ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 325 - 01/06/1997

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Guinée-Bissau

Le franc CFA chasse le peso

by Yacinthe Diene, Sénégal, 4 avril 1997

THEME = ECONOMIE

INTRODUCTION - La Guinée-Bissau est devenue le quinzième Etat membre de la "zone franc" et le huitième membre de l'UEMOA.
Désormais, le franc CFA remplace le peso sur toute l'étendue du territoire national.

La Guinée-Bissau a obtenu son ticket d'entrée à l'Union économique et monétaire ouest- africaine (UEMOA) depuis le 5 mars dernier, lors d'une cérémonie officielle à Bissau, présidée par le président de la République, Joao Bernardo Vieyra, en présence du Premier ministre, Manuel Saturnino Dacosta, et du président de la commission économique de l'UEMOA, Moussa Touré. Le 2 mai a été retenu comme date d'entrée en vigueur de l'acte d'adhésion et des opérations de change du peso contre les nouvelles coupures, au taux de 65 pesos pour un franc CFA. Ce taux, qui reflète les conditions actuelles du marché, garantira une intégration harmonieuse dans le respect des engagements pris vis-à-vis du Portugal, du Fonds monétaire international et de l'UEMOA.

Une admission longuement mûrie

Le processus d'intégration de la Guinée-Bissau s'est enclenché avec la décision politique des chefs d'Etat de l'UEMOA lors du sommet tenu à Ouagadougou du 27 au 30 janvier 1995. Cependant, sa genèse remonte déjà aux années 80; mais la conjoncture économique et le désordre monétaire sur le marché financier international de l'époque ayant suscité des réticences, la première candidature officielle fut rejetée en 1986. Par la suite, la longue récession qui a prévalu entre 1985 et 1993 dans les pays de la zone avait relégué la requête aux oubliettes.

La dévaluation de janvier 1994 avait laissé croire à l'imminence de l'adhésion, mais les autorités monétaires de l'Union se devaient d'abord d'aider les pays membres à lutter contre l'inflation et à ajuster leurs économies. Après la décision politique de 1995, citée plus haut, le processus d'adhésion fut encore bloqué en octobre 1996 par l'Assemblée nationale populaire, qui refusa d'adopter à la majorité des deux tiers le texte modifiant les dispositions de la Constitution. L'Assemblée exigeait que le gouvernement entreprenne une campagne d'explication auprès des populations. Le Premier ministre ayant accédé à cette requête, le projet de révision constitutionnelle fut adopté le 26 novembre dernier. Il faut également constater que cette entrée a été encouragée par les pays voisins, dont le Sénégal, et appuyée politiquement et financièrement par la France.

Les intérêts convergents des parties

L'admission de la Guinée-Bissau dans l'UEMOA est maintenant devenue une réalité et la discipline communautaire se traduira en diverses mesures:

- L'intégration institutionnelle par la nomination d'un magistrat à la Cour de justice à Abidjan (Côte d'Ivoire), de cinq députés au Comité inter-parlementaire qui doit être mis en place à Bamako (Mali), d'un commissaire à la Commission économique (CE) à Ouagadougou (Burkina Faso), de hauts fonctionnaires à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Dakar (Sénégal), et la mise en place d'un Comité national de politique économique. Ce dernier sera composé de hauts fonctionnaires du pays et de cadres du ministère des Finances et de la BCEAO en vue de faire respecter les directives de la CE sur les plans économique, social et monétaire.

- Le contrôle de la politique économique du pays, à l'instar de tous les Etats membres, dans le cadre de la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques. A cet effet, la CE impose des règles strictes en matière de déficit budgétaire, d'investissement public, d'endettement extérieur et interne, pour favoriser une croissance coordonnée.

- L'application des méthodes et procédures en vigueur au sein de l'UEMOA. La Banque centrale de Guinée-Bissau a accepté de perdre ses prérogatives au profit de la BCEAO qui émet le franc CFA, en cours au Togo, Niger, Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Sénégal et Guinée-Bissau.

- L'augmentation des prix du commerce intérieur, compte tenu du faible niveau d'échange du peso, en cours depuis l'indépendance du pays (1975) et maintenant dévalué.

Politiquement, cette adhésion est une bonne opération, aussi bien pour la Guinée-Bissau, qui était isolée dans l'espace lusophone, que pour l'UEMOA, qui veut s'élargir à l'ensemble des pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest. Le pas franchi par la Guinée-Bissau rompra peut-être les réticences de certains pays de la sous-région (Guinée-Conakry, Mauritanie et Gambie), qui tiennent à leurs monnaies pour des raisons historiques. Ces pays sont isolés davantage par cette admission; mais celle-ci stabilise la région et conforte en particulier le Sénégal, qui escompte la fermeture des bases arrières des rebelles casamançais.

Sur le plan économique, cette adhésion créera des économies au niveau de tous les Etats membres. Et le pays qui a pris le train en marche, profitera de la convertibilité et la stabilité du franc CFA pour s'ouvrir au monde. En fait, dans le contexte de la mondialisation de l'économie, appartenir à une zone économico-financière est devenu un atout non négligeable, voire une nécessité absolue.

La Guinée-Bissau rejoint les pays qui ont réussi leur intégration monétaire et qui visent une intégration économique. Le pays ne peut rester en marge de cette évolution organique. Même si cette adhésion peut apparaître comme un mariage avec la francophonie, elle demeure la seule alternative pour un décollage économique véritable. La Guinée-Bissau est classée parmi les dix pays les plus pauvres de la planète avec un PIB de 44 millions de dollars US et un revenu par tête de 220 dollars. Mais l'avenir est prometteur, car le pays est en friche et regorge d'énormes potentialités minières, agricoles et autres. Et la "zone franc" et l'UEMOA forment un cadre permettant à ses pays membres de participer à la mondialisation de l'économie en cours.

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