1ère PARTIE
Puis, les difficultés s'amoncellent: le prix du cuivre retombe de moitié, la crise du pétrole atteint le Zaïre comme tous les autres pays, et la zaïrisation de l'économie est un échec évident. A deux reprises, en 1977 et 1978, Mobutu doit faire appel à une aide étrangère pour contrer des invasions d'exilés du Shaba. Dans les années 80, des technocrates, comme le Premier ministre Kengo wa Dondo, essaient d'assainir la situation avec les remèdes amers du FMI, mais rien n'y fait.
En janvier 1990, Mobutu lance une consultation populaire sur le "fonctionnement des institutions", et le 24 avril il annonce la fin de l'Etat-Parti et du MPR, et le rétablissement de la séparation des pouvoirs. Les politiciens se hâtent de créer ou recréer leurs propres partis.
La Conférence nationale souveraine (CNS) débute en août 1991. Après plusieurs interruptions, elle reprend pour de bon en avril 1992, sous la présidence de Mgr. Monsengwo, et se supprime elle- même une année plus tard. Elle a donné un déballage thérapeutique de tout ce qui ne va pas dans le pays et une base juridique pour un système politique démocratique. Mais sa mise en application s'avère provisoirement impossible, à cause de la faiblesse fondamentale d'une opposition fractionnée et d'une stratégie d'obstruction consciente de l'entourage du président. Le dernier agenda pour la transition à la IIIe République prévoit comme date ultime pour des élections l'été de 1997.
Le président Mobutu est sérieusement malade. Alors qu'il se fait soigner en Suisse pour un cancer, la rébellion éclate dans l'est du pays.
Dès qu'ils furent permis (octobre 1990), les partis politiques se multiplièrent. Plus de 300 partis furent créés! On parle même aujourd'hui de plus de 450 partis enregistrés au Zaïre; mais bon nombre d'entre eux n'ont qu'une poignée d'adhérents. On peut distinguer les partis de vraie opposition de ceux qui ne seraient que des annexes du MPR, forgés de toutes pièces par le pouvoir pour faire diversion. On peut aussi faire la distinction entre les partis "unitaristes" et "fédéralistes"; ou encore entre les anciens partis d'avant 1965 et les nouveaux.
A la Conférence nationale souveraine se dessinèrent deux grandes tendances: d'une part le MPR et ses alliés, la Mouvance présidentielle (MP); d'autre part l'UDPS et les siens, regroupés dans l'Union sacrée de l'opposition (USO). Entre ces deux pôles se développa un Centre, avec des partis s'appuyant d'un côté ou de l'autre.
L'Union sacrée regroupait à l'origine 130 partis, dont les plus importants étaient l'UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), l'UFERI (Union des fédéralistes et des républicains indépendants) et le PDSC (Parti démocrate social chrétien). A l'intérieur de l'Union, les affiliations politiques étaient assez fluides, les membres changeant régulièrement d'un parti à un autre, et même sortant ou rentrant dans l'Union. Malgré cela et malgré les efforts de Mobutu, le groupe est resté assez uni jusqu'en 1994. En avril 1994, il y eut un schisme entre les éléments radicaux, qui suivirent Tshisekedi, et des modérés, dont le PDSC, qui créèrent l'Union pour la République et la démocratie (URD) et appuyèrent le gouvernement de compromis de Kengo wa Dondo. L'UFERI rejoignit même le camp de Mobutu.
Après la dissolution de l'"Etat-Parti", suivit une période de grande turbulence politique, avec une valse de gouvernements successifs qui ne duraient souvent que quelques mois. A partir du 25 avril 1990, les Premiers ministres suivants se succédèrent: Lunda Bululu, Mulumba Lukoji, Etienne Tshisekedi, Mungul-Diaka, Ngunz a Karl i Bond, Tshisekedi, Faustin Birindwa, et, en 1994, Léon Kengo wa Dondo.
Bien équipées et bien payées au contraire, sont les "Divisions spéciales", créées par le président Mobutu, comme le Service d'action et des renseignements militaires, la Garde civile, et la Division spéciale présidentielle (la DSP, garde prétorienne du président). Elles ont leurs propres responsables et sont considérées comme étant uniquement au service du président et de la classe dirigeante.
Face à la "rébellion" au Kivu, l'armée zaïroise, complètement démotivée, n'a pratiquement jamais engagé le combat. Dans sa retraite, elle n'a fait que se rendre coupable de pillages systématiques.
Dans la résistance aux rebelles, un rôle effectif a sans doute été joué par les anciennes Forces armées rwandaises et les milices extrémistes hutu, les Interahamwe, présentes dans les camps de réfugiés rwandais au Zaïre.
