by Andrew Zhakata, Zimbabwe, février 1997
THEME = EGLISES
Plus maintenant. La vitesse à laquelle on fonde de nouvelles Eglises fait supposer qu'une nouvelle espèce d'entrepreneurs apparaît sur la scène du Zimbabwe - des hommes d'affaires qui ne se contentent pas de citer la Bible, mais vivent en amassant des fortunes données par des "croyants" qui répondent aveuglément à leur appel.
Le Zimbabwe est inondé de ce genre d'hommes d'affaires, typiques de gens qui sont passés de la misère à la richesse: grâce aux donations de leurs adeptes.
Le gouvernement s'inquiète de ce qui se passe. Mais les autorités se trouvent paralysées par les impératifs de liberté de culte et de réunion inscrits dans la Constitution. Cependant, le président Robert Mugabe, lui-même catholique, a critiqué de toutes les façons possibles les Eglises récemment créées, disant que leurs dirigeants étaient en mission pour soutirer de l'argent à leur public qui ne se doute de rien.
Le ministre de l'Intérieur, Dumiso Dabengwa, et le ministre du Développement des Terres et des Eaux, Kumbirai Kangai, se sont exprimés dans le même sens, critiquant les organisations religieuses qui tirent plus des gens qu'ils ne rapportent aux communautés.
Préciser le nombre des Eglises et des cultes religieux est presque impossible étant donné qu'il s'en crée tout le temps de nouveaux. De plus, beaucoup des nouvelles Eglises, surtout les sectes sionistes et apostoliques, adoptent le nom de leur dirigeant fondateur tandis qu'elles continuent à se diviser.
Selon une éstime approximative, il y aurait au moins 150 Eglises et organisations chrétiennes au Zimbabwe, pour 11,5 millions d'habitants. Cela, sans compter les organisations islamiques.
Cependant, alors que les sectes apostoliques recrutent leurs fidèles dans la population à bas salaire et sont donc pour ce motif généralement pauvres, ce sont les nouvelles organisations évangéliques avec tambours et guitares qui ont attiré l'attention des théologiens et des psychologues.
Certaines de ces organisations utilisent non seulement des tactiques de pression pour extorquer de l'argent à leurs membres, mais leur tendance à faire étalage de leur richesse tout en méprisant les pauvres sous prétexte qu'ils sont fainéants les rend grandement suspectes.
Cependant, elles se scindent facilement, certains des dirigeants fondateurs partant de leur côté pour créer de nouvelles Eglises - un peu comme les sociétés financières et les systèmes de pyramides qui ont fait rage au Zimbabwe l'année passée.
Dans le passé, les Eglises se sont séparées pour des motifs doctrinaux, des divergences dans l'interprétation de la Bible ou des différences liturgiques à l'intérieur de la communauté. Maintenant, beaucoup de nouvelles Eglises se sont scindées pour des raisons économiques: comment l'argent collecté auprès des membres doit-il être partagé entre les dirigeants?
"Des Eglises se scindent parfois parce que certaines personnes remarquent que seul le dirigeant et son petit cercle d'amis et de parents profitent des dons faits à l'Eglise", dit Mr Nisbert Taringa du département d'études religieuses de l'université du Zimbabwe. "Des conflits personnels ou des facteurs tribaux ou ethniques figurent aussi parmi les raisons qui mènent à la scission et à la création de nouvelles Eglises".
Le P. Oskar Wermter, secrétaire pour les Communications sociales de la Conférence des évêques catholiques à Harare, dit que lorsque les grandes Eglises telles que l'Eglise catholique romaine, l'Eglise anglicane et l'Eglise luthérienne sont arrivées en Afrique comme Eglises missionnaires, elles apportaient avec elles l'héritage de leurs schismes du passé. L'Eglise du Christ s'est divisée et multipliée sous diverses dénominations depuis que les orthodoxes russes et grecs se sont séparés de Rome au 10e siècle. "C'est malheureusement un mauvais exemple donné par les Eglises missionnaires, mais maintenant existe le mouvement oecuménique qui oeuvre à l'unité des Eglises et l'Eglise catholique soutient cette unité".
Une rencontre de 40 Eglises indépendantes d'Afrique du Sud concluait récemment que la justification théologique de leur création était l'incompatibilité de vision entre le système colonial soutenu par les Eglises missionnaires et la vision plus humaine de la société des Africains.
Selon le P. Wermter, certaines Eglises évangéliques font du travail sérieux mais certaines d'entre elles sont dirigées par des "clowns qui cherchent à se faire une vie confortable". Mais comment des clowns parviennent-ils à convaincre des gens apparemment intelligents et instruits de se séparer d'un argent si difficile à gagner?
La raison en paraît plus économique et psychologique que spirituelle, surtout dans ce qu'on appelle les "cultes de prospérité", dont le thème principal est, semble-t-il, que si quelqu'un suit Jésus-Christ, il sera récompensé par la réussite dans la vie.
Les cultes de prospérité, avec leurs liturgies plus animées, sont plus attrayants aux yeux de la classe moyenne noire des villes qui s'est formée au moment de l'indépendance du Zimbabwe en 1980. Ce sont les gens qui ont "réussi" dans la vie, qui ont de bons emplois, qui circulent en belles voitures de fonction et habitent dans des faubourgs peu peuplés. "En même temps, ils vivent dans l'insécurité", dit le P. Wermter. "Ils ont d'énormes soucis financiers parce qu'ils pourraient perdre leur emploi et leur maison n'est pas payée". Pour ces gens-là, les cultes de prospérité sont psychologiquement rassurants et les personnes dont on vient de parler sont prêtes à se séparer de leur argent parce que l'audacieux évangéliste leur dit que plus on donne à l'Eglise, plus le Seigneur donnera en retour.
Robert Bundy, du département de psychologie de l'université du Zimbabwe, dit qu'il y a tellement de pressions sociales et économiques qui pèsent sur les Zimbabwéens, dont le SIDA, que les gens sont victimes de cultes bizarres qui promettent d'apaiser leurs peines.
Il y a encore d'autres pressions, dont le divorce, la perte d'emploi, la faillite du système familial extensif et l'incapacité de trouver un partenaire pour se marier. Tout cela peut pousser les gens entre les mains de "dispenseurs de foi", chasseurs d'argent.
Zimbabwéens, prenez garde aux "escrocs spirituels"!
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