ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 325 - 01/06/1997

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Kenya

L'escadron de la mort de la police

by James Pod, Kenya, avril 1997

THEME = VIOLENCE

INTRODUCTION - Récemment, on s'est ému des nombreux cas de tués par la police, en dehors de tout contexte judiciaire.
Il y a une inquiétude croissante au sujet de "suspects" et de "criminels recherchés" tués par la police;
or, la seule version des faits est celle des policiers eux-mêmes

Depuis quelque temps, la criminalité au Kenya est en augmentation, comme il y a aussi prolifération de gangs armés prêts à tuer pour pouvoir fuir. La police se justifie en disant que tuer est le seul moyen de mettre un terme à cette situation.

Les arguments de la police

L'année dernière, alors que la police avait abattu deux personnes dans le quartier de River Road, à Nairobi, l'officier supérieur de la police centrale déclara à un journaliste que "...ces deux personnes-là avaient l'air suspect". Etait-ce suffisant pour les abattre? Menaçaient-elles les policiers?

Le 15 février 1996, des voleurs inconnus attaquent la banque Habib de Nairobi, tuent un gardien et s'enfuient en voiture avec un butin de 200.000 shs. La police, aidée par un hélicoptère, se lance à la poursuite des malfaiteurs et abat Evans Luvusi, qui circulait dans l'enclos de son employeur à la recherche d'une poule égarée. Cela se passait à Limuru, à plusieurs kilomètres de Nairobi. Les policiers déclarent que Evans Luvusi était un des voleurs, tandis que parents et amis affirment qu'il était innocent. Cela provoqua des protestations et, quatre jours plus tard, le ministre de la Justice, Amos Wako, convoqua une conférence de presse où il demandait au département des enquêtes judiciaires d'activer les enquêtes sur ce meurtre.

Dans certains cas, dit-on, les policiers eux-mêmes seraient complices de crimes pour lesquels des innocents sont tués, et "on se débarrasserait" de suspects qui pourraient révéler l'identité des vrais meurtriers.

L'opinion publique

Selon des militants des droits de l'homme, des Kényans innocents furent tués par des policiers voulant absolument débusquer des criminels. Ils accusent la police d'avoir monopolisé la loi...: "les policiers procèdent aux arrestations, font les enquêtes, sont les procureurs, le tribunal et le bourreau à la fois".

Il y a plus d'un an maintenant que Luvusi a été tué et la population avait tendance à devenir blasée au sujet de cet accident et d'autres du même genre. Mais lorsque, en décembre passé, trois étudiants universitaires ont grossi la liste des victimes, les Kényans ont ouvertement reconnu que les policiers dépassaient probablement leurs pouvoirs.

D'après Amos Wako, les policiers ne peuvent utiliser leurs armes que quand c'est strictement nécessaire, et ils doivent faire bien attention à ce qu'il s'agisse d'une réelle nécessité. La loi stipule formellement que les policiers ne peuvent utiliser leurs armes que s'il y a danger pour leur vie ou pour empêcher des criminels de s'enfuir.

Cependant depuis que l'ancien ministre des Affaires constitutionnelles, Charles Njonjo, a adopté il y a seize ans la politique de "tirer pour tuer", les policiers ont la gâchette facile et peuvent tuer ceux qu'ils décrivent comme suspects.

Le 14 mars 1997, le Standard publiait une interview téléphonique d'un homme connu de tous sous le nom de "Rasta", recherché par la police comme criminel, sa tête étant mise à prix. Rasta, selon le journaliste, a raconté qu'il était devenu "criminel recherché" après un désaccord avec un officier de police haut placé pour qui il travaillait. Le "travail" particulier de Rasta consistait à modifier la couleur et les numéros de moteur et d'enregistrement de véhicules d'origine inconnue que l'officier lui amenait. Rasta raconte que, quand il avait menacé de dénoncer l'officier à ses supérieurs parce qu'il refusait de lui payer son dû, celui-ci lui jura de "l'achever".

Statistiques

On a des statistiques sur ces personnes tuées par la police en dehors de tout contexte judiciaire. On a relevé 45 cas en 1994, et 120 en 1995. Et qu'en est-il des morts récentes? Le Daily Nation a publié les cas suivants qui se sont passés entre le 14 décembre 1996 et le 14 février 1997.

--> 1996
* 17 décembre: Festo Etaba Okongo, étudiant à l'université d'Egerton, est tué par des policiers au cours de manifestations violentes au campus.
* 18 décembre: deux étudiants universitaires kényans sont abattus sur le campus par la police au cours d'une manifestation de protestation contre le meurtre de Festo Etaba.
* 20 décembre: deux hommes suspectés d'être des gangsters sont abattus à Kikuyu.
* 23 décembre: les policiers tuent quatre suspects dans la cité.

--> 1997
* 5 janvier: la police abat quatre gangsters, soupçonnés d'avoir violé une femme âgée à Kiambu.
* 6 janvier: Un homme soupçonné de cambriolage est tué dans le quartier de River Road, à Nairobi.
* 10 janvier: les policiers de la cité tuent trois suspects dans la zone industrielle de Nairobi.
* 14 janvier: Elizabeth Wamalwa est tuée lors d'un échange de tirs entre policiers et gangsters armés.
* 15 janvier: les policiers abattent un suspect dans une rue de Nairobi.
* 22 janvier: un missionnaire catholique et un garde sont abattus par des policiers de l'administration.
* 24 janvier: un inspecteur de police suspecté d'être un voleur est abattu par des agents de la sécurité à Machakos. * 2 février: Un policier de l'administration tue un suspect à Kakamega.
* 3 février: Deux personnes soupçonnées de vol sont tuées par la police dans le district de Kikuyu Kiambu.
* 5 février: Un suspect est abattu par des policiers à Nyali, Mombasa.
* 14 février: N'gan'ga Kabui meurt à Elburgon à la suite des blessures infligées par les policiers qui l'avaient pris erronément pour un voleur.

Ces faits parlent d'eux-mêmes. Nos policiers ont la gâchette beaucoup trop facile, et devraient faire de réels efforts pour respecter la loi et protéger la vie et les biens de la population.

END

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