ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 328 - 15/07/1997

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Nigeria

Abacha suit le mouvement

by Kenneth Dareng, Nigeria, 5 mai 1997

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION

Les Nigérians attendent patiemment pour le 1er octobre
le départ définitif de l'actuelle administration militaire.
Encore faudra-t-il voir si l'actuel chef de l'Etat, le général Sani Abacha,
cédera ou non le pouvoir selon les principes démocratiques

Beaucoup de citoyens commencent à exprimer de l'inquiétude en songeant à la façon dont les événements politiques se sont déroulés dans le pays et à la mode actuelle en Afrique des présidents militaires "auto-transformés" comme Yahaya Jammeh en Gambie, Ibrahim Maïnnasara au Niger, Mathieu Kerekou au Bénin, Jerry John Rawlings au Ghana, Blaise Compaoré au Burkina Faso et Yoweri Museveni en Ouganda.
On a le sentiment que le général Abacha va finalement rejoindre cette liste. Certains y poussent, comme le secrétaire de presse du chef de l'Etat, David Attah, le juge Mamman Nasir, président du Comité pour la transition (TIC), Godwin Daboh, président du Comité de mobilisation et de persuasion nationales du "Projet Abacha président". En diverses occasions, ils ont mené campagne pour que le régime actuel se poursuive.
Samuel Ikoku, ancien membre du TIC, a révélé dans une récente déclaration à la presse, qu'on incite le président à se présenter aux prochaines élections présidentielles. La candidature du général Abacha pourrait se justifier à deux conditions: 1. qu'il soit présenté par au moins un des cinq partis enregistrés; 2. qu'il se présente comme civil; ce qui signifie démissionner en tant que général en chef des Forces armées.
Un groupe de pression connu sous le nom de "La jeunesse réclame avec conviction Abacha '98" (YEEA) a parcouru tout le pays, organisant des rassemblements de solidarité pour soutenir la candidature d'Abacha. Le directeur général de YEEA, Mr Daniel Kanu disait dans une récente déclaration à la presse que son organisation avait tous les droits d'exprimer ses vues propres sur le sujet.
Il faut remarquer cependant que le ministre des Devoirs spéciaux, Alhaji Wada Nas, publiait une déclaration émanant du gouvernement, se dissociant de ceux qui réclament à cor et à cri la candidature d'Abacha. Certains éléments des cercles gouvernementaux doutent des références de ceux qui font campagne pour Abacha et craignent que ce manque de crédibilité ne nuise à l'image du régime actuel.

Choix possibles


Selon Mr David Dogh, directeur de la publicité pour le Congrès du consensus national (CNC ) "l'idée de demander aux gens d'inviter le général Abacha à se présenter aux élections est ridicule. Qu'il parle aux Nigérians, qu'il démissionne, qu'il rallie un parti politique et commence à faire campagne. Plus vite il le fera, mieux cela vaudra pour qu'il n'ait pas l'air de manipuler le processus démocratique".
Quelle forme les événements vont-ils prendre dans les douze prochains mois? Un des choix possibles pour le général est qu'il transmette volontairement le pouvoir à un président civil élu. Parmi ceux qui croient fermement en cette possibilité figure Akoro George, président de la section Rivers State de l'Association nigériane du barreau. Dans une récente déclaration à la presse, George affirmait: "le général Abacha a toutes les possibilités de transmettre le pouvoir l'année prochaine. Après tout, les élections des gouvernements locaux du 15 mars montrent qu'un programme de transition est déjà mis en place".
Mallam Mohammed Wakili, analyste politique, déclare: "L'électorat ne peut voter en masse pour le général alors qu'un grand nombre de ses attentes reste sans réponse. Beaucoup sont loin d'être convaincus du "miracle économique d'Abacha". Pour eux, il n'est pas question de signer un chèque en blanc pour qu'il continue au-delà du 1er octobre 1998".
Le Dr Sunday Nbang, président de l'Association chrétienne du Nigeria, est du même avis: "Dire que sans Abacha, le monde s'effondrera est parfaitement stupide. Le Nigeria a existé avant Abacha et continuera à exister sans lui. Le Nigérian moyen n'a pas assez d'argent pour s'acheter de la nourriture et la plupart ne peuvent pas payer la contribution pour l'école de leurs enfants. Ils ne diront pas que le gouvernement fonctionne bien. Seuls ceux qui en bénéficient chanteront ses louanges".
Dans un discours tenu à Kaduna, lors d'une réunion de l'armée de l'air, le général Abacha affirmait: "Je peux vous assurer que cette administration va définitivement transmettre le pouvoir, l'année prochaine, à un président civil élu démocratiquement. Soyez sûrs que tout ce qui est humainement possible sera fait pour assurer en 1998 la reprise du pouvoir par un civil, en tant que président de ce grand pays".
Malgré les tentatives du général Abacha et d'autres responsables importants pour rassurer les esprits, les gens se souviennent toujours du passé.

Promesses vides


On se rappellera que le général Ibrahim Babangida a dupé les Nigérians pendant huit ans et a juré finalement qu'il allait passer la main à un président civil, "Insha Allah", mais cela n'est pas arrivé. Il fut démis de sa charge en août 1983. De même, le général Yakubu Gowon, au début des années 70 avait promis qu'il se retirerait en faveur d'un collègue civil le 1er octobre 1976. Qu'est-il arrivé? Le 1er octobre 1974, Gowon déclara à la nation que la date de 1976 pour son désengagement n'était pas réaliste. Il resta en poste jusqu'à ce qu'il fut écarté par un coup d'Etat militaire le 29 juillet 1975. Il fut remplacé par le général Murtala Mohammed qui annonça rapidement son agenda politique. En 1976, Murtala Mohammed fut assassiné et le général Obasegun Obasanjo lui succéda. En 1979, les militaires s'engagèrent à remettre le pouvoir aux civils et le président Shagari prêta serment le 1er octobre 1979. Il fut réélu et prêta à nouveau serment comme président pour un second mandat le 1er octobre 1983.
Le 31 décembre 1983, des soldats nigérians prirent une fois de plus le pouvoir et Muhammadu Buhari en sortit comme nouveau chef militaire. A la fin de 1985,le général Babangida revint au pouvoir et depuis on n'a cessé de promettre le retour à un régime civil permanent -mais le pays attend toujours.

Comment maintenir Abacha au pouvoir?


On a élaboré plusieurs méthodes pour assurer qu'Abacha reste au pouvoir au delà du 1er octobre 1998. Une de ces manoeuvres dont on discute à mots couverts dans les cercles politiques est qu'Abacha joue encore avec les dispositions constitutionnelles concernant le programme de transition vers un régime civil. On proposait qu'il participe aux élections comme candidat indépendant, au lieu de rallier un des cinq partis politiques. La population pourrait l'accepter et, en tout cas, cela pourrait lui créer plus de chances d'être victorieux aux élections présidentielles.
Une autre idée du groupe pro-Abacha est qu'on pourrait présenter aux Nigérians un plébiscite portant sur une alternative: Abacha doit-il se présenter aux élections ou doit il prolonger son régime?
Si cela ne réussit pas, les élections pour l'Assemblée nationale devraient se situer dans le premier quart de 1998. Les membres de l'Assemblée nationale pourraient alors subir des pressions pour qu'ils votent la prolongation du régime Abacha au delà du 1er octobre 1998.

END

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