ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 326 - 15/06/1997

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Les Etats-Unis et l'Afrique

Un dossier ANB-BIA

Dossier préparé par ANB-BIA, mai 1997

THEME = DOSSIER

INTRODUCTION

Depuis le début de la rébellion au Zaïre (devenu la République démocratique du Congo), le rôle des Etats-Unis a soulevé des questions.
D'autre part, en avril dernier, l'administration Clinton proposait un nouveau programme économique pour l'Afrique sub-saharienne.
Quel intérêt les Etats- Unis portent-ils à l'Afrique? Quelques éléments de réponse.

Généralement parlant, il faut reconnaître que l'Afrique n'est pas très populaire auprès des Américains, pour des raisons internes d'abord, et parce que les médias en renvoient une image détestable. Au plan intérieur, tout ce qui touche au problème noir demeure délicat. Et si le public américain a applaudi à la fin de l'apartheid en Afrique du Sud et a compati au désastre rwandais, ces événements sont rapidement sortis de sa mémoire. Par contre, le spectacle d'un soldat américain traîné dans les rues par une foule somalienne y est toujours. Pour l'Américain moyen, l'Afrique est le désordre incontrôlable et la corruption. Quant à l'aide au développement (1% du budget), il se heurte au vieux sentiment américain selon lequel toute aide, à un individu ou à une nation, doit être temporaire, car chacun doit avant tout se tirer d'affaire tout seul.

Cependant, plus peut-être encore que dans d'autres pays, la politique américaine est influencée par des groupes de pression et de lobbying d'origines diverses. Ainsi, déjà depuis le début du siècle, un mouvement s'est créé et développé parmi les Noirs américains, les "Africains-Américains", pour améliorer le sort des Noirs tant en Afrique que dans la diaspora. Actuellement, un groupe parlementaire noir, le Congressional Black Caucus, intervient régulièrement au Congrès en faveur de l'Afrique sub-saharienne.

D'autres organisations constituent la colonne vertébrale du lobby africain américain, comme TransAfrica, créée en 1976 et dirigée par Randall Robinson, et Constituency for Africa, fondée en 1990 et présidée par Andrew Young. De nombreuses ONG sont actives en Afrique dans le domaine du développement, dont l'une des plus importantes est Africare. Le Corporate Council on Africa revendique 135 compagnies membres.

Supports politiques en Afrique

Aussi longtemps que durait la guerre froide, les Etats-Unis choisissaient avant tout leurs amis sur le continent en fonction de leur capacité de s'aligner derrière eux dans leur croisade anti-Union soviétique. C'est ainsi qu'ils ont longtemps soutenu le président Mobutu au Zaïre. D'autre part, ils aidaient les mouvements rebelles dans les pays dits marxistes, comme en Angola et au Mozambique.

Depuis l'écroulement de l'Union soviétique, la politique américaine en Afrique semblait se contenter de rechercher avant tout un continent stable, qui ne fait pas trop de remous. Ils s'attaquaient donc à ce qui pouvait être dangeureux au plan international, comme les foyers de fondamentalisme musulman, et cherchaient par contre à s'appuyer sur des personnes ou des régimes jugés solides et forts.

Les Etats-Unis ont affronté surtout la Libye du colonel Kaddafi et le Soudan. La Libye, accusée de soutenir des groupes terroristes et d'avoir elle-même financé quelques actions terroristes spectaculaires, est soumise à un embargo aérien total depuis 1992. En 1996, le Congrès américain a renforcé ses sanctions par la loi Amato-Kennedy, qui menace de rétorsion toute compagnie étrangère investissant plus de 40 millions de dollars par an dans l'industrie pétrolière libyenne.

Contre le Soudan, accusé de prosélitisme armé et de soutenir des groupes islamistes dans de nombreux pays, les Etats-Unis soutiennent l'Erythrée, l'Ethiopie et l'Ouganda. Ils ont accordé aussi une aide importante (20 millions de dollars) à l'"Alliance démocratique nationale" qui regroupe l'opposition soudanaise en exil et les rebelles du Sud.

