by Y. Diene, Sénégal, mai 1997
THEME = ECONOMIE
Conformément au programme prioritaire de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) pour le redressement économique et social, les députés ouest-africains s'engagent à fond sur le front mondial de la démographie, objet d'une convention au Caire et à Beijing (Pékin).
Le déséquilibre constaté aujourd'hui, en Afrique, entre l'évolution de la population et la croissance économique est assez préoccupant. Définies depuis plusieurs années, les politiques de population, avec des mesures incitatives et coercitives, n'ont pas permis de maîtriser la croissance démographique.
L'Assemblée nationale du Sénégal, à travers son réseau "Population et développement", a organisé, en mars dernier, un colloque mobilisant 10 pays de la sous-région: Bénin, Togo, Côte d'Ivoire, Niger, Mauritanie, Cap Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau et Sénégal. Grâce au concours du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) et du Projet de développement des ressources humaines (PDRH )/Banque mondiale, les députés ouest-africains se sont engagés à redonner un nouvel élan à une initiative se heurtant souvent au poids des traditions, des habitudes sociales liées à la fécondité ou à la place de la femme dans la société.
Aujourd'hui seuls 20% des ménages ont accès à un logement décent, et on ne peut guère répondre à la demande de logement (5% des besoins).
L'accès à l'eau potable reste une préoccupation, et l'on constate de fortes disparités entre les zones urbaines et rurales: seuls 20% des ménages ruraux ont accès à un robinet ou à un forage.
L'électricité et les réseaux de communication (radio, téléphone, télévision) ont aussi un accès très limité. C'est ainsi que le Parlement sénégalais a tiré la sonnette d'alarme et a proposé comme thème du colloque: "Population et législation en Afrique de l'Ouest".
Dans la région, les populations subissent les contre-coups de la pauvreté, de l'insécurité et de l'instabilité familiale. Mais on constate que l'application des politiques démographiques diffère d'un pays à l'autre.
Il y a des similitudes sur la donnée démographique: la Mauritanie a vu sa population passer de 1,9 million en 1988 à 2,3 millions en 1996; en Gambie la population a triplé en 20 ans pour atteindre les 800.000 habitants; le Sénégal connaît à son tour un taux d'accroissement démographique de 2,9% par an, avec ses 2,3 millions en 1996, et un taux d'urbanisation de 3,8% par an. La dynamique démographique actuelle du continent est de 3% l'an: la population ouest-africaine, caractérisée par une croissance excessive, est passée de 20 millions d'habitants en 1960 à 40 millions en 1988, et comporte 45% de jeunes de moins de 15 ans.
Certaines projections prédisent une population de 100 millions d'habitants en 2020, résultat d'une croissance rapide et d'une natalité très élevée (7 enfants par femme en moyenne). Les parlementaires ouest-africains s'engagent à réviser certains textes législatifs et à réactualiser le droit familial en vue de ramener à 3 le nombre d'enfants par femme d'ici 2015.
Les députés présents au colloque ont perçu l'urgence qu'il y a à intégrer la variable "population" dans le droit de chaque Etat. Aussi ont-ils adopté des recommandations et des résolutions en vue de l'assainissement de l'environnement juridique dans les pays respectifs, la principale étant la mise sur pied d'un cadre de concertation: une Coordination des réseaux parlementaires pour la population (CRPP ). Son rôle: amener les Parlements de la sous-région à mettre le dispositif juridique et institutionnel de l'Etat au service d'une politique démographique efficace.
Ce cadre se veut un "instrument d'harmonisation de textes législatifs, mais en même temps un forum pour faire éclore des idées, encourager des initiatives en matière de population et assurer leur coordination", comme l'a expliqué Cheikh Abdoul Khadre Cissokho, président de l'Assemblée nationale du Sénégal et du CRPP. Il a reçu mandat pour contacter les pays francophones absents à la rencontre (Mali et Burkina Faso) et les anglophones (Nigeria, Ghana, Libéria, Sierra Leone) en vue d'élargir le CRPP et de favoriser une collaboration interparlementaire par des voyages d'étude ou des échanges d'expériences.
En 1974 déjà, l'Association sénégalaise pour le bien-être familