ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 322 - 15/04/1997

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UN DOSSIER ANB-BIA

SOMALIE

by Dossier réalisé par ANB-BIA, avril 1997

THEME = DOSSIER

INTRODUCTION

Depuis la chute de la dictature de Siyad Barre en 1991, la Somalie est livrée à des chefs de guerre qui ont ruiné et détruit le pays. La Somalie est fracturée en douzaines de fiefs, dont les autorités se disputent et se chevauchent. Plusieurs tentatives de règlements du conflit furent proposées, mais jusqu'à présent aucune n'aboutit à instaurer un cessez-le-feu respecté par tous. Toutefois, tous les éléments nécessaires au rétablissement d'une paix durable semblent actuellement réunis.

I - Brève histoire

Les Somalis habitent la corne de l'Afrique depuis des millénaires. Pasteurs, leur histoire se résume en périodes de commerce, alternées de périodes de guerre, avec leurs voisins de l'Ethiopie. A la fin du 19e siècle, leur territoire est divisé entre l'empire éthiopien, les Italiens, les Britanniques et les Français.

Indépendance

Le 26 juin 1960 est proclamée l'indépendance du "Somaliland britannique", suivie le 1er juillet par celle de la "Somalie italienne". Les deux fusionnent dans la "République de Somalie" sous la présidence d'Aden Abdullah Osman. L'Ogaden reste dans l'empire éthiopien, alors qu'en 1967 la Côte française des Somalis devient indépendante, par référendum, sous le nom de "Territoire des Afars et des Issas" (l'actuelle République de Djibouti).

Siyad Barre (1969-91)

En 1969, le général Mohammed Siyad Barre prend le pouvoir par un coup d'Etat. Il instaure un pouvoir dictatorial et développe son ambition de réunir les territoires somalis. En 1977 la Somalie engage ses forces dans l'Ogaden, avec le mouvement de résistance du Front de libération de la Somalie occidentale, mais ses troupes sont défaites par l'armée éthiopienne, largement soutenue par les Soviétiques et les Cubains.
Au cours des années 80, le pouvoir de Siyad Barre s'effrite. Il doit faire front à plusieurs mouvements d'opposition à sa dictature, généralement basés en Ethiopie. Les principaux sont: le SNM (Somali National Movement) qui est implanté surtout dans le nord; le USC (United Somali Congress) qui opère principalement dans le centre; et le SPM (Somali Patriotic Movement) au sud. Le 27 janvier 1991, l'USC prend Mogadiscio et Siyad Barre doit s'enfuir; il se réfugie d'abord dans le sud et ensuite au Nigeria, où il mourra en 1995. Ali Mahdi Mohammed se proclame président, sans être reconnu. Le 18 mai 1991, le SNM proclame la sécession du nord du pays et crée la "République du Somaliland", (l'ancien Somaliland britannique) sous la présidence de Abd Ar-Rahman Ahmad Ali Tur. Mohammed Ibrahim Egal lui succède en 1993.

Interventions des Nations unies (1992-95)

Les dissensions persistent, non seulement entre les différents groupes de rebelles, mais également entre factions à l'intérieur de ceux-ci. En novembre 1991 commencent de violents combats entre clans rivaux de l'USC , opposant les partisans d'Ali Mahdi à ceux du général Mohammed Farah Aïdid.
Plusieurs tentatives de médiation échouent. La première opération des Nations unies, l'ONUSOM I (septembre-novembre 1992), chargée de superviser un cessez- le-feu et de protéger l'aide humanitaire échoue également: seuls 500 soldats pakistanais sont effectivement envoyés sur les 4.200 prévus. Finalement, en décembre, commence l'opération "Restore Hope" avec 36.000 soldats, dont 24.000 Américains. En mars 1993, une conférence de réconciliation a lieu à Addis Abeba et arrive à un accord pour la formation d'un Conseil national de transition et le désarmement des factions; mais Aïdid refuse. En mai, les Etats-Unis passent le commandement et commence la mission ONUSOM II. Mais les accrochages avec les Casques bleus se multiplient et en novembre, on décide le retrait progressif des troupes occidentales. Le 2 mars 1995 les derniers soldats de l'ONU quittent le pays, après l'échec d'une solution politique.

