by M. Djibo Alfari, Niger, 29 avril 1997
THEME = POLITIQUE
Le Niger est entré depuis plus de 7 ans dans un cercle vicieux de construction et de reconstruction politique. La fameuse conférence nationale souveraine de 1991, ce nec plus ultra d'une soi-disant réforme socio-politique, s'est évanouie depuis belle lurette dans les consciences, en laissant quelques souvenirs douloureux. La transition politique de 1991 à 1992 avec M. Cheffon Amadou n'avait guère pu apporter les remèdes escomptés pour le redécollage économique tant attendu. L'élection du président Mahamane Ousmane n'a pas non plus fait pleuvoir sur le Niger la pluie de grâces souhaitée durant l'euphorie des élections démocratiques de 1993.
Situation socio- économique - Force est de constater aujourd'hui que ce coup d'Etat, qualifié à l'époque de "moindre mal" par une certaine opinion nationale et internationale, a engendré dans son sillage pas mal de quiproquos et de contradictions. Le Niger, plus que jamais, se trouve confronté à une situation socio-économique peu enviable sur l'échiquier mondial. Ce pays économiquement exsangue se retrouve classé au dernier rang des nations pauvres au plan de l'indice du développement humain. Triste sort pour un pays qui a connu naguère un certain boom économique, grâce il est vrai à une hausse conjoncturelle en 1980 du prix de l'uranium dont il est producteur.
Devant une telle situation d'appauvrissement continuel, quelle attitude conviendrait-il d'adopter? Devant la misère ambiante, quelles mesures faudrait-il préconiser? Le diagnostic est alarmant. Le monde rural est confronté à une famine globale; les fonctionnaires accumulent des arriérés de plus de 5 mois de salaire. L'Etat lui- même se débat perpétuellement pour créer les conditions minimales de sa survie.
Situation politique - A ce sombre tableau économique s'ajoute la triste situation politique du pays. Comment concevoir qu'un pays puisse s'engager dans l'oeuvre du développement s'il est en permanence écartelé par des déchirures politiciennes internes. En effet, depuis les élections controversées des 7 et 8 juillet, où le général Baré fut accusé par l'opposition d'avoir fait un véritable "hold- up électoral", qui lui a permis de remporter la victoire lors des présidentielles, le Niger est replongé dans une ère de remise en question perpétuelle de la légitimité des institutions en place.
On sait que l'Assemblée nationale actuelle est composée en totalité de partisans de la mouvance présidentielle, car l'opposition n'avait pas pris part à ces élections faute de preuve suffisante, dit-elle, de transparence et d'impartialité de la Commission électorale nationale indépendante.
Leurs principales actions ont été la célébration des fameuses Journées d'initiative démocratique, consistant en marches de protestation, en meetings et autres consignes de militantisme. Ces journées, souvent interdites par le gouvernement, ont abouti récemment à l'arrestation des principaux chefs de l'opposition, dont l'ex-président Mahamane Ousmane lui-même. A cette occasion, une cour de sûreté de l'Etat fut hâtivement restaurée pour juger les leaders accusés d'atteinte à la sûreté de l'Etat. L'intervention de ses pairs a amené le général Baré à libérer ses opposants.
Vint ensuite le feuilleton syndicaliste. Dans la logique de l'application des mesures imposées par la Banque mondiale et le Fond monétaire international, le gouvernement nigérien a récemment adopté des mesures hardies de restructuration et de privatisation de certaines sociétés d'Etat, comme la Société nigérienne d'électricité (NIGELEC) et la Société nationale des eaux (SNE). Il n'en fallait pas plus pour que les agents se mettent en grève, sans service minimum, pendant 72 heures! Ce qui a entraîné la prise de mesures musclées contre les syndicats incriminés. Des agents de la NIGELEC ont été condamnés à un ou deux ans de prison pour avoir, dit-on, opéré des actes de sabotage sur les lignes de haute tension. Mais il y a mieux.
En effet, du mardi 22 au jeudi 24 avril 1997, l'union des syndicats du Niger (USTN) fait une grève de 72 heures pour la 4ème fois consécutive, en vue d'obtenir du gouvernement les satisfactions suivantes:
- 1. La libération des camarades emprisonnés.
- 2. La remise en question des
privatisations
conçues et menées par le gouvernement sans
consulter le personnel concerné.
- 3. Le paiement des arriérés de salaire.
- 4. L'abandon de la nouvelle grille salariale qui a
entraîné une baisse drastique du revenu du
fonctionnaire nigérien.
- 5. La révision du taux de l'impôt unique
sur les traitements et les salaires (IUTS). Etc. ...
çà et là, des voix autorisées commencent à s'élever pour tancer vertement les acteurs politiques du pays et stigmatiser leur propension à mener le bateau du Niger vers un maelström! Lors de la dernière interpellation à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Mr.Amadou Cissé, s'est vu reprocher le manque de dialogue entre les partenaires sociaux et le pouvoir.
A cette occasion, le leader de l'Alliance nigérienne pour la démocratie et le progrès (ANDG), Mr. Adamou Djermakoye, qui fut lui-même président de l'Assemblée nationale pendant la IIIe République, a lancé un message émouvant à l'endroit de toute la classe politique. Il dit que le Niger doit enfin cesser de stagner dans des querelles byzantines; qu'il est grand temps d'oeuvrer ensemble pour la construction du pays; que l'angélisme démocratique, autre nom du jusqu'au- boutisme légaliste, détruit la démocratie elle-même. Par conséquent, qu'aucune force politique ne pourra diriger seule un pays comme le Niger. Qu'enfin l'on doit étudier la possibilité d'une rencontre de toutes les parties autour d'une table ronde en vue de trouver un consensus susceptible de nous tirer du chaos.
L'ex-Premier ministre de la cohabitation et actuel secrétaire général du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), Mr. Hama Amadou, semble adopter la même attitude que Mr. Djermakoye. Dans une interview récente à un journal de la place, Mr. Hama Amadou tempère fortement les exigences du FRDD, exigeant l'annulation pure et simple des élections des 7 et 8 juillet 96 et la dissolution de cette Assemblée monocorde. Hama Amadou reconnaît la gravité de la situation du pays et semble être prêt à toutes négociations honnêtes permettant de sortir le Niger de l'actuelle situation peu enviable.
Cette interview n'a pas manqué de soulever quelques remous au sein de l'opposition, où d'aucuns y perçoivent le désir secret de l'ex-Premier ministre de collaborer avec ses propres putschistes. Cependant, il faut plutôt y voir la lucidité d'un ancien dirigeant qui sait de quoi il parle. L'immobilisation et la contestation permanente ne peuvent plus être érigées en cheval de bataille dans un pays à l'économie aussi délabrée. On attend que le général Baré et son gouvernement veuillent bien répondre à cette main tendue de l'opposition. Les Nigériens pour leur part vivent dans l'attente d'une vraie réconciliation.
END