ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 325 - 01/06/1997

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Afrique du Sud

Actualisation

by Ashley Green-Thompson, Afrique du Sud, mai 1997

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION - L'auteur expose sa théorie:
l'Afrique du Sud est toujours un des pays africains ayant les meilleures chances de réussite

PARTIE 1/2

Trois ans après la nouvelle situation politique, le paysage sud-africain reste aussi intéressant, aussi interpellant, aussi difficile à prévoir que jamais. Alors que cet Etat d'Afrique australe a perdu une partie de son statut de vedette aux yeux des pays occidentaux, il devient rapidement une force de premier rang sur le continent. La personnalité morale du président Nelson Mandela a fait en sorte que l'Afrique du Sud prend un rôle dirigeant dans de nombreuses crises qui assaillent le continent. Les interventions de l'Afrique du Sud dans les négociations de paix au Soudan et récemment au Zaïre en sont des exemples évidents. Mais que se passe-t-il à l'intérieur des frontières de cette toute jeune démocratie?

Criminalité

La première chose dont entendra parler celui qui débarque dans ce pays, c'est sans doute la criminalité. Quand on rapporte pour une seule année (1996) 25.782 meurtres, 50.481 viols, 246.438 cambriolages et 118.755 vols, il n'est pas étonnant que la criminalité soit la première préoccupation. On invoque beaucoup de raisons pour expliquer cela. Les uns soulignent la violence de l'apartheid ou les facteurs socio-économiques. D'autres pointent le doigt vers l'impunité dont jouissent actuellement d'anciens agents de l'Etat et les auteurs de crimes d'apartheid. Quelle que soit l'explication, il n'y a plus guère de respect de la vie humaine ni de la propriété.

Une pression croissante s'exerce sur le gouvernement pour qu'il règle ce problème mais ici aussi les diverses explications aboutissent à ce que la responsabilité passe d'un ministère à l'autre. Récemment, le ministère de la Sécurité a lancé à grand renfort de publicité une campagne contre le crime. Au début, celle-ci a réussi à faire baisser le nombre de délits tels que le vol de voitures, mais les délinquants ont répondu en prenant la police comme cible et le nombre de morts de policiers a augmenté.

Cependant, un obstacle fondamental à la capacité de la police sud-africaine de lutter contre la criminalité est le niveau extrêmement bas du salaire du policier ordinaire, un facteur qui ouvre la porte aux tentations de corruption.

Un autre problème est l'inefficacité du système judiciaire. Les procureurs manquent lamentablement de moyens, et l'arriéré judiciaire signifie que... des prisonniers attendent leur procès.

La surpopulation des prisons et le manque de personnel ont comme résultat un grand nombre d'évasions, dues soit au relâchement de la sécurité, soit à la corruption. Il y a eu des appels pour que les jugements et les conditions de mises en liberté soient plus sévères, mais cela entraînera un nombre encore plus important de prisonniers dans des prisons déjà surpeuplées. Récemment, le directeur des prisons a demandé qu'on mette les criminels endurcis dans des puits de mines désaffectés "où ils ne pourraient jamais revoir la lumière du jour"; c'est la preuve du désespoir qu'éprouvent ceux qui ont la charge des prisons. Un cercle vicieux qui vient s'ajouter à une demande de plus en plus fréquente de réintroduire la peine de mort. Actuellement, on peut dire que les criminels opèrent dans une relative impunité.

Commission de la Vérité et de la

Réconciliation (TRC) La TRC est une tentative de l'Afrique du Sud de régler le problème de la souffrance et des traumatismes causés par les violations des droits de l'homme dans le passé. En écoutant et en étayant de documents les histoires des victimes de violations des droits de l'homme, la TRC espère guérir les blessures de ces personnes. En offrant l'amnistie à ceux qui ont commis les faits, la TRC espère faire la vérité au sujet de ce qui s'est passé au temps de l'apartheid.

La Commission ne semble cependant pas fonctionner très bien. De plus en plus, victimes et survivants, entendant les détails sur la brutalité de leurs oppresseurs, ne se contentent plus de la seule vérité. Ils réclament des poursuites. Ceux qui ont commis les faits ne craignent pas trop qu'on enquête sur eux, précisément parce que le bureau du procureur général manque de moyens, et ils n'introduisent pas de demande d'amnistie. La grande majorité des demandeurs sont déjà en prison et voient dans la TRC un moyen facile d'obtenir une libération anticipée. Les chefs politiques qui ont soit ordonné, soit ratifié les violations des droits de l'homme ne reconnaissent pas leur culpabilité et beaucoup continuent à percevoir leur traitement et à tirer des avantages de l'Etat.

