by Sean O'Leary, Afrique du Sud, mars 1997
THEME = JUSTICE
La Commission sud-africaine pour la vérité et de la réconciliation (TRC, en anglais) a déjà atteint en grande partie son but: guérir les blessures d'une nation divisée et très éprouvée, mais il reste encore beaucoup à faire
Dans une salle comble, près de quatre cents personnes
écoutent, en retenant leur souffle, les dépositions
de cinq agents blancs de la sûreté. Ils racontent en
détails imagés les circonstances ayant
entouré les meurtres de dirigeants de cette
communauté, au cours des années '80.
Ce n'est pas une audition pour l'amnistie, c'est plutôt une
audition de lourdes violations des droits de l'homme. On a
engagé les cinq policiers à comparaître devant
la communauté à laquelle ils ont causé tant de
souffrance et de douleur. Les membres de la famille des victimes
écoutent en silence. Il n'y a ni admiration ni condamnation
pour la comparution et les déclarations des policiers. Mais
quelque chose de très profond se passe entre le bourreau et
les victimes.
La guérison s'opère. Les agents de la
sûreté ne disent pas qu'ils regrettent et ne demandent
pas le pardon. Ce qu'ils font c'est reconnaître que ce qu'ils
ont fait dans le passé était mauvais.
Le P. Smangaliso Mkhatshwa, ministre-adjoint de
l'Enseignement, siège à une audience d'amnistie et,
pour la première fois, il apprend qu'il y a eu une tentative
de meurtre contre lui à l'aéroport de Durban en 1987.
Le policier explique qu'une femme passait sans cesse entre la mire
télescopique d'un fusil caché et la tête du
prêtre. Cette fois le policier demande pardon, et le P.
Mkhatshwa l'invite dans sa paroisse pour demander pardon à
la communauté. De nouveau, il se passe quelque chose de
sacré. La guérison s'opère.
Pour la première fois en vingt ans on connaît
officiellement le nom des responsables de l'assassinat de Steve
Biko. Cinq agents de la sûreté ont adressé
à la TRC une demande d'amnistie pour leur participation au
meurtre de Biko.
Les meurtriers de Matthews Goniwe et de ses trois compagnons
ont aussi fait une demande d'amnistie. Lentement mais
sûrement apparaît la vérité
derrière la face cachée de la violence, et on peut
lier d'innombrables enlèvements, meurtres et disparitions
aux noms d'agents de la sûreté et d'autres agents du
gouvernement d'apartheid.
Des auditions sur les lourdes violations des droits de l'homme ont
eu lieu à travers tout le pays. Complémentairement
aux témoignages des victimes enregistrés par des
responsables de la Commission, des auditeurs parcourent le pays
pour recueillir sur le terrein les déclarations de tous les
intéressés. A ce jour, 10.000 dépositions ont
été enregistrées. Pour la victime, le fait
d'exprimer son chagrin, sa frustration et sa colère, et de
se permettre de ressentir pleinement l'étendue de sa
souffrance, a permis la guérison. Ce qui est important c'est
que la Commission ne minimise d'aucune manière cette
souffrance et qu'elle veille à ce que la victime soit
traitée avec dignité et que sa peine soit reconnue.
Les bénéficiaires d'une restitution ont
été divisés en cinq catégories.
La première comprend ceux qui sont encore
psychologiquement traumatisés par les
événements et ont un besoin urgent d'un traitement
psychiatrique.
La seconde catégorie inclut ceux qui sont atteints
physiquement, d'une façon ou l'autre, à la suite du
dommage subi et nécessitent d'urgence des soins
médicaux.
La troisième catégorie est constituée
par ceux qui ont besoin d'une aide financière,
généralement parce que le soutien de famille a
été tué. Ces gens recevront peut-être
une pension ou une allocation.
Le quatrième groupe est celui de ceux qui n'ont pu
accéder àl'enseignement. On suggère de leur
donner des bourses d'études.
La cinquième et dernière catégorie est
caractérisée par sa fonction symbolique, et incite la
nation à être fidèle au devoir et à
l'obligation du souvenir. On envisage d'élever des monuments
au passé, tels une "Tombe du compagnon
inconnu" (terme utilisé pour désigner les
militants anti-apartheid), le rapatriement et l'enterrement des
restes de ceux qui sont morts en exil ou l'inscription des noms de
tous ceux qui sont morts dans la lutte pour la liberté.
END