ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 327 - 01/07/1997

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Malawi

Esclavage dans l'industrie du tabac

by Patrick Mawaya, Malawi, avril 1997

THEME = DROITS DE L'HOMME

INTRODUCTION

Le système de métayage tel qu'il se pratique actuellement au Malawi
est une forme aggravée du Thangata que le gouvernement avait juré d'abolir

Thangata est un système selon lequel les ouvriers travaillent un nombre d'heures supérieur pour une rétribution inférieure et parfois sans rétribution. Voici la conclusion d'un rapport rédigé par le Congrès des syndicats du Malawi (MCTU): "La négligence du gouvernement à s'occuper de ce problème reflète son manque d'intérêt pour les travailleurs du pays. Nous nous rendons compte que le gouvernement devrait considérer le système de métayage comme une affaire urgente à traiter".

Une forme d'esclavage þ Le Malawi a vécu pendant soixante-dix ans sous le régime colonial, sous le nom de Nyassaland. Il est indépendant depuis presque trente-trois ans. Cependant, le pays continue à subir une forme d'esclavage dominante au temps des Jumbes et des Mlozis qui étaient mêlés à la traite des esclaves. Selon le MCTU: "Il est décevant de constater qu'au Malawi, l'industrie du tabac perpétue l'esclavage sous la forme d'un système de louage. On a observé cela dans le district de Nkhota-kota, à environ 200 km au nord-est de la capitale Lilongwe". Le tabac constitue la culture d'exportation la plus importante du pays. Viennent ensuite le thé et le sucre. On trouve d'autres exploitations de culture du tabac dans la Région centrale.

Observation þ Du 13 au 16 janvier, le MCTU a visité les domaines où on cultive le tabac et a pu observer que certains métayers étaient dans une situation affreuse. Cette situation a été dénoncée. On leur refuse des droits fondamentaux, comme la liberté de circulation, d'association et d'expression. Le harcèlement, l'exploitation et l'oppression de ceux qu'on nomme "métayers" sont quotidiens.

En réalité, les exploitants possèdent ces êtres humains qu'ils appellent "métayers", qui ne sont ni des métayers ni des cultivateurs, mais des esclaves auxquels on refuse les droits fondamentaux - en nette contradiction avec la Constitution du Malawi qui garantit àtout individu les droits fondamentaux de l'homme.

Pas de voix collective þ Comme le dit le MCTU, les métayers n'ont pas de voix collective pour affronter leurs propriétaires ou l'Association du tabac du Malawi (TAMA), regroupant les exploitants. S'ils essaient de s'organiser pour réclamer leurs droits, ils sont maltraités. Les propriétaires, qui ont tout pouvoir de négocier et de fixer les prix, trafiquent les prix de vente du tabac et refusent d'entendre les plaintes de leurs métayers. Les métayers produisent le tabac mais ne peuvent décider de son prix.

Santé, malnutrition, manque d'instruction þ Les métayers n'ont aucune protection ni aménagements sociaux. Les propriétaires n'aménagent pas de cliniques, et les métayers malades ne sont pas confiés à un hôpital, mais abandonnés à leur propre sort. Le fait que la nourriture ne soit pas assurée est un problème majeur, et la malnutrition se fait surtout sentir chez les enfants en dessous de cinq ans et chez les femmes enceintes et allaitantes. On ne donne pas suffisamment de nourriture aux métayers, et si on leur en fournit, la cadence où ils la reçoivent est à la discrétion de l'exploitant. En plus, les enfants sont massivement exploités dans ces fermes. Entre cinq et seize ans, ils doivent désherber et récolter le tabac. C'est pourquoi ils ne peuvent pas toujours aller à l'école.

Intervention de l'Eglise þ La situation des métayers a attiré l'attention de divers côtés. Le diocèse catholique de Lilongwe, par l'intermédiaire de la paroisse de Nkhota-kota a essayé d'organiser les métayers en une association. Mais ce geste a été considéré comme une "menace" tant par les propriétaires que par le gouvernement.

Le Congrès des syndicats du Malawi dit être en possession d'informations selon lesquelles "le gouvernement a résolument et délibérément donné l'ordre de ne pas souffler mot du problème des métayers". Bien plus, il est évident que rien n'a été fait pour appliquer les modalités de la loi de 1995 sur la protection du travail des métayers.

Recommandations þ Après une visite aux domaines de Nkhota- kota, le Congrès des syndicats du Malawi a fait les recommandations suivantes:

1. Le MCTU ira de l'avant et regroupera, avec effet immédiat, les métayers dans un syndicat.

2. Une rencontre tripartite doit avoir lieu entre TAMA , le gouvernement et le MCTU pour proposer une politique sur le système de métayage au Malawi.

3. La loi sur la protection du travail des métayers doit être mise en pratique aussi vite que possible.

4. Le gouvernement doit déterminer les prix convenables à payer par les exploitants pour le tabac qui leur est vendu par leurs métayers, même si cela est contraire à la politique de libéralisation du marché que le Malawi poursuit actuellement.

5. La fréquence du travail des enfants dans les domaines doit être étudiée correctement pour y trouver les remèdes appropriés.

6. Il faut réexaminer tout ce qui concerne le système malawien de métayage.

END

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