Les affrontements continuent (1995-96)

Les affrontements entre clans et factions continuent, même s'ils deviennent plus sporadiques. Le 15 juin 1995, Aïdid est élu comme "président de la Somalie" par ses partisans, mais son bras droit, Osman Atto, fait défection. Entre avril et juin 1996, des combats entre les factions d'Aïdid et d'Osman Atto font 200 morts, et 150 en juillet. Aïdid lui-même est blessé et meurt de ses blessures le 1 août. Son fils, Hussein Aïdid, lui succède.
Hussein Aïdid a la citoyenneté américaine et a passé la moitié de sa vie aux Etats-Unis. Sa mère ayant divorcé, il partit avec elle en Californie, où il fit des études d'ingénieur. Marine US depuis 1987, il participa même à l'intervention Restore Hope, mais lorsqu'on découvrit ses liens familiaux, il fut vite renvoyé aux Etat-Unis. Un peu plus tard il revint en Somalie pour aider son père. Sa connaissance militaire le fit nommer chef de la sécurité et chargé des achats d'armes pour le clan. La rapidité avec laquelle il fut nommé à la place de son père, a surpris les observateurs. Ceux qui avaient espéré une accalmie, suite à sa nomination, furent déçus: Hussein Aïdid a déclaré qu'il continuait le combat.

Situation du pays, fin 1996

Hussein Aïdid se considère comme le véritable président de la République de Somalie, mais il n'y a qu'une minorité d'habitants à partager cette vision des choses. Apparemment, les Somaliens s'accommodent d'un système de mosaïque de petites unités territoriales, bien que dans les secteurs les plus importants l'absence d'une administration centrale se fasse cruellement sentir. Mais le système actuel, fait de petites unités politiques et économiques, offre souvent la seule garantie d'une coexistence plus ou moins pacifique entre clans opposés. Dans l'histoire récente du pays, les crises les plus violentes ont toujours éclaté quand une fraction ou un clan a tenté de s'emparer du pouvoir central.
Dans une bonne partie du pays, des systèmes de gouvernements régionaux et locaux se sont mis en place, des petites entreprises fonctionnent et le commerce a repris, même l'exportation de bétail et de bananes. Médecins, infirmiers, enseignants, administrateurs locaux, tous s'efforcent à refaire le tissu social déchiré par la guerre civile.
Un document de l'ONU, relatif à un projet de programme d'aide, divise la Somalie en trois zones, qui ne sont pas toujours clairement définissables en termes géographiques:
* Une "Zone de reprise", où des structures administratives se sont établies et commencent à agir au niveau régional. Cette zone comprend une partie du Somaliland et la région de Bari (dans le nord-est). Dans ces territoires, la production locale a repris dans des conditions relativement stables et un commerce trans-régional orienté vers l'exportation s'est instauré.
* Une "Zone de crise", qui inclut la plupart des régions du sud du pays: le sud de Mogadiscio, le port de Kismayo, ainsi que les régions du Bas-Djouba, du Moyen- Djouba, du Bas-Chebeli et du Bay. Ici, on se bat sporadiquement pour le pouvoir; les structures administratives se sont effondrées ou fortement contestées. Cette zone vit à l'heure de l'absence de lois, de l'instabilité et de la pauvreté.
* Une "Zone de transition", c'est-à-dire le reste du pays, où la situation oscille selon les périodes entre stabilité et crise.

II - Une paix à petits pas? (1996-97)

Si les combats entre factions continuent sporadiquement, surtout dans la région de Mogadiscio, les pourparlers de paix se multiplient de plus en plus.

Mogadiscio

La capitale Mogadiscio est, depuis plusieurs années, coupée par une "ligne verte" qui sépare deux des factions les plus puissantes (chacune soutenue par des familles et des clans): la partie nord est contrôlée par Ali Mahdi Mohammed; la partie sud par Aïdid. Une autre ligne verte entoure encore une petite enclave le long de la mer, appelée la Medina, contrôlée par Osman Ali Atto. En octobre 1996, les trois se sont retrouvés à Nairobi et, après une semaine de discussions, se sont mis d'accord pour cesser les hostilités, enlever les barrages et faciliter l'aide humanitaire. Aucun texte cependant ne fut signé. Et, aussitôt après leur retour à Mogadiscio, des combats ont repris entre les miliciens des différents camps.
Le 20 janvier 1997, à l'initiative de l'envoyé spécial italien G. Casini, Hussein Aïdid et Ali Mahdi se sont à nouveau rencontrés et sont arrivés à un accord pour réunifier Mogadiscio et démanteler la ligne verte. Les deux chefs ont discuté de la réouverture du port et de l'aéroport de la ville, fermés depuis deux ans. Ils ont déclaré que la Somalie connaissait la sécheresse et avait besoin du port pour recevoir l'aide humanitaire. Un comité conjoint serait chargé de mettre les accords en application.

