by Ashley Green-Thompson, Afrique du Sud, mai 1997
THEME = POLITIQUE
PARTIE 1/2
Trois ans après la nouvelle situation politique, le paysage sud-africain reste aussi intéressant, aussi interpellant, aussi difficile à prévoir que jamais. Alors que cet Etat d'Afrique australe a perdu une partie de son statut de vedette aux yeux des pays occidentaux, il devient rapidement une force de premier rang sur le continent. La personnalité morale du président Nelson Mandela a fait en sorte que l'Afrique du Sud prend un rôle dirigeant dans de nombreuses crises qui assaillent le continent. Les interventions de l'Afrique du Sud dans les négociations de paix au Soudan et récemment au Zaïre en sont des exemples évidents. Mais que se passe-t-il à l'intérieur des frontières de cette toute jeune démocratie?
Une pression croissante s'exerce sur le gouvernement pour qu'il règle ce problème mais ici aussi les diverses explications aboutissent à ce que la responsabilité passe d'un ministère à l'autre. Récemment, le ministère de la Sécurité a lancé à grand renfort de publicité une campagne contre le crime. Au début, celle-ci a réussi à faire baisser le nombre de délits tels que le vol de voitures, mais les délinquants ont répondu en prenant la police comme cible et le nombre de morts de policiers a augmenté.
Cependant, un obstacle fondamental à la capacité de la police sud-africaine de lutter contre la criminalité est le niveau extrêmement bas du salaire du policier ordinaire, un facteur qui ouvre la porte aux tentations de corruption.
Un autre problème est l'inefficacité du système judiciaire. Les procureurs manquent lamentablement de moyens, et l'arriéré judiciaire signifie que... des prisonniers attendent leur procès.
La surpopulation des prisons et le manque de personnel ont comme résultat un grand nombre d'évasions, dues soit au relâchement de la sécurité, soit à la corruption. Il y a eu des appels pour que les jugements et les conditions de mises en liberté soient plus sévères, mais cela entraînera un nombre encore plus important de prisonniers dans des prisons déjà surpeuplées. Récemment, le directeur des prisons a demandé qu'on mette les criminels endurcis dans des puits de mines désaffectés "où ils ne pourraient jamais revoir la lumière du jour"; c'est la preuve du désespoir qu'éprouvent ceux qui ont la charge des prisons. Un cercle vicieux qui vient s'ajouter à une demande de plus en plus fréquente de réintroduire la peine de mort. Actuellement, on peut dire que les criminels opèrent dans une relative impunité.
La Commission ne semble cependant pas fonctionner très bien. De plus en plus, victimes et survivants, entendant les détails sur la brutalité de leurs oppresseurs, ne se contentent plus de la seule vérité. Ils réclament des poursuites. Ceux qui ont commis les faits ne craignent pas trop qu'on enquête sur eux, précisément parce que le bureau du procureur général manque de moyens, et ils n'introduisent pas de demande d'amnistie. La grande majorité des demandeurs sont déjà en prison et voient dans la TRC un moyen facile d'obtenir une libération anticipée. Les chefs politiques qui ont soit ordonné, soit ratifié les violations des droits de l'homme ne reconnaissent pas leur culpabilité et beaucoup continuent à percevoir leur traitement et à tirer des avantages de l'Etat.
La réconciliation ne se passe pas conformément au plan. Un bon exemple est celui de Brian Mitchell, un policier accusé du massacre de douze personnes dans le village de Trust Feeds, province du KwaZulu Natal, et condamné à trente ans de prison. Ayant fait une demande d'amnistie et l'ayant obtenue, il est allé voir la communauté à laquelle il avait causé une souffrance indicible. Il n'y trouva qu'hostilité et rejet.
Ce qui pourrait fort aider la TRC à réaliser ses objectifs, serait sa politique de réparation et de réhabilitation. Quelle compensation les victimes d'abus obtiendront-elles? Que fera la TRC pour aider à cicatriser les blessures du passé? Comment les auteurs seront-ils réhabilités et réintégrés à la communauté? Le comité chargé de développer une politique à ce sujet a fait un gros travail, cherchant des informations auprès de travailleurs sociaux, de professionnels et d'organisations non gouvernementales. Réussiront-ils à réconcilier victimes et bourreaux? Cela reste à voir. Ils devront tenir compte de l'attente de milliers de victimes et de parents des morts et des disparus, dont beaucoup étaient les gagne-pain de la famille ou une source potentielle de revenus. La seule consolation est que la nation essaie de faire face à son passé malgré les insuffisances du processus adopté.
Alors que l'économie continue à croître, (le produit national brut pour 1996 a progressé de 3,1%), aucun nouvel emploi n'a été créé. Au contraire, on en a perdu. Une enquête de 1995 sur les ménages fait apparaître que 29,3% de la population économiquement active est sans emploi. Ce nombre a encore augmenté. Entre mars 1994 et novembre 1996, on n'a construit que 123.139 maisons sur le million promis pour 1999 par le nouveau gouvernement. Une nouvelle législation est proposée actuellement, qui a pour but de diminuer de plus de 50% les allocations familiales pour les enfants.
En même temps, les réussites sont réelles. Plus de gens bénéficient de l'électricité et de l'eau courante qu'auparavant et l'intégration de l'enseignement basé sur la race a été un grand succès. On a construit des cliniques et des centres de premiers soins. Pourtant les gens sont encore sans emploi et les arriérés de loyer ne diminuent pas.
Beaucoup de commentateurs affirment que le GEAR ne peut répondre à la demande urgente de création d'emplois. Il compte trop sur la croissance soutenue par les investissements du secteur privé, et pas assez sur les investissements du gouvernement. Les critiques du GEAR font remarquer que le processus de la répartition goutte à goutte de la richesse aboutira à ce que les riches soient plus riches et les pauvres plus pauvres.
En Afrique du Sud, la richesse a en général été aux mains des Blancs et continue à l'être. Les projets de pouvoir noir tels que le cartel d'investissement de Cyril Ramaphosa, New Africa Investments Limited, ont bénéficié aux Noirs qui étaient déjà plus riches que l'homme de la rue. Des compagnies noires plus nombreuses sont inscrites à la Bourse, mais ces compagnies ont toujours représenté la petite partie de la population plutôt que la masse. La richesse continue à être concentrée.
END of PART 1/2