ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 327 - 01/07/1997

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Sénégal

Les femmes interpellent les téléspectateurs

by Yacinthe Diène, Sénégal, mars 1997

THEME = MEDIAS

INTRODUCTION

"Pasteef", une émission télévisée qui a du succès

Sous l'égide de l'Institut africain pour la démocratie (IAD), l'émission "Pasteef" (en ouolof: pouvoir de décision ou volonté) a été soumise le 6 mars dernier à l'appréciation d'un parterre de personnalités de tous horizons, leaders politiques, représentants d'organisations non gouvernementales, d'associations et de groupements de femmes.

Pour la première fois dans les annales de la Radio et télévision sénégalaise (RTS), une émission a fait l'objet d'une évaluation lors d'une journée d'étude présidée par le ministre de la Communication, et par celui de la Femme, de l'enfant et de la famille.

Comme sous l'arbre à palabre

Le nom de l'émission, "Pasteef", se justifie par son symbolisme et surtout par la reconnaissance unanime de son intérêt public. Dans ce magazine mensuel destiné aux femmes, on voit la présentatrice lisant son texte ou interrogeant ses invités, tandis que la camera "zoome" et "panoramique", et que la régie mixe les fonds d'images et de reportages.

Cette émission de 30 minutes est orientée sur le vécu des gens, et, par des enquêtes et des reportages, elle veut faire descendre l'information jusqu'à la base. L'émission met face à face, sous le regard des téléspectateurs, un spécialiste (chef d'entreprise, fonctionnaire ou leader politique) et des représentantes d'associations ou groupements de femmes. Cette constante fera dire à Mr Ibrahima Mané, rédacteur en chef du mensuel "Démocratie africaine", que "Pasteef est une sorte d'arbre à palabre où la société se mire elle-même, car, s'il est vrai que l'opinion n'agit pas directement sur les événements ou qu'elle n'a pas de pouvoir de décision propre, il reste qu'elle peut rendre possible (ou impossible) la politique de ses représentants".

L'originalité de la production réside dans le fait qu'elle est consacrée aux préoccupations du pays, comme le soulignait une récente enquête sur son impact: "C'est une émission conçue pour s'attaquer aux problèmes de société qui interpellent directement les téléspectateurs".

A la date de l'évaluation, Pasteef était passée 51 fois sur le petit écran, avec les thèmes suivants: Social-société (18), Politique (2), Santé (5), Sport (1), Economie (12), Culture et éducation (3), Musique (1), Religion (4) et Divers (5). L'émission suscite la prise de conscience des femmes sur le rôle qu'elles jouent dans le développement économique et social du pays et ne cesse d'élargir son audience en rendant plus visibles ces activités.

L'avis de spécialistes, rapporté par M. Mané, est que "Pasteef a une dimension éminente de mobilisation sociale par la dynamique qu'elle dégage et par sa grammaire de production, faite d'une inter-action entre le reportage télévisé et la prise de parole d'invités représentatifs sur des sujets de société".

Les raisons du succès

Depuis cinq ans Pasteef occupe une place de choix dans le paysage audiovisuel sénégalais, cela grâce au ouolof, une des principales langues nationales, parlée par 80% des Sénégalais. Le français (langue officielle) ne pouvait pas en être le support, car les spectateurs potentiels subissent le contrecoup de l'analphabétisme: 82% en milieu urbain, et 90% dans le monde rural.

Etant la plus grande production en langue vernaculaire, Pasteef est connue comme espace de concertation et d'échanges. Très tôt elle a choisi de donner la parole à de simples citoyens "sans voix", leur permettant d'exprimer ou d'évoquer leurs difficultés ou leurs réussites dans le vécu quotidien. Mme Arame Diop, créatrice du programme, faisant allusion à son large succès, exprimait sa grande satisfaction: "Ma joie c'est de voir que ceux qu'on appelle les petites gens me suivent et aiment mon travail".

Au départ de la méthode il y a eu cet exposé sur la "folklorisation" des émissions en langue nationale que la présentatrice avait trouvé, il y a 25 ans, dans les archives de l'Institut national de l'audiovisuel de Brie-sur-Marne, en France. C'est à partir de lui que la présentatrice explique le succès de son initiative personnelle: "M'inspirant de ce document, quand je me suis intéressée à la télévision, j'ai voulu faire une émission de haute portée intellectuelle qui touche le plus grand nombre".

Cette journée a été comme un prétexte pour rendre un hommage mérité à Arame Diop pour son talent. Totalisant 25 ans d'activité à la RTS, dont 20 àla radio, cette journaliste a produit de nombreuses émissions sur la situation des femmes sénégalaises.

Mais la rencontre a aussi permis aux téléspectateurs et aux professionnels de la communication d'apporter quelques critiques et de formuler les recommandations suivantes:

Au niveau de la conception: il faudrait entourer la présentatrice d'une véritable équipe, pour qu'elle n'ait plus à produire, présenter et gérer seule son planning horaire; actuellement elle est en effet reporter sur le terrain et présentatrice de sa production.

Au niveau de la programmation: diffuser l'émission dans une tranche horaire où elle pourrait être suivie par un plus grand nombre. Déjà, l'émission a une grande audience, même si elle est diffusée après 21h.30. Il y aurait lieu aussi de voir comment l'émission pourrait accompagner la lutte des femmes contre la pauvreté, pour l'éducation et la santé, et promouvoir l'accès des femmes à la prise de décisions et aux réformes institutionnelles.

Au niveau des moyens: rompre avec la politique du "Système D" et, compte tenu des moyens limités de la RTS, trouver des moyens matériels et financiers pour améliorer la qualité de l'émission.

D'ores et déjà l'IAD s'est engagé à financer la compilation des 55 premières émissions en vue de l'offrir gratuitement à des institutions comme les ministères, les universités, les ONG ou autres qui s'intéressent aux questions féminines.

END

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