L'accord de Sodéré

A la mi-décembre 1996, 26 chefs de factions se sont réunis à Sodéré, en Ethiopie. Les chefs des principales factions s'y sont retrouvés, à l'exception toutefois de Hussein Aïdid et d'Ibrahim Egal du Somaliland. Cette réunion, qui s'est déroulée sur une période de sept à huit semaines, est considérée comme l'espoir de paix le plus sérieux de ces dernières années. Elle a débouché au début de l'année sur la création d'un Conseil de salut national (NSC) de 41 membres, qui doit travailler à la définition d'une charte de gouvernement et prendre en charge la restructuration économique du pays dévasté. Le Conseil a un comité exécutif de 11 membres et une présidence collégiale de cinq personnalités somaliennes, à travers lesquelles les différentes factions et clans sont représentés:
* Abdulkadir Mohamed Aden, leader d'un mouvement démocratique somali armé, d'une famille clanique originaire du sud de la Somalie;
* Abdulahi Yussuf (du Front démocratique somalien) et Aden Abdulahi Nur (du groupe Ogaden), qui représentent les deux plus grandes familles du clan Darod, qu'on retrouve dans les parties nord et sud du pays;
* Ali Mahdi et Osman Atto, issus tous deux du clan des Hamiyé, qui sont surtout disséminés dans toute la zone centrale du pays. Le Conseil a appelé Hussein Aïdid (également du clan Hamiyé) à rejoindre le mouvement de réconciliation. Six années de guerre ont épuisé les hommes et les réserves du pays. Les Somaliens semblent mûrs pour engager une réconciliation nationale.
Mais le refus d'Aïdid est tout de même de mauvais augure. De plus, les pourparlers, entamés à Mogadiscio entre Hussein Aïdid et Ali Mahdi, ont repris au Kenya, surtout depuis le mois de mars. Ces deux processus de paix, l'un sous l'égide de l'Ethiopie, l'autre sous celle du Kenya, chacun avec ses intérêts particuliers, pourraient entrer en compétition.

Le Somaliland

Un autre obstacle à cette réconciliation est l'exis- tence du Somaliland, même si son indépendance proclamée n'est actuellement reconnue par aucun pays. Le Somaliland pouvait jusqu'à présent se prétendre la seule région somalienne possédant un pouvoir central relativement stable, bien que son "président", Ibrahim Egal, ne semble contrôler qu'une bonne moitié de son Etat. Selon un rapport de 1996, la région orientale du Sanaag, dirigée par un autre clan, n'est pas hostile mais non administrée; et des zones le long de la frontière éthiopienne sont infestées par des milices claniques qui ont fait des centaines de morts. La ville de Burao, au centre, est déserte et minée. Même l'aéroport de la capitale Hargeisa reste fermé. Pratiquement les seules ressources du régime lui viennent du port de Berbera, mais beaucoup de marchands dirigent de plus en plus leur commerce sur le port de Bossasso pour échapper aux lourdes taxes.
Ibrahim Egal, par son refus de participer au mouvement de réconciliation nationale entamé à Sodéré, s'est mis en marge du processus de réunification et de pacification. Il a été réélu, le 23 février 1997, comme président pour une période de cinq ans.

Le rôle de l'Ethiopie

L'Ethiopie joue un rôle prépondérant dans la recherche d'un accord de paix depuis 1993. Ce rôle implique qu'aucune solution ne sera viable si elle n'assure pas le règlement des conflits de la région de l'Ogaden, peuplée de Somalis. Le gouvernement éthiopien accuse le groupe musulman somalien Al-Ittihad-al-Islam d'abriter dans les localités frontalières des groupes d'opposants islamistes, originaires de l'Ogaden, en guerre sainte contre l'Ethiopie. Les troupes éthiopiennes font régulièrement des incursions en territoire somalien pour détruire les bases arrière des islamistes. L' Ethiopie tente maintenant de régler ce problème avec l'aide des Somaliens eux-mêmes.
Le 17 février 1997, la Ligue Arabe a proposé à nouveau de réunir une Conférence de réconciliation nationale incluant toutes les parties somaliennes, y compris Aïdid.

END

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