ANB-BIA SUPPLEMENT
ISSUE/EDITION Nr 323 - 01/05/1997
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Nigeria
Transition vers la démocratie
by Linus Obi Chiamuta, Nigeria, mars 1997
THEME = ELECTIONS
INTRODUCTION
Les Nigérians ont élu présidents et
conseillers de 774 conseils de gouvernement locaux de la
fédération. Cela est apparu comme un pas important
vers la démocratie... Mais était-ce le cas?
Les élections du 15 mars 1997 ont éveillé
l'espoir que le pays le plus peuplé d'Afrique, (plus de
100 millions d'habitants) soit sur la voie de la
démocratie, et les observateurs internationaux ont
constaté que ces élections avaient
été menées
démocratiquement!
Oui, les élections se sont bien passées; mais
que signifie alors le fait que la Constitution de 1995 ne soit
pas encore appliquée? Le 24 mars, les présidents
et conseillers nouvellement élus ont prêté
serment et sont entrés en charge; mais en vertu de quelle
Constitution vont-ils exercer leur fonction?
Bref rappel historique
Depuis son indépendance en 1960, le Nigeria a eu 9
Constitutions (le pays est devenu une république en
1963): la Constitution Clifford (1922), la Constitution Richards
(1946), la Constitution Macpherson (1951), la Constitution
Lyttleton (1954), et les Constitutions de 1960, 1963, 1979, 1989
et 1995. Seules les Constitutions de 1960 et de 1963 ont
été rédigées par des gouvernements
démocratiques, et celle de 1995 n'est pas encore mise en
application!
A la suite du coup d'Etat militaire du 15 janvier 1966, les
gouvernements militaires des généraux Ironsi,
Gowon, Murtala Muhammad et Obasanjo ont abrogé les
Constitutions de 1960 et 1963 et promulgué des
décrets pour les remplacer!
Vint alors un temps où les Nigérians ont fait
des pétitions pour en revenir au régime civil. Le
gouvernement Murtala institua donc, le 4 octobre 1975, un
Comité de rédaction d'un projet de Constitution de
50 membres, présidé par un juriste nigérian,
Mr Rotimi Williams!
Le Comité présenta son rapport un an plus tard,
et le gouvernement installa une Assemblée constituante de
30 membres, présidée par le juge Udoma, pour
connaître et comparer les opinions des Nigérians sur
le projet de Constitution. Le comité présenta le
projet de nouvelle Constitution au chef de l'Etat de
l'époque, le gén. Obasanjo (qui
succéda à Murtala Muhammad), le 29 août 1978.
On restaura immédiatement les libertés politiques,
et les militaires, représentés par le gén.
Obasanjo, transmirent le gouvernement au régime civil
d'Alhaji Shagari, le 1er octobre 1979!
Cette Constitution resta en vigueur durant quatre ans. Le 31
décembre 1983, les militaires conduits par le
gén. Buhari reprirent le pouvoir. Mais ce
régime fut à son tour renversé par le
sanglant coup d'Etat militaire du gén. Babangida
en 1985!
Babangida créa un bureau politique pour enregistrer
les opinions des Nigérians sur la façon d'amener
le pays à la démocratie. Suivit ensuite la
procédure devenue familière de la création
d'un Comité constitutionnel, rédigeant un projet
de Constitution et le soumettant à l'Assemblée. Ce
fut la Constitution de 1989, qui resta en vigueur au cours d'une
période
transitoire. Malheureusement, l'annulation par Babangida des
élections présidentielles du 12 juin 1993 aboutit
à une impasse politique!
Le gouvernement intérimaire de Mr Shonekan ne
put rien faire quand le gén. Abacha s'empara du
pouvoir, le 17 novembre 1993. Celui-ci promit aux
Nigérians de réunir une Conférence
constitutionnelle nationale pour déterminer l'avenir
politique du pays!
