ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 326 - 15/06/1997

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Botswana

L'Occident censuré pour la mondialisation

by Mwange Kauseni, Botswana, 19 mai 1997

THEME = NORD-SUD

INTRODUCTION

Mondialisation signifie commerce libre entre tous les pays, sans restrictions de produits pouvant être importés ou exportés.
Mais comment cela touche-t-il les nations plus pauvres?

"Quand les pays européens se sont rendu compte qu'ils allaient perdre leurs empires, ils ont décidé de se réunir pour maintenir leur emprise sur les affaires internationales. Aujourd'hui, l'Union européenne est un pouvoir puissant qui tente d'imposer sa volonté au reste du monde."

Ces paroles, prononcées par le Premier ministre de Malaisie, le Dr Mahathir Bin Mohammed, ont retenti dans la salle de conférence de Kasane, Botswana, lieu où s'est tenu récemment le premier "Dialogue international de l'Afrique australe" (SAID) dont l'objectif était d'introduire un concept nouveau mais dynamique, appelé "Partenariat intelligent". La conférence a eu lieu pendant la première semaine de mai, et avait la bénédiction du Partenariat du Commonwealth pour la gestion technologique (CPTM).

La conférence était organisée conjointement par le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe et avait attiré des participants de 26 pays, tant du secteur public que du secteur privé. Le but était de trouver des moyens pratiques et mutuellement profitables d'élaborer la coopération entre le gouvernement et le secteur privé des pays respectifs.

"Partenariat intelligent"

Le Dr Mohammed dont le pays, la Malaisie, peut se vanter d'une croissance économique annuelle de 8%, est l'initiateur de la philosophie et de la mise en oeuvre du Partenariat intelligent. Il avait été invité pour aider à lancer sa philosophie en Afrique. Reconnaissant que, dans la plus grande partie du monde, c'en est fini de l'occupation directe de pays et du contrôle politique exercé sur d'autres, le Dr Mohammed a montré ensuite qu'aujourd'hui il y a des formes plus insidieuses de colonisation: beaucoup d'anciennes colonies estiment qu'elles sont actuellement plus dépendantes qu'au temps où elles étaient des colonies. "Nos politiques, notre économie, nos systèmes sociaux et comportementaux sont encore sous le contrôle direct ou indirect de nos anciens colonisateurs et des grandes puissances. Notre lutte pour l'indépendance est loin d'être terminée."

Nouveau scénario

Le nouveau scénario est plus subtil que le précédent, déclare le Dr Mohammed devant son auditoire. "La colonisation est terminée, vient maintenant la mondialisation". Il a fait remarquer que si la compétition libre et ouverte est importante, c'est un concept taillé sur mesure pour bénéficier aux grandes et puissantes nations du Nord.

Le Dr Mohammed a déploré le fait que "chaque fois que nous sommes en compétition, nous sommes perdants. Pourquoi? C'est le résultat d'un effort délibéré du Nord prospère pour maintenir le statu quo. Je veux prévenir les pays en voie de développement, ici et ailleurs, que les actions des pays développés ne vont pas toujours dans le sens de notre profit." Et de citer un exemple: "Quand le Japon a inondé le marché international de ses produits bon marché mais de haute qualité, les autres membres du G7 ont fait monter la valeur du yen, pour rendre les Japonais moins compétitifs et pour regagner leurs propres marchés."

Aide

Le Dr Mohammed a parlé alors de l'aide: "Afin de continuer à manipuler les nations pauvres, les pays développés corrompent nos gouvernements par l'assistance. Souvent, les pays en voie de développement sont forcés de soutenir la position des pays développés sous peine de perdre l'aide. Cela équivaut à du chantage."

Le Premier ministre malaisien a fait spécifiquement référence aux manoeuvres de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), les comparant à des outils d'oppression et d'asservissement: "Au début de l'existence du FMI, les pays en voie de développement se sont laissés persuader d'emprunter de l'argent pour le développement. Ils l'ont fait avec beaucoup d'espoir. Mais aujourd'hui, la plupart des pays en voie de développement qui ont emprunté à la Banque mondiale sont lourdement endettés. Dans certains cas, 80% de leur pauvre acquis en devises étrangères sont consacrés au paiement de la dette, ce qui met ces pays dans l'impossibilité de payer leurs fonctionnaires."

Il a accusé le G7 de "se donner de grands airs" et il a fait remarquer qu'ils ne parlent pas aux gens extérieurs à leur club, sauf à la Russie: "Dans une démocratie moderne, libérale, internationale, seuls les riches ont leur mot à dire, les pauvres restent sans voix." Et, à propos des prêts du FMI, il a souligné avec amertume que la situation s'est renversée: actuellement, la Banque mondiale reçoit plus de remboursements pour les prêts qu'elle n'en distribue.

Relever le défi

Conscient que ce problème est réel et qu'on ne peut l'éluder, le Dr Mohammed appelle les nations du Sud pauvre à bander leurs forces pour relever le défi. "Nous vivons dans une jungle internationale. Il n'y a ni loi ni ordre dans les relations internationales. Il y a fort peu de justice. Les haut placés et les puissants font la loi. Les faibles et les pauvres n'ont qu'à l'accepter. Malgré toutes les menaces et toutes les obstructions, nous devons envisager de relever le défi de la mondialisation."

Mais comment le relever? De l'avis du Dr Mohammed, la seule chose à faire c'est de présenter un front uni. Mieux encore, de former un "Partenariat intelligent", décrit comme une "situation gagnante".

"Quand on se trouve en face de propositions dommageables provenant du Nord développé, les organisations régionales peuvent prendre une position commune. C'est ce que nous avons fait à la rencontre de l'Organisation du commerce mondial à Singapour. Et nous l'avons emporté."

En ouvrant la conférence, le président du Botswana, Katumile Masire estimait avec optimisme que le "Partenariat intelligent" était un moyen viable de créer de la richesse dans la région de l'Afrique australe: "Nous espérons que cette initiative, basée sur un travail de réseau destiné à créer de la richesse, sera à l'origine d'un centre en Afrique australe, en parallèle et en interaction avec le centre qui existe déjà en Asie du sud-est."

De la parole aux actes

La critique générale était cependant de savoir s'il y aurait un suivi concret à cette conférence, car beaucoup de ces rencontres en Afrique commencent souvent avec beaucoup de bruit, mais finissent en queue de poisson. Les dirigeants africains auraient peut- être dû faire précéder cette conférence d'une autre conférence traitant de la manière de modifier la façon de faire du continent: il faut passer des longs discours à la réalisation concrète des politiques et des résolutions acceptées. Comme on l'a fait remarquer dans le passé, si l'Afrique doit progresser dans quel que domaine que ce soit, elle doit passer de "boutiques où on bavarde" à des "ateliers où on travaille".

END

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