ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 327 - 01/07/1997

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Madagascar

De l'Etat unitaire à l'Etat fédéral

by Léandre Prince Ratsiazo, Antananarivo, mai 1997

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION

Où en est la situation politique à Madagascar, quelques mois après le retour de Didier Ratsiraka à la présidence?

Rappelons les faits. Le long feuilleton qui opposait le président Albert Zafy aux députés de l'Assemblée nationale a eu son épilogue. Un vote secret des parlementaires, officialisé par la Haute Cour constitutionnelle le 5 septembre 1996, entraînait la démission du président A. Zafy. La date du 3 novembre 1996 fut retenue pour l'élection présidentielle. Quinze candidats se sont présentés dont les deux anciens présidents. Ceux-ci, l'amiral Didier Ratsiraka et le professeur Albert Zafy, choisis au premier tour, se sont présentés au second.

Finalement, l'amiral Ratsiraka remporta de peu l'élection, avec un score de 50,71 %, contre les 49,29% du professeur Zafy. Le taux d'abstention était de plus de 50%. On était loin de l'enthousiasme dithyrambique d'antan qu'escomptaient le vainqueur et ses partisans.

L'amiral Ratsiraka, élu deuxième président de la IIIe République, n'est pas sans savoir qu'une très lourde tâche l'attend pour le redressement de la nation malgache, en particulier sur le plan économique et social. Cela faisait l'objet de promesses lors des discours électoraux. Quelle sera la stratégie du président pour les réaliser? Ces promesses détaillées prévoient l'instauration d'abord d'une République humaniste et écologique, première en l'espèce des républiques africaines. Pour les Malgaches, cette république inédite reste encore hypothétique!

En second lieu, dans un référendum, le peuple malgache sera soumis à un choix de société entre un Etat unitaire décentralisé et un Etat fédéral.

Etat unitaire ou Etat fédéral

Madagascar est un Etat unitaire, selon la Constitution actuelle adoptée par référendum en août 1992 (par 74% du suffrage exprimé par 80% de la masse électorale). Mais cette Constitution fut amendée et déviée de son sens initial, le 17 septembre 1995. Plus libérale tout en adjugeant à la démocratie sa pleine valeur, cette Constitution a été traitée par l'amiral Ratsiraka de "Constitution bâtarde", entachée de contradictions et d'aberrations. Ironie du sort, c'est sur cette Constitution que l'amiral Ratsiraka a prêté serment, jurant d'en respecter les stipulations.

L'idée d'implanter un Etat fédéral à Madagascar n'est pas neuve. Insufflée en 1991 par l'amiral Ratsiraka, elle avait donné lieu a de grandes manifestations. La rivalité s'était érigée entre les unitaristes (essentiellement des membres des Forces vives, cautionnées par la Confédération des Eglises chrétiennes de Madagascar) et les fédéralistes. Les ultras étaient carrément passés aux actes de violence, allant jusqu'à faire sauter les ponts qui reliaient la capitale aux régions productrices, isolant ainsi la capitale, considérée comme un fief de la rebellion contre Ratsiraka. Ces actes maladroits de certains fédéralistes apportaient de l'eau au moulin des unitaristes, qui s'en servirent pour diaboliser le fédéralisme.

Après l'avènement de la IIIe République, les fédéralistes se sont ressaisis, ils se sont même intégrés à l'environnement démocratique. La grande surprise a été la réconciliation des fédéralistes de tendance modérée avec l'aile dure du département politique des Forces vives Rasamala. Antérieurement antagonistes, ces deux unités ont démontré qu'avec de la bonne volonté il est possible d'enterrer la hache de guerre et de conjuguer ses efforts pour redresser la nation.

Par le retour du président Didier Ratsiraka au pouvoir, l'idée de fédéralisation renaît. Elle trouve même un certain engouement dans des classes politiques autrefois réticentes.

Selon un raisonnement constitutionnaliste, l'instauration du fédéralisme adapté à Madagascar exigerait 4 conditions bien définies:

- 1. L'existence d'une démocratie pluraliste basée sur la liberté publique, la séparation des pouvoirs, la proscription de tous régimes présidentiels.

- 2. Un encadrement par un système unique d'agrégation; il est en effet difficile de faire fonctionner un fédéralisme à la malgache, vu la dissociation des provinces ou la désagrégation de l'Etat unitaire qu'il suppose.

- 3. Il faut que les conditions historiques et les conditions du moment le rendent indispensable, et que le contexte politique l'admette.

- 4. Les frontières politiques inhérentes au découpage fédéraliste ne doivent pas obligatoirement recouper des frontières ethniques, linguistiques ou religieuses.

Source et père de l'idée fédéraliste, Didier Ratsiraka, en fin stratège, n'intervient guère, laissant aux Malgaches le soin de débroussailler le terrain et de préparer psychologiquement les futurs électeurs.

La plus grande prudence est de mise. En effet, cela équivaudrait à un grand risque politique d'inciter l'opinion à désapprouver la Constitution unitariste, synthèse du Forum national patronné par la Confédération des Eglises chrétiennes. Celle-ci regroupe en son sein les quatre plus grandes confessions religieuses et compte plus de cinq millions de fidèles. Le président Ratsiraka, marxiste et plutôt dictateur sous la IIe République, en ayant été victime, est bien placé pour le savoir.

La stabilité politique reste faible

Par ailleurs, les partis opposants, qui ne cessent de croître en nombre, ne ratent aucune occasion médiatique d'exposer leur opinion. Le professeur Zafy, leader de l'Union nationale pour le développement de la démocratie, dans une interview à des journalistes étrangers de l'Association internationale de télévision, a été jusqu'à qualifier son successeur, le président Ratsiraka, de "paranoïaque".

Et pendant que les tenants du pouvoir et les politiciens s'adonnent à leur sport favori, le dénigrement réciproque, des foyers de tension s'allument partout. Le fait le plus significatif est la grève des étudiants universitaires réclamant l'alignement promis de leur bourse au Smig: elle peut vite devenir un danger pour le régime en place. Il y a aussi la grève des agents non-fonctionnaires et contractuels de l'Etat qui, par l'application du Document cadre de politique économique, imposé par les institutions de Bretton Wood, pourraient se retrouver dans la rue du jour au lendemain; et ils sont des dizaines de milliers. Sur tout cela se greffent encore des problèmes inattendus, comme des cataclysmes naturels (cyclones tropicaux, invasions de criquets...).

Il est compréhensible que le nouveau Premier ministre Pascal Rakotomavo, en trois mois de fonction n'a guère pu enregistrer de résultats à son actif: il n'en est qu'au stade des nominations des nouvelles équipes ministérielles. Dans cette perspective, la stabilité politique paraît bien faible, et l'expansion socio-économique pourrait en subir les conséquences.

Les Malgaches rompus à la résignation, mais drapés dans leur dignité, s'efforcent, sans attendre la réalisation des promesses électorales, de sortir du pétrin dans lequel les régimes politiques successifs les ont plongés.

END

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