Kinshasa a recruté un certain nombre de mercenaires (300?) et annoncé une contre-offensive "foudroyante". Mais bien des observateurs doutent que l'armée zaïroise soit capable de se réorganiser.
==> Gén. Nzimbi Ngbale : membre de la famille
de Mobutu, commandant de la DSP.
==> Gén. Baramoto Kpama : commandant de la Garde
civile, une unité paramilitaire relativement bien
équipée. Comme Mobutu, il est de l'ethnie Ngbandi,
du nord de la province de l'Equateur. En novembre 1996 il fut
nommé provisoirement comme chef d'état-major de
l'armée.
==> Gén. Eluki Monga Aundu : également
originaire de la province de l'Equateur. Il fut chef
d'état-major de février 1993 à novembre
1996.
==> Gén. Mahele Lioko Bokungu : toujours
originaire de l'Equateur. Chef d'état-major de 1991
à 1993, il fut nommé général en chef
de l'armée, lorsqu'éclata la rébellion dans
l'est du pays, en exigeant que toutes les divisions
spéciales soient également soumises à son
commandement.
B. Du côté de la
"rébellion"
Au début de la rébellion, fut créée, le 18 octobre 1996, l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), dont le leader est Laurent Kabila. Laurent Kabila, un Muluba du Shaba, ancien Muleliste, a joué, dans les années 60, un rôle dans le soulèvement "nationaliste de gauche" à l'est du Zaïre (alors Congo). Après la défaite des Mulelistes, Kabila fonda son propre parti, le Parti de la révolution populaire, dont l'aile militaire, les Forces armées populaires, a tenu durant des années une enclave "territoire libéré" dans les montagnes au sud d'Uvira. L'AFDL rassemble un certain nombre d'organisations assez obscures, dont: le Parti de la révolution populaire (PRP), de Kabila lui-même; l'Alliance démocratique des peuples (ADP), dont le leader est Deo Bugera, un Tutsi de Rutshuru (l'ADP, qui regroupe les soi-disant Banyamulenge, est sans doute le parti dominant dans l'Alliance); le Mouvement révolutionnaire pour la libération du Zaïre (MRLZ), de Nindaga Masusu, un Mushi; et un certain Conseil national de résistance pour la démocratie (CNRD). Laurent Kabila fut considéré comme un homme de paille des Tutsi banyarwanda, sinon du Rwanda lui-même, mais il faut reconnaître qu'il a pris du poids. L' Alliance, qui s'est remarquablement bien organisée, aussi dans ses relations internationales, essaie d'attirer à elle les autres mouvements zaïrois d'opposition à Mobutu. L'attitude de certains partis zaïrois, opposés à Mobutu, semble hésitante devant cette rébellion considérée généralement comme une attaque rwandaise. Le principal parti d'opposition, l'UDPS, est favorable à des pourparlers. Au Shaba, le parti UFERI a pris ses distances avec Mobutu. Un chef traditionnel, l'empereur des Lunda, a plaidé pour des pourparlers avec Kabila, qu'il appelle "un Zaïrois qui se bat contre un dictateur".
Un drame inexprimable.
Durant des semaines, des mois, les instances internationales ont
discuté, en vain, de l'envoi de troupes d'intervention
pour protéger et évacuer les réfugiés
et les personnes déplacées.
Après le retour hallucinant de centaines de milliers de
réfugiés rwandais dans leur pays, il y a eu une
guerre de chiffres sur le nombre présumé des
réfugiés toujours au Zaïre, prétexte
pour ne pas intervenir.
Début février 1997, le commissaire européen,
Emma Bonino, visita le camp de Tingi-Tingi, entre Bukavu et
Kisangani, où elle a vu "ces
réfugiés qui ne pouvaient pas exister".
Elle résume: "Il est un fait que nous avions 1,2
million de
réfugiés rwandais au Zaïre. Autre fait:
700.000 personnes au maximum sont rentrées au Rwanda en
novembre (le HCR estimait ce chiffre acceptable, bien
qu'optimiste). Un bon demi-million de gens s'étaient
donc perdus. Deux mois plus tard, 200.000 d'entre eux sont
réapparus dans les camps de Tingi-Tingi, Amisi et
Shabunda, dans une situation de cauchemar. 300.000 donc ont
disparu. Ou bien ils ont péri, ou bien ils survivent
quelque part dans la forêt. On ne peut
qu'espérer cette dernière hypothèse."
FIN 1ère PARTIE