ANB-BIA SUPPLEMENT
ISSUE/EDITION Nr 323 - 01/05/1997
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Burkina Faso
Le FESPACO souffre d'une production squelettique
by Sarah Tanou, Ouagadougou, Burkina, avril 1997
THEME = CINEMA
INTRODUCTION
Le festival panafricain du cinéma et de la
télévision de Ouagadougou (FESPACO) a
atteint l'âge de la maturité, et ce, malgré
une certaine marginalisation dont souffre le continent africain.
Quel bilan peut-on en tirer?
Le FESPACO a conquis ses lettres de noblesse dans le paysage
cinématographique mondial. Le plus grand festival
d'Afrique se place aujourd'hui aux premiers rangs des grands
festivals du monde!
Plus de vingt-sept années de travail au
bénéfice du cinéma permettent d'affirmer
sans fausse modestie que le FESPACO est en train d'atteindre
les objectifs qu'on lui avait assignés et qui sont
entre autres: "favoriser la diffusion de toutes les
oeuvres du cinéma africain et, partant de là,
permettre les contacts et les confrontations d'idées entre
cinéastes; contribuer à l'essor et au
développement du cinéma africain en tant que moyen
d'expression, d'éducation et de
conscientisation". Grâce à la
coopération des autres Etats africains et des
cinéastes, et grâce aux diverses innovations
apportées aux récentes éditions, le FESPACO
est devenu une manifestation reconnue et
respectée au plan international. Son enjeu
économique, culturel et politique est indéniable
et prend de l'ampleur au fil des éditions, malgré
quelques difficultés et imperfections. Né en 1969
de la volonté de quelques inconditionnels de la culture
et du 7e art, le FESPACO a aujourd'hui acquis ses lettres de
noblesse. La quinzième édition du FESPACO (du 22
février au 1er mars 1997) s'est tenue sous le thème
"cinéma, enfance, jeunesse". La plus grande
distinction, l'Etalon du Yennenga, a été
décernée au cinéaste burkinabè Gaston
Kaboré, pour son long métrage "Buud
Yam" (la volonté de la famille)!
L'innovation majeure, cette année, a été
l'installation de la Fondation FESPACO et la mise en place de son
bureau, une institution qui jette les bases d'une nouvelle forme
de soutien au festival - grâce à une participation
plus importante et mieux appréciée du secteur
privé - et dont le but est de résoudre la
question de l'autofinancement du festival!
Plus de 45.000 spectateurs étaient présents
à la cérémonie d'ouverture . Les pays et
organismes participants ont atteint le chiffre record de 700; les
festivaliers étrangers étaient 5.000. Plus de
400.000 spectateurs ont sillonné les différentes
salles et lieux populaires pour assister aux projections, aux
expositions et aux conférences. 253 journalistes
représentant 105 médias internationaux ont
été
rencensés. Devant ces chiffres, on se rend compte qu'il
est aujourd'hui impossible de parler de festival du cinéma
dans le monde sans se référer à celui de
Ouagadougou.
Besoin d'un cadre juridique
Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Cette 15e
édition s'est déroulée au moment où
le 7e art africain est dans l'impasse. L'occasion est
offerte aux cinéastes de se montrer à la hauteur
pour sortir le cinéma africain de l'ornière. Depuis
le colloque de Niamey en 1980, les cinéastes africains ont
fait appel aux autorités de leurs pays respectifs pour
qu'elles lancent des bases juridiques et techniques du
film africain. La rencontre de Bamako entre les professionnels
du 7e art, en 1996, a consolidé cette base. Si
l'Amérique et l'Inde s'imposent, c'est par leur
organisation et le suivi des services publics. Par exemple,
depuis Nehru, l'Inde a toujours fait de la production
cinématographique une affaire d'Etat et aujourd'hui elle
produit annuellement 800 films. De son
côté, l'Amérique monopolise 90% des salles
de cinéma dans le monde. C'est dire qu'une
véritable politique cinématographique nationale et
continentale s'impose aux pays africains.
Le cinéma africain et son public
Autre constat amer, le cinéma africain est orphelin de son
propre public. Beaucoup s'interrogent sur la place qu'occupe le
cinéma africain dans l'industrie cinématographique.
Dépendant financièrement à 90% de capitaux
extérieurs, le cinéma africain a du mal à
se trouver une légitimité politique et
culturelle. Nombreux sont ceux qui ne voient pas
l'intérêt du 7e art africain. Pourtant le continent
compte des cinéastes talentueux, tels que Souleymane
Cissé, Cheick Oumar Cissoko, Jean-Pierre Beli Kollo,
Léonce Ngabo, Roger Ngoan M'Bala, Idrissa
Ouédraogo, Gaston Kaboré..!
Si le cinéma se plaint du
désintéressement du public à son
égard, ce dernier se plaint de l'immobilisme dont
souffre le cinéma africain. Les thèmes
traités, les sujets véhiculés sont toujours
les mêmes et font partie de la vie quotidienne de tout un
peuple. Et le public dit en avoir marre des mêmes sujets
qui ne lui apportent rien de nouveau. Le public se plaint aussi
de l'absence de films africains dans les salles de cinéma
africaines; une fois le FESPACO passé, on ne voit plus ces
films sur les écrans (les petits comme les grands). Pour
les cinéastes, le manque de moyens financiers et
techniques les obligent souvent à vendre leurs productions
à l'extérieur, avant même la finition, afin
de rentrer en possession des sommes dépensées pour
la production. Un cercle infernal, où la balle est dans
tous les camps. Et aujourd'hui, le cinéma africain doit
faire beaucoup pour se hisser au diapason mondial!
Néanmoins, par delà les succès et les
imperfections, le FESPACO a permis de faire passer le
problème du cinéma africain de la
périphérie au centre des préoccupations. Le
Burkina Faso, l'un des pays les plus pauvres du monde, a
relevé le défi, grâce à un festival
aux effets multiplicateurs et aux retombées
insoupçonnées pour le développement de la
cinématographie africaine!
Le FESPACO est économiquement et culturellement un
modèle réussi d'intégration africaine.
Il appartient à tous les acteurs de la profession de
créer et de développer sur le continent les
mécanismes et outils nécessaires à la prise
en compte du cinéma comme un véritable maillon dans
la volonté de bénéficier d'un espace
commercial et économique prospère. A l'heure
où les autoroutes de l'information sont aux portes du
continent africain, de nouveaux défis attendent le FESPACO
sur d'autres fronts. Le festival panafricain a
décidé de ne pas être la vache qui regarde
passer le train de son pré, mais d'être
présent dans les progrès du temps.
END
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