origine Luba de la région diamantifère du Kasaï, il est président de l'UDPS et une figure importante de l'opposition radicale contre le président Mobutu. Durant la période transitoire, par deux fois il fut nommé Premier ministre, mais aux yeux de beaucoup il s'est chaque fois mis hors jeu par son attitude intransigeante à l'égard de Mobutu. Il exige toujours le poste de Premier ministre.
==> Mgr. Laurent Monsengwo Pasinya : archevêque de Kisangani. Comme président de la conférence épiscopale, il fut très critique à l'égard du régime. Successivement président de la Conférence nationale souveraine et du Parlement de transition, il démissionna en janvier 1996. Il dit ne plus vouloir occuper de fonction politique, sinon comme conseiller.

FIN CADRE 1


L'ARMEE ZAIROISE

L'armée régulière des Forces armées zaïroises (FAZ) est peu formée, peu armée et régulièrement privée de solde. Pour survivre, les soldats s'adonnent à des actes d'extorsion et au trafic de produits de tout genre.

Bien équipées et bien payées au contraire, sont les "Divisions spéciales", créées par le président Mobutu, comme le Service d'action et des renseignements militaires, la Garde civile, et la Division spéciale présidentielle (la DSP, garde prétorienne du président). Elles ont leurs propres responsables et sont considérées comme étant uniquement au service du président et de la classe dirigeante.

Face à la "rébellion" au Kivu, l'armée zaïroise, complètement démotivée, n'a pratiquement jamais engagé le combat. Dans sa retraite, elle n'a fait que se rendre coupable de pillages systématiques.

Dans la résistance aux rebelles, un rôle effectif a sans doute été joué par les anciennes Forces armées rwandaises et les milices extrémistes hutu, les Interahamwe, présentes dans les camps de réfugiés rwandais au Zaïre.

Kinshasa a recruté un certain nombre de mercenaires (300?) et annoncé une contre-offensive "foudroyante". Mais bien des observateurs doutent que l'armée zaïroise soit capable de se réorganiser.



CADRE 2 : QUI EST QUI?

==> Gén. Nzimbi Ngbale : membre de la famille de Mobutu, commandant de la DSP.
==> Gén. Baramoto Kpama : commandant de la Garde civile, une unité paramilitaire relativement bien équipée. Comme Mobutu, il est de l'ethnie Ngbandi, du nord de la province de l'Equateur. En novembre 1996 il fut nommé provisoirement comme chef d'état-major de l'armée.
==> Gén. Eluki Monga Aundu : également originaire de la province de l'Equateur. Il fut chef d'état-major de février 1993 à novembre 1996.
==> Gén. Mahele Lioko Bokungu : toujours originaire de l'Equateur. Chef d'état-major de 1991 à 1993, il fut nommé général en chef de l'armée, lorsqu'éclata la rébellion dans l'est du pays, en exigeant que toutes les divisions spéciales soient également soumises à son commandement.

FIN CADRE 2




B. Du côté de la "rébellion"

LES BANYARWANDA AU ZAIRE

Au début de la rébellion, on a beaucoup parlé d'une "rébellion des Banyamulenge". Selon une étude parue sous la direction des professeurs Reyntjens et Marysse (Conflits au Kivu: antécédents et enjeux, Antwerpen, décembre 1996), le terme est inadéquat. Il signifie "les gens de Mulenge" et n'indique que les Tutsi rwandais de la région d'Uvira au Sud-Kivu. Selon les auteurs, l'arrivée des premiers Banya-rwanda, Tutsi, au Sud-Kivu devrait se situer entre la fin du 18e et le 19e siècle. Le plus grand nombre de Banyarwanda, Tutsi et Hutu (mais à majorité des premiers), seraient arrivés au Zaïre, mais plutôt au Nord-Kivu, durant la colonisation belge; un certain nombre encore après l'indépendance du Zaïre. Les estimations du nombre pour l'ensemble des Banyarwanda au Zaïre en 1994, varient entre environ 1,5 million et 2 millions. Le nombre des Banyamulenge entre 20.000 et 60.000 (certains parlent de 400.000). La nationalité zaïroise de ces Banyarwanda a posé problème. La législation de la République a changé plusieurs fois. En 1964, la nationalité zaïroise était reconnue à toutes les personnes dont les ascendants étaient établis au Zaïre avant 1908. En 1972, elle est accordée également aux "personnes originaires du Rwanda-Urundi établies dans la province du Kivu avant le 1 janvier 1950"; mais cette loi fut abrogée en 1981, probablement comme conséquence des luttes politiques, économiques et foncières dans la région concernée. Depuis 1993, la violence ethnique entre les autochtones (Hunde, Nyanga, Nande) et les Banyarwanda a secoué le Nord-Kivu, surtout dans la zone de Masisi. L'implantation de plus d'un million de réfugiés rwandais a graduellement déstabilisé tout le Kivu. Au Sud-Kivu, le conflit a commencé en 1995. Les Banyarwanda y étaient victimes des violences de la part de soldats et autorités zaïroises et de la population locale. Les Banyamulenge demandèrent la reconnaissance de leur nationalité zaïroise et le respect de leurs droits civils et politiques. La violence contre les Tutsi d'Uvira éclata au début de septembre 1996. Ceux-ci auraient été préparés à la lutte armée, vraisemblablement avec l'assistance des autorités rwandaises, et n'avaient pas l'intention de se laisser chasser du pays comme les Tutsi du Nord. En octobre commença la "rébellion" au Kivu.