La réconciliation ne se passe pas conformément au plan. Un bon exemple est celui de Brian Mitchell, un policier accusé du massacre de douze personnes dans le village de Trust Feeds, province du KwaZulu Natal, et condamné à trente ans de prison. Ayant fait une demande d'amnistie et l'ayant obtenue, il est allé voir la communauté à laquelle il avait causé une souffrance indicible. Il n'y trouva qu'hostilité et rejet.

Ce qui pourrait fort aider la TRC à réaliser ses objectifs, serait sa politique de réparation et de réhabilitation. Quelle compensation les victimes d'abus obtiendront-elles? Que fera la TRC pour aider à cicatriser les blessures du passé? Comment les auteurs seront-ils réhabilités et réintégrés à la communauté? Le comité chargé de développer une politique à ce sujet a fait un gros travail, cherchant des informations auprès de travailleurs sociaux, de professionnels et d'organisations non gouvernementales. Réussiront-ils à réconcilier victimes et bourreaux? Cela reste à voir. Ils devront tenir compte de l'attente de milliers de victimes et de parents des morts et des disparus, dont beaucoup étaient les gagne-pain de la famille ou une source potentielle de revenus. La seule consolation est que la nation essaie de faire face à son passé malgré les insuffisances du processus adopté.

L'économie

L'Afrique du Sud pourra-t-elle faire face à une vague de criminalité sans pareille, pourra-t-elle rencontrer les aspirations de millions de gens gravement déshumanisés par la pauvreté et la déchéance causées par l'apartheid? Cela dépend fort de la création et de la redistribution de la richesse. Le plan gouvernemental visant à réaliser cela a été soumis l'année passée à diverses réactions. Dénommé stratégie de croissance, emploi et redistribution (GEAR), le plan cherche à reconstruire l'Afrique du Sud en diminuant les dépenses du gouvernement, en réduisant le déficit du budget à 4% du PNB (le service de la dette s'élève à 20 % de l'ensemble du budget), en créant des emplois par l'investissement étranger et l'augmentation des exportations. Les statistiques montrent que certains de ces objectifs ont été atteints tandis qu'il y a des échecs retentissants dans de nombreux domaines capitaux.

Alors que l'économie continue à croître, (le produit national brut pour 1996 a progressé de 3,1%), aucun nouvel emploi n'a été créé. Au contraire, on en a perdu. Une enquête de 1995 sur les ménages fait apparaître que 29,3% de la population économiquement active est sans emploi. Ce nombre a encore augmenté. Entre mars 1994 et novembre 1996, on n'a construit que 123.139 maisons sur le million promis pour 1999 par le nouveau gouvernement. Une nouvelle législation est proposée actuellement, qui a pour but de diminuer de plus de 50% les allocations familiales pour les enfants.

En même temps, les réussites sont réelles. Plus de gens bénéficient de l'électricité et de l'eau courante qu'auparavant et l'intégration de l'enseignement basé sur la race a été un grand succès. On a construit des cliniques et des centres de premiers soins. Pourtant les gens sont encore sans emploi et les arriérés de loyer ne diminuent pas.

Beaucoup de commentateurs affirment que le GEAR ne peut répondre à la demande urgente de création d'emplois. Il compte trop sur la croissance soutenue par les investissements du secteur privé, et pas assez sur les investissements du gouvernement. Les critiques du GEAR font remarquer que le processus de la répartition goutte à goutte de la richesse aboutira à ce que les riches soient plus riches et les pauvres plus pauvres.

En Afrique du Sud, la richesse a en général été aux mains des Blancs et continue à l'être. Les projets de pouvoir noir tels que le cartel d'investissement de Cyril Ramaphosa, New Africa Investments Limited, ont bénéficié aux Noirs qui étaient déjà plus riches que l'homme de la rue. Des compagnies noires plus nombreuses sont inscrites à la Bourse, mais ces compagnies ont toujours représenté la petite partie de la population plutôt que la masse. La richesse continue à être concentrée.

END of PART 1/2

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