by Samuel Sarpong, Ghana, janvier 1997
THEME = VIE SOCIALE
La vie de Mamudu Zimbo, âgé de 45 ans, s'est transformée du jour au lendemain quand il s'est trouvé impliqué dans une bagarre avec la police, à la suite d'un vol. C'était un docker fort et solide jusqu'au moment où il a été attiré par un groupe de criminels endurcis. Au cours de cette bagarre, il a reçu une balle dans la jambe qui a dû être amputée. Maintenant, après avoir purgé une peine de prison, il se promène dans les quartiers très populeux d'Accra, appuyé sur des béquilles et demandant la charité.
En comparaison, Abdul Azziz, 52 ans, assis à peine à cinq mètres de Mamudu, enveloppé de vêtements musulmans, est plutôt "bien portant et en possession de ses moyens". Etalés devant lui, il y a une calebasse remplie de noix de cola, un grand plateau destiné à l'argent et trois poules noires attachées à côté à une structure métallique. Quand les gens passent, il murmure quelque chose en arabe, sans doute pour réaffirmer son identité islamique.
Pour ces deux hommes, les "affaires" commencent immédiatement après huit heures quand la plupart des gens de toutes conditions sociales sont dans les rues. Le "truc" des mendiants est simple; leur appel est émouvant. "Cher passant, donne-moi quelque chose car je n'ai rien mangé ce matin. Que Dieu te couvre de bénédictions et te rende plus que ce que tu m'as donné."
Il y a d'autres types de mendiants: ceux qui se mettent à mendier sous le prétexte qu'ils ont dans ce voisinage des parents qu'ils n'arrivent pas à retrouver et qu'ils ont donc besoin d'argent pour rentrer chez eux; les malades mentaux qui ne sont plus pris en charge, souvent pauvrement vêtus, et qui abordent les gens avec férocité; ceux qui ont trop d'enfants et recourent à la mendicité pour faire vivre leur famille...
Il y a un autre aspect du tableau. Les autorités désirant développer l'industrie touristique, doivent donc offrir aux touristes une bonne image du pays. Ce qui signifie débarrasser les rues des vagabonds.
Récemment, l'Assemblée métropolitaine d'Accra (AMA), incapable de maîtriser la situation, a fait l'impensable. On a ramassé tous les mendiants se trouvant au bord de la route et on les a déchargés sur une plage à plus de 60 km d'Accra; mais certains sont revenus, et toute l'opération a abouti à un fiasco.
La réaction générale à cette malheureuse opération de l'AMA a été intense et beaucoup de gens l'ont qualifiée d'horrible. L'AMA a donc été obligée de suspendre cette action. Le département des Affaires sociales qui a la responsabilité de s'occuper des démunis de la société est placé devant un dilemme, que faire dans ces circonstances?
La loi oblige les autorités à installer, dans toutes les capitales régionales, des centres d'accueil où on peut envoyer pour examen les mendiants et autres vagabonds qui traînent dans les rues et ont été arrêtés. "Pratiquement, cela n'a pas été possible à cause du manque de soutien logistique et de coopération de la part de la police", déclare un fonctionnaire du département des Affaires sociales.
La mendicité est un délit au Ghana et, selon la loi, toute personne découverte mendiant, errant ou se plaçant quelque part dans le but de mendier, est passible d'une amende ou d'un emprisonnement ne dépassant pas trois mois ou des deux. Cette loi n'a pratiquement jamais été appliquée.
D'autre part, donner des aumônes à des mendiants est un délit punissable d'une amende ou d'un emprisonnement ne dépassant pas trois mois ou des deux. Cependant la loi exempte de poursuites ceux qui "mendient ou reçoivent des aumônes en vertu de traditions religieuses ou pour un but charitable public."
Les dispositions légales sont donc vagues, car qu'est-ce qui se passe? Mendier pour "des motifs religieux" peut devenir à l'ordre du jour. Les volailles vivantes, les coquillages, les noix de cola et autres choses étalées devant certains mendiants permettent de constater la recrudescence de dons d'aumônes pour des raisons purement spirituelles.
Dans l'ensemble, les affaires vont bien pour certains mendiants. Kofi Kone, un estropié, affirme que cela marche bien dans son "métier de mendiant". Il se fait souvent près de 10 $US (trois fois le salaire quotidien minimum). Il déplore cependant l'afflux récent, dans ce cadre, des personnes valides: "On essaie de nous enlever nos moyens de subsistance", dit-il.
La moyenne des Ghanéens n'est pas heureuse de cette haute concentration de mendiants dans les villes. Certains se rendent compte que les mendiants réalisent de bonnes journées, grâce à la sensibilité des Ghanéens. On a proposé de faire, le moment venu, un examen approfondi de la situation des mendiants afin de découvrir leurs réels besoins.
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