ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 326 - 15/06/1997

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Togo

Mésaventures américaines

by Pascal Dotchevi, Togo, 2 mai 1997

THEME = RELAT. INTERNAT.

INTRODUCTION

Un malentendu a failli provoquer l'expulsion du vice-consul américain.
Tout est rentré dans l'ordre après deux rencontres entre l'ambassadeur et le président de la République.

Tout remonte au 23 avril dernier, lorsque les membres de la Troupe nationale s'étaient présentés à l'ambassade des Etats-Unis pour obtenir des visas pour pouvoir participer au Festival négro-africain des Arts et de la Culture prévu à Atlanta du 25 avril au 3 mai 1997. Le vice-consul américain, M. Joël Ehrendreich, aurait alors demandé aux membres de la troupe d'esquisser quelques pas de danse pour s'assurer qu'ils étaient vraiment des artistes.

Cette requête du vice-consul a provoqué une vive protestation de la part du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, M. Koffi Panou. Et le 25 avril, le gouvernement togolais, par le biais du ministre des Affaires étrangères, déclare 'persona non grata' le vice-consul des Etats-Unis au Togo et lui donne 72 heures "pour quitter le territoire togolais".

Dans un communiqué du 28 avril, le ministre des Affaires étrangères explique que le vice-consul a insisté pour que les membres de la Troupe nationale présentent un spectacle de danse à l'ambassade. Et, "pour éviter tout incident, les artistes se sont résolus à s'exécuter", poursuit le communiqué. "Ce traitement ainsi réservé à des représentants officiels du Togo à ce Festival est manifestement inhumain et dégradant. Il ne peut que susciter en tout Togolais, fier de sa dignité et de son appartenance à la culture négro-africaine, un sentiment de frustration", explique le ministre des Affaires étrangères pour justifier la sanction prise.

Suite à cette mesure d'expulsion, l'ambassadeur des Etats- Unis au Togo, M. Johnny Young, a rencontré le président Eyadema les 25 et 28 avril. Après ces discussions, "le président de la République a décidé de rapporter cette décision d'expulsion". Ainsi, l'affaire a été résolue. Mais pour tout observateur de la politique togolaise, cet incident diplomatique n'est qu'un fait dans une longue liste de précédents entre les deux pays.

Les Etats-Unis: sponsors de l'opposition togolaise?

Le communiqué rendu public par l'ambassadeur des Etats- Unis en date du 28 avril après sa rencontre avec le président Eyadema, même s'il est laconique, explique leur point de vue sur cette crise. Les autorités américaines préfèrent parler de "malentendu", plutôt que d'incident.

Qui plus est, le communiqué balaie d'un revers de la main toutes les explications et accusations du ministre des Affaires étrangères en affirmant que le vice-consul "n'a suivi que la procédure indiquée". Ce qui est également étonnant, c'est que le communiqué des Américains ne fait pas cas "d'excuses présentées par l'ambassadeur des Etats-Unis aux autorités togolaises". Alors que selon le communiqué du ministre des Affaires étrangères, c'est suite aux excuses de l'ambassadeur que "le président de la République à rapporté la décision d'expulsion du vice- consul".

Toutes ces incohérences de langages diplomatiques montrent que beaucoup de choses ne vont pas entre les deux pays. De sources proches de l'ambassade des Etats-Unis, ces méthodes utilisées par le vice-consul sont souvent appliquées dans de nombreux pays aux demandeurs de visas qui se disent artistes. D'autant qu'il est difficile de reconnaître un artiste sans le voir à l'oeuvre. En plus, parmi les membres de la Troupe nationale en question, certains ont inscrit comme profession sur leur passeport "mécanicien" ou "gardien". Il est donc clair que pour cette affaire il n'était pas nécessaire que les autorités togolaises frappent si fortement sur la table.

Pour comprendre la position du Togo, il faut lier cette affaire à l'état des relations entre les deux pays depuis peu. Les Américains sont en effet restés insensibles aux opérations de charme du gouvernement pour la reprise de leur coopération, suspendue à la suite des troubles intervenus en 1993 dans le processus démocratique du pays. Ils conditionnent leur reprise au respect des droits de l'homme et à la démocratisation.

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase est le voyage aux Etats-Unis du leader de l'opposition, Me Agboyibor, président du Comité d'action pour le renouveau (CAR), au moment de l'investiture du président Bill Clinton. Les autorités togolaises ont protesté contre "cette invitation officielle du gouvernement américain à un opposant". Il a fallu que l'ambassade des Etats-Unis envoie un droit de réponse à un journal proche du pouvoir dans un article intitulé "Déstabilisation au Togo: enfin la filière américaine", pour expliquer que "Me Agbiyibor n'a pas été invité en hôte officiel, au sens de représentant du Togo, à l'investiture du président Clinton". En outre, on accuse à tort ou à raison Me Agboyibor qui a, au cours de son séjour américain, rencontré des hauts responsables de ce pays, d'avoir "sali" le Togo.

De toute façon, le Congrès américain vient de dresser un rapport accablant sur les droits de l'homme au Togo pour l'année 1996. Dans les arcanes du pouvoir, on voit derrière ce rapport l'opposition togolaise et l'ambassade des Etats-Unis au Togo. Même si les Américains, entre-temps, ont remarqué que quelques pas ont été faits par le gouvernement togolais, ils ne sont pas prêts à reprendre leur coopération économique. Et le "malentendu" qui vient encore de se produire risque fort de ne pas améliorer les choses, même si les Américains considèrent que cette affaire est close.

Le Togo veut coûte que coûte reprendre sa coopération avec ceux qui l'ont abandonné il y a peu. Il n'y a que la France qui ait accepté. L'Union européenne tarde à dire oui. Quant à l'Allemagne (l'autre sponsor de l'opposition?) et aux Etats-Unis, il est difficile d'entrevoir avec certitude une reprise effective aussi rapidement que le souhaitent les autorités togolaises. Au Togo, il n'est pas facile de parler de violations des droits de l'homme sans être taxé de déstabilisateur du pays ou de sponsor de l'opposition. Et pourtant!

END

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