Les Etats-Unis s'appuyent de préférence sur des pays ou des régimes forts. L'Afrique du Sud d'abord, le "géant économique du continent africain", même si Mandela s'érige parfois contre le dirigisme américain arrogant, notamment lors de l'affaire du contrat de ventes d'armes à la Syrie au début de cette année.

Par contre, avec le Nigeria, autre géant africain, les relations se sont fortement détériorées sous le régime Abacha: les Etats-Unis se sont joints aux sanctions internationales et maintiennent même un embargo sur les liaisons aériennes avec ce pays en représailles contre le trafic de stupéfiants.

La rébellion zaïroise a encore montré les liens étroits de Washington avec l'Ouganda de Museveni et le régime actuel du Rwanda, dont les Etats-Unis soutenaient régulièrement les thèses. Toutefois, avant la chute du régime Mobutu, leur sympathie initiale pour Laurent Kabila s'est atténuée au fur et à mesure que sa tendance peu démocratique devenait plus évidente. Cela ne les a pas empêchés de jouer, avec l'Afrique du Sud, un rôle diplomatique de premier plan pour trouver une solution à la crise zaïroise.

En septembre 1996, les Américains lancèrent l'idée d'une "force interafricaine de réaction aux crises", composée d'une dizaine de milliers de soldats africains, équipés, entraînés et transportés par les Etats-Unis, et qui servirait surtout à des buts humanitaires. Le projet manquait toutefois de précision, par exemple, sur le financement, le mandat et le commandement de cette force, et fut accueilli avec agacement par la France, et avec prudence et certaines réserves de la part des pays africains.

Ce fut un des points d'échange du secrétaire d'Etat, Warren Christopher, qui fit un voyage en Afrique sub-saharienne du 7 au 13 octobre 1996, faisant escale au Mali, en Ethiopie, en Tanzanie, en Angola et en Afrique du Sud. Les commentateurs ont fait remarquer que c'était son premier voyage dans cette partie du monde depuis sa nomination trois ans et demi auparavant, notant ainsi le peu de place que prend l'Afrique dans la diplomatie américaine. Selon des fonctionnaires américains, le but de son voyage était avant tout de mettre en évidence les lignes principales de la politique américaine pour l'Afrique, àsavoir: le support des Etats-Unis à la démocratie, la nécessité de solutions africaines aux problèmes africains et le besoin, non pas d'aide, mais d'une intensification du commerce.

Aide ou commerce?

Depuis que les républicains, en décembre 1994, obtinrent la majorité au Congrès, la lutte entre eux et l'administration Clinton a été quasi permanente au sujet du financement de la politique extérieure et plus particulièrement l'aide au Tiers monde et donc à l'Afrique. Quelques déclarations des principaux représentants républicains, au moment de leur nomination, étaient claires. Le sénateur McConnell, président de la commission du Budget, déclara: "Nous devons cesser de financer l'échec". Jesse Helms, président de la commission des Affaires étrangères: "Le programme d'aide extérieure a dépensé près de 2.000 milliards de dollars versés par les contribuables, dont la majorité a disparu dans le trou sans fond creusé par des pays qui s'opposent constamment aux Etats-Unis au sein du système des Nations unies". Et il ajouta: "La source des désastres des pays du Tiers monde est l'absence de capitalisme, l'absence de réformes politiques qui mettent en place un système d'entreprises privées".

Le montant annuel de l'aide américaine au développement était de 12,3 milliards de dollars, soit 1% du budget et 0,15% du Produit national brut. Le tiers de cette aide allait à trois pays, Israël, l'Egypte et la Communauté des Etats indépendants (CEI). De 1985 à 1990, l'aide des Etats-Unis à l'Afrique a atteint un total de 24 milliards de dollars.

Les républicains partirent en guerre contre ce "gaspillage". Ainsi le Congrès a réduit le budget 1996 de l'aide globale à l'Afrique, 25%, en le fixant à 1,5 milliard de dollars. Dans ce montant était compris le "Development Fund for Africa" (un fonds "réservé") qui serait réduit de 802 à 529,5 millions. Il fallut un veto présidentiel pour arriver à un compromis.

