ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 324 - 15/05/1997

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Ethiopie

Conférence du Nil

by Lammii Guddaa, Ethiopie, 13 mars 1997

THEME = POLIT. INTERN.

INTRODUCTION

Du 24 au 28 février 1997, s'est tenue à Addis Abeba la cinquième Conférence du Nil 2002, ayant pour but de garantir un partage correct et équitable des ressources en eau du Nil

Thème de la Conférence: "Développement de l'ensemble des ressources d'eau du bassin du Nil - Base de coopération". Y ont participé des représentants des pays riverains, 17 organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que des organisations onusiennes. Les débats ont été très chauds, et, vu le désaccord sur les points proposés et les options divergeantes des pays concernés, la Conférence ne semble pas avoir atteint ses objectifs.
Le Nil naît sur le plateau équatorial (Nil Blanc) et sur les régions montagneuses éthiopiennes (Nil Bleu). Le Nil Blanc n'apporte que 12 milliards de mètres cubes sur les 84 milliards de mètres cubes d'eau qui atteignent annuellement le barrage d'Assouan, en Egypte.
L'Ethiopie, appelée autrefois le "château d'eau" de l'Afrique, est le pays qui contribue le plus: à elle seule elle fournit 86% de l'eau du Nil. Ce n'est pas tout. 1.285 milliards de tonnes de sol fertile sont entraînés annuellement par les eaux depuis les hauteurs montagneuses d'Ethiopie vers le Nil, créant ainsi les plaines fertiles de l'Egypte.
Les Etats traversés par le cours supérieur du Nil sont l'Ethiopie, l'Erythrée, l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Zaïre, le Kenya et la Tanzanie. L'Egypte et le Soudan sont situés sur le cours inférieur. La demande d'eau dans le bassin du Nil s'accroît de façon massive tandis que l'apport devient de plus en plus maigre. Les sécheresses fréquentes, l'utilisation peu judicieuse de l'eau pour l'irrigation, la déperdition d'eau par l'évaporation sont des facteurs majeurs créant une pénurie d'eau utilisable.
Les représentants à la Conférence ont présenté des documents traitant de l'utilisation rationnelle, optimale et équitable des ressources en eau du bassin. Mais comment cela pourra-t-il se réaliser alors que les pays riverains du cours inférieur du fleuve insistent pour maintenir le statut injuste et inéquitable qui règle l'utilisation des eaux du Nil? Ce statut est régi par des traités conclus il y a longtemps.

Traités partisans sur les eaux

Le traitement préférentiel dont jouissent l'Egypte et le Soudan date de l'époque coloniale britannique. Ces deux pays exercent un monopole virtuel sur l'utilisation des eaux. Un des derniers accords entre le Soudan et l'Egypte, celui de 1959, concède 18,5 milliards de mètres cubes au premier et 55,5 milliards au second; mais il ne prévoit rien au sujet des autres pays riverains. L'Egypte s'en tient toujours à l'idée du maintien de cet accord. On cite Anouar el Sadate, feu le président d'Egypte, disant en 1978: "...toute action qui mettrait en danger les eaux du Nil Bleu... rencontrera une ferme réaction de la part de l'Egypte, même si cela doit mener à la guerre". C'est de toute évidence "un acte de piraterie pour renforcer la légitimité de ce qui est illégitime" comme le disait à la Conférence un étudiant éthiopien.
Grâce à l'apport des terres alluviales charriées par les rivières éthiopiennes, l'Egypte est devenue l'"oasis du désert". Pourtant ni le Soudan ni l'Egypte ne reconnaissent à l'Ethiopie le droit à une part plus honnête de ses propres cours d'eau. Désormais, l'agriculture éthiopienne ne peut plus prendre le risque de compter sur des pluies annuelles irrégulières pour nourrir sa population qui croît à un rythme alarmant.
Vu le manque de projet réfléchi de développement substantiel, les ressources hydrologiques du bassin du Nil Bleu ne sont ni planifiées correctement ni gérées soigneusement. Selon les experts, il y a 33 grands cours d'eau pouvant servir à l'irrigation dans le bassin éthiopien du Nil Bleu, qui compte 2,5 millions d'ha de terres irrigables, sans parler du potentiel de production d'énergie hydro-électrique.
Il y a encore bien d'autres problèmes et les possibilités de crise sérieuse subsistent. Il est évident qu'il faut élaborer un cadre institutionnel général réglant l'utilisation des eaux. "Le Nil n'est pas un conflit actif mais il constitue un conflit latent", déclare le Dr Kinfe Abraham, directeur de l'Institut international pour la paix et le développement.
Selon un chercheur travaillant aux Etats-Unis qui participait à la Conférence, un arrangement négocié est une véritable gageure, vu que l'Egypte est encore engagée dans des projets hydrauliques géants. Le canal Tochkan, inauguré fin novembre, et la poursuite de la construction du canal Zayed créent un précédent fort dangereux car d'autres pays pourraient suivre cet exemple et opter pour une action unilatérale. Le président du Centre national égyptien de recherches hydrauliques (NWRC) a affirmé que la consommation d'eau de ces projets ne dépasse pas les quotas d'eau fixés par l'accord soudano-égyptien de 1959.
Entre 1959 et 1971, l'Egypte a construit le grand barrage d'Assouan et créé le plus vaste lac artificiel au monde. Le Soudan a créé le barrage Sennar, le barrage Jobel Aulia, le barrage Kashim el Girba et le barrage Rosseria pour utiliser l'eau du Nil à diverses fins de développement. L'utilisation des eaux du fleuve par les autres pays riverains se réduit à rien, ou pratiquement rien.

Changer le statu quo

Les pays du bassin du Nil rencontrent des défis croissants quand il s'agit d'utiliser ce qu'ils qualifient comme "leurs" ressources pour essayer d'arriver à l'autosuffisance en nourriture. Le statu quo dans le bassin est cependant peu clair du fait qu'il s'agit d'utiliser équitablement une ressource transfrontalière. D'après de récentes études,le fonctionnement complet des deux canaux récemment construits cause sans aucun doute un "dommage significatif" aux Etats riverains du bassin supérieur. L'Ethiopie réclame maintenant une "part équitable" de ses propres eaux.
Actuellement, on attend une coopération plutôt que des gestes unilatéraux. La plupart des pays riverains se rendent compte que la façon dont les eaux du Nil sont utilisées actuellement est "d'une injustice crasse" et ils réclament de nouvelles législations internationales et de nouvelles négociations auxquelles devront participer tous les pays riverains.

END

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