ANB-BIA SUPPLEMENT
ISSUE/EDITION Nr 324 - 15/05/1997
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Afrique du Sud
A la recherche d'une justice économique
by Ashley Green-Thompson, Afrique du Sud, avril 1997
THEME = ACTION SOCIALE
INTRODUCTION
La disparition du Programme sud-africain de reconstruction et
de développement et le lancement de la stratégie
de "Croissance, développement et redistribution"
a suscité une sérieuse inquiétude parce que
la nouvelle stratégie se soucie uniquement de la
croissance économique et non des gens
Le "Programme de reconstruction et de
développement" (RDP) du premier gouvernement
élu démocratiquement a séduit l'imagination
de tous les secteurs de la société sud-africaine.
C'est ce que nous attendions - un plan qui s'attaque à
l'héritage de pauvreté et de privations
laissé par le
système de l'apartheid. Il fallait mobiliser les
communautés pour qu'elles participent au processus de
reconstruction du pays. Le RDP devait être centré
sur les gens et réalisé par eux.
Cela sonnait agréablement aux oreilles de ceux qui
travaillent dans l'Eglise, car leur intérêt
principal se portait aussi vers les pauvres et les
démunis. Nous, chrétiens engagés, avons
accueilli à bras ouverts les buts et objectifs du RDP et,
là où nous le pouvions, nous avons participé
à des programmes d'éducation destinés
à rendre les gens capables de s'impliquer dans le
processus de reconstruction. En mars 1995, s'est tenue une
Consultation nationale
économique qui a formulé une réponse des
catholiques au RDP et a esquissé les domaines où
on pourrait coopérer avec d'autres organisations à
la promotion du programme.
Tout à coup, le bureau RDP a disparu et, avec lui, les
espoirs et aspirations de millions de Sud-Africains. En tant que
membres d'Eglise, nous nous sommes sentis lâchés,
car on n'a donné que peu ou pas d'explication de cette
décision.
GEAR
Le lancement par le gouvernement, au début de
l'année, de la stratégie de "Croissance,
développement et redistribution" (GEAR) fit craindre
encore plus que le RDP soit devenu maintenant RIP (requiescat
in pace)... Le GEAR semblait avoir rejeté beaucoup de
ce qui était louable dans le RDP et adhéré
aux principes du système capitaliste. Un
évêque a été amené à
dire à propos du GEAR qu'"...un capitalisme
effréné avait été lâché
sur une population sans méfiance".
En tant que membres de l'Eglise catholique, nous avons
ressenti la nécessité de nous informer sur ce
qu'est exactement ce nouveau GEAR. Dans ce but, une seconde
Consultation sur la justice économique s'est tenue
à
Johannesburg du 10 au 14 mars de cette année.
Craintes
L'inquiétude au sujet de la disparition du RDP se
reflétait parmi les 70 délégués
à la Consultation. Ils se rendaient compte que la nouvelle
stratégie n'était pas centrée sur les gens,
mais au contraire ne se souciait que de croissance
économique. Au lieu de créer plus d'espace pour la
participation des communautés à la reconstruction
de l'économie, la chasse au profit semble
être devenue l'objectif premier.
Le GEAR exige plus de sacrifices des pauvres tandis que les
riches continuent à amasser de plus grandes richesses.
Cette façon de traiter de l'allégement de la
pauvreté en le vidant peu à peu de sa substance est
bien éloignée de la vision
développée par le RDP.
On s'est aussi rendu compte que le GEAR est loin de la vie
de la moyenne des gens. Elaboré et réalisé
par des technocrates et des experts économiques, il ne
donne pas un visage humain au processus de reconstruction.