Pendant ce temps, l'administration Clinton multipliait ses efforts pour favoriser le commerce avec l'Afrique. Le principal promoteur en fut le secrétaire au Commerce, Ron Brown (Afro-Américain, mort dans un accident d'avion en 1996). Il multiplia ses voyages en Afrique, où il déclara, par exemple: "Mon pays est mis au défi d'investir ses ressources humaines et économiques dans la renaissance de ce continent... Force est de constater que pendant trop longtemps nous avons pratiquement ignoré l'Afrique et nous devrions considérer que le marché africain a un potentiel similaire à celui de l'Amérique latine il y a dix ans ou de l'Asie il y a quinze ans". A travers lui, le gouvernement américain soutenait l'idée d'une aide substantielle aux pays en voie de développement, avec la conviction que cette politique permettrait aussi aux Etats-Unis de diversifier leurs marchés. Une forme de compromis devait être recherchée avec le Congrès.

Entre-temps, les investissements américains en Afrique, miniers ou autres, augmentaient graduellement. Prenons l'exemple du Zaïre. Le dernier rapport de l'Unctad, l'Organisation des nations unies pour le commerce et le développement, note que les investissements américains sont passés de 8 millions de dollars en 1994 à 21 millions en 1995. Les intérêts américains s'élevaient à80 millions de dollars en 1995, contre 39 millions en 1991. Tout dernièrement, America Mineral Fields a signé un contrat d'un milliard de dollars pour l'exploitation de réserves de cuivre et de cobalt au sud-Zaïre et la construction d'une fabrique de zinc. Un autre groupe américain est impliqué dans la création d'une banque à Goma.

Un nouveau programme économique

Fin avril 1997, l'administration Clinton proposa son nouveau programme de redressement économique pour l'Afrique, soumis à l'approbation du Congrès. Ce programme a le soutien, non seulement de l'administration, mais également du président de la Chambre des représentants, M. Gingrich, de divers membres du Congrès, tant républicains que démocrates, et de nombreux hommes d'affaires.

Selon "The Economist" et le "Financial Times", l'objectif général est de pousser la politique américaine vers le commerce et les investissements en Afrique, et d'aider les pays africains à avoir un meilleur accès au marché américain. Le projet de loi - le "African Growth and Opportunity Act" - prévoit une extension des produits à importer hors-taxes, même dans le domaine controversé du textile. On créerait un "Forum économique Etats-Unis/Afrique", auquel les pays africains plus avancés pourraient se joindre, et qui réunirait chaque année des ministres africains et des hauts fonctionnaires américains. Son but serait d'arriver à un agenda à long terme dans le domaine du commerce et des investissements. L'investissement privé serait soutenu par un fonds d'équité de 150 millions de dollars et un fonds d'infrastructure de 500 millions. Financés par des privés, ces fonds seraient garantis, au moins partiellement, par la "Overseas Private Investment Corporation".

Les Etats-Unis chercheraient également à annuler les dettes bilatérales, du moins pour les pays qui adopteront une politique de croissance économique, et encourageraient la Banque mondiale et le FMI à réduire au maximum les dettes de ces pays. D'autre part, certains programmes d'aide américains se concentreront plus sur l'aide au commerce et aux investissements, alors que l'aide alimentaire sera concentrée sur les pays les plus pauvres.

Toutes ces mesures restent modestes et peu pénibles pour l'Amérique. Les exportations de l'Afrique sub- saharienne vers les Etats-Unis ne représentent que 1,9% des importations américaines. Le marché américain ne risque pas d'être submergé par des produits africains. Et les dettes bilatérales sont, somme toute, relativement modiques.

Pour l'administration Clinton cette initiative africaine a pas mal d'attraits. Les relations avec la Chine étant dans une phase difficile, le moment est bien choisi de lancer une initiative peu coûteuse et à haute publicité en direction de l'Afrique. Bien des gens voient dans ce continent le dernier grand défi pour le développement. Ils espèrent que les pays industrialisés se joindront à cet effort et que l'Afrique dominera l'agenda du sommet des Sept (G7) à Denver en juin prochain.

"Trade, rather than aid". Renforcer le commerce, plutôt que l'aide. Espérons que l'Afrique s'en portera mieux.

END

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