Le 18 janvier 1994, le régime installa de nouveau le
Comité de la Conférence constitutionnelle
nationale, surtout pour recevoir les avis des Nigérians
sur les conditions requises pour aller de l'avant et
préparer un cadre à la Conférence
constitutionnelle nationale, chargée de rédiger le
projet d'une nouvelle Constitution. Il promit de convoquer la
Conférence au début de 1994. Mais elle fut
retardée et, suite aux fortes pressions du public,
programmée à nouveau pour le 27 juin. Un an plus
tard, le rapport de la Conférence et le projet de
Constitution furent soumis au chef de l'Etat: c'est la
Constitution appelée "Constitution de
1995".
Une Constitution non fonctionnelle
La Constitution de 1995 aurait dû être
promulguée pour mener l'actuelle période de
transition jusqu'à une démocratie complète.
Mais le gouvernement militaire n'a jamais tenu ses promesses et,
en janvier 1996, le secrétaire du gouvernement
fédéral expliqua que la Constitution ne serait
promulguée avec force de loi qu'en 1998. Dans une
interview au Washington Post, Abacha confirmait cette
déclaration!
Mr Yemi Faroubi, coordinateur pour le sud-ouest du
Parti uni du Congrès du Nigeria (UNCP), déclare:
"Si je m'en tiens à ce que je lis dans l'interview
au 'Washington Post', la nouvelle Constitution ne sera
promulguée avec force de loi qu'après que
l'administration civile aura repris le pouvoir. Sous quelle
Constitution, alors, allons-nous être gouvernés
entre ce moment-là et maintenant? De même, sur
quelle Constitution ceux qui viennent d'être élus
aux dernières
élections locales pourront-ils s'appuyer?"
Mr Mike Ozekhome, militant des droits de l'homme,
déclare: "Ce qui se passe maintenant est une
aberration constitutionnelle, une abomination légale.
Comment le gouvernement peut-il souhaiter que l'actuel programme
de transition se poursuive sans Constitution? L'absence de
Constitution fait que beaucoup de gens se rendent compte ou
croient qu'il y a un programme secret."
Les médias ont beaucoup à dire sur le sujet de
la Constitution. Ne prenons qu'un journal, The Post
Express. Dans l'éditorial, on lit: "Il y a de
bonnes raisons de promulguer la Constitution maintenant. Tout jeu
nécessite des règles, sinon c'est le chaos.
Même les spectateurs sur la ligne de touche doivent
connaître les règles du jeu, sinon ils ne peuvent
en juger correctement. Le public a besoin d'être
guidé".
Les politiciens fonctionnent sous la menace
Le fait qu'il n'y ait pas de Constitution a déjà
occasionné de nombreuses contradictions. Les
présidents des gouvernements locaux récemment
élus, entrés en fonction le 24 mars, se sentent
menacés!
Voyez ce qui est arrivé quand l'administrateur
militaire de l'Etat de Lagos, le colonel Mawa,
présidait la cérémonie de prestation de
serment des
présidents de sa région: il a déclaré
qu'ils resteraient en charge pendant trois ans, et non quatre
comme c'est établi dans la Constitution de 1995. On leur
a fourni une longue liste de "programmes prioritaires
à suivre", et on les a informés en termes
non équivoques qu'on "s'occuperait d'eux"
s'ils ne respectaient pas ces programmes. L'administrateur
militaire de l'Etat de Ondo, le capitaine de frégate
Anthony Onyearu-gbulem, a bien enfoncé dans la
tête des
présidents que "le gouvernement militaire
contrôle toujours très fort le pays",
malgré l'actuelle période de transition. Celui de
l'Etat d'Oyo, le colonel Usman, est allé encore
plus loin: il a interdit aux présidents du conseil
d'assister aux réunions politiques sans autorisation
préalable de ses services!
Le fait qu'il n'y ait pas de Constitution a
déjà créé la confusion dans le
processus de transition. Le gouvernement doit prendre des mesures
pour guider le pays sur la voie d'une vraie démocratie.
END
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