Au lieu de cela, ceux qui ont un besoin extrême de services
sociaux de base sont abandonnés aux artifices et aux
fantaisies des forces du marché quand ils tentent de
gagner leur vie. Les délégués se sont rendu
compte que l'ennemi c'était l'héritage
économique de l'apartheid. Ils ont compris qu'une
politique économique néo-libérale qui place
le profit avant les hommes est la plus grande menace
planant sur la liberté nouvellement acquise de l'Afrique
du Sud. Le GEAR est-il le reflet de cette idéologie
néo-libérale, voilà la question!
Réponse du gouvernement
Le fait que la liberté politique ne peut prospérer
dans une situation d'injustice économique a
été un thème commun à toutes les
communications. Là où les différences ont
surgi, c'est au sujet de la voie à suivre pour atteindre
la justice économique.
Le ministre du Commerce et de l'Economie, Alec Erwin,
défendait les principes du GEAR et rejetait toute
insinuation laissant entendre que le gouvernement avait trahi les
pauvres. L'Afrique du Sud n'est pas une île et doit
participer à l'ensemble mondial. C'est pourquoi, le GEAR
est la meilleure réponse possible aux problèmes qui
assaillent le pays. Dans ce contexte - quand on est
confronté à toutes les options dans un monde
hostile et vorace, il est souvent nécessaire de faire des
compromis - nous étions priés de cesser de
diaboliser le GEAR.
"Engager le dialogue"
Jeremy Cronin, du Parti communiste d'Afrique du Sud,
réfuta l'idée que le GEAR n'est pas
négociable. On a organisé des forums où les
parties intéressées pouvaient négocier la
réalisation de la politique économique du
gouvernement. Un exemple: le Conseil national économique
du développement et du travail (NEDLAC) auquel participent
le gouvernement, le monde du travail et celui des affaires. Le
défi pour les délégués était
de s'engager dans le débat pour essayer de donner un
visage plus humain au GEAR. Au lieu de nous contenter de
critiquer le plan de loin, nous, gens d'Eglise, nous devrions y
apporter notre propre expérience. Nous devrions essayer
d'introduire les valeurs évangéliques dans la
discussion sur la reconstruction du pays.
Nous avons quitté la Consultation, plus
informés et moins intimidés par le GEAR. La
Consultation a reconnu qu'il n'y avait pas de solutions faciles
et que, dans l'ordre mondial actuel, les compromis étaient
souvent
nécessaires. Cependant l'Eglise voudrait continuer
à être prophétique en luttant pour son
idéal d'un monde où la norme définitive est
la justice et non les marges bénéficiaires. Les
dirigeants politiques, cherchant àreconstruire le
pays, doivent rechercher ce qu'ils estiment être la
meilleure solution. Nous, dans l'Eglise, nous pouvons les engager
à rester aussi fidèles que possible à leur
engagement pour les pauvres. Cela doit être notre
rôle à l'avenir.
L'apport de la base
La prise de conscience croissante et le processus de formation
instaurés par la Consultation doivent
être poursuivis dans nos communautés. De cette
façon, des gens simples seront capables de participer
à
l'élaboration de la politique qui aura des effets sur leur
vie.
L'Eglise n'a pas besoin de recruter des experts et des
théologiens pour esquisser une politique catholique sur
la justice économique. Les informations doivent provenir
de ceux qui se trouvent aux endroits les plus critiques, ceux qui
ont le plus à perdre ou à gagner dans ce processus.
La Consultation a reconnu que nous devions faire avancer
le processus. Beaucoup d'initiatives prises dans le pays sont
concernées par la justice économique. Comme dans
le passé, dans la lutte pour l'émancipation
politique, nous devons rassembler nos forces pour avoir
un impact plus efficace.
Les délégués ont quitté la
Consultation pleins d'idées et d'informations. Nous
étions plus confiants que trois jours auparavant. Nous
sommes retournés chez nous, les paroles provocantes du
rév. Chikana du bureau du vice-président de l'Etat
résonnant toujours dans nos têtes: la lutte que
l'Eglise et d'autres ont
engagée pour la justice est loin d'être
terminée, elle commence à peine.
END
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