KABILA ET L'ALLIANCE

Au début de la rébellion, fut créée, le 18 octobre 1996, l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), dont le leader est Laurent Kabila. Laurent Kabila, un Muluba du Shaba, ancien Muleliste, a joué, dans les années 60, un rôle dans le soulèvement "nationaliste de gauche" à l'est du Zaïre (alors Congo). Après la défaite des Mulelistes, Kabila fonda son propre parti, le Parti de la révolution populaire, dont l'aile militaire, les Forces armées populaires, a tenu durant des années une enclave "territoire libéré" dans les montagnes au sud d'Uvira. L'AFDL rassemble un certain nombre d'organisations assez obscures, dont: le Parti de la révolution populaire (PRP), de Kabila lui-même; l'Alliance démocratique des peuples (ADP), dont le leader est Deo Bugera, un Tutsi de Rutshuru (l'ADP, qui regroupe les soi-disant Banyamulenge, est sans doute le parti dominant dans l'Alliance); le Mouvement révolutionnaire pour la libération du Zaïre (MRLZ), de Nindaga Masusu, un Mushi; et un certain Conseil national de résistance pour la démocratie (CNRD). Laurent Kabila fut considéré comme un homme de paille des Tutsi banyarwanda, sinon du Rwanda lui-même, mais il faut reconnaître qu'il a pris du poids. L' Alliance, qui s'est remarquablement bien organisée, aussi dans ses relations internationales, essaie d'attirer à elle les autres mouvements zaïrois d'opposition à Mobutu. L'attitude de certains partis zaïrois, opposés à Mobutu, semble hésitante devant cette rébellion considérée généralement comme une attaque rwandaise. Le principal parti d'opposition, l'UDPS, est favorable à des pourparlers. Au Shaba, le parti UFERI a pris ses distances avec Mobutu. Un chef traditionnel, l'empereur des Lunda, a plaidé pour des pourparlers avec Kabila, qu'il appelle "un Zaïrois qui se bat contre un dictateur".



C. Les réfugiés...


Un drame inexprimable. Durant des semaines, des mois, les instances internationales ont discuté, en vain, de l'envoi de troupes d'intervention pour protéger et évacuer les réfugiés et les personnes déplacées. Après le retour hallucinant de centaines de milliers de réfugiés rwandais dans leur pays, il y a eu une guerre de chiffres sur le nombre présumé des réfugiés toujours au Zaïre, prétexte pour ne pas intervenir. Début février 1997, le commissaire européen, Emma Bonino, visita le camp de Tingi-Tingi, entre Bukavu et Kisangani, où elle a vu "ces réfugiés qui ne pouvaient pas exister". Elle résume: "Il est un fait que nous avions 1,2 million de réfugiés rwandais au Zaïre. Autre fait: 700.000 personnes au maximum sont rentrées au Rwanda en novembre (le HCR estimait ce chiffre acceptable, bien qu'optimiste). Un bon demi-million de gens s'étaient donc perdus. Deux mois plus tard, 200.000 d'entre eux sont réapparus dans les camps de Tingi-Tingi, Amisi et Shabunda, dans une situation de cauchemar. 300.000 donc ont disparu. Ou bien ils ont péri, ou bien ils survivent quelque part dans la forêt. On ne peut qu'espérer cette dernière hypothèse."


FIN 1ère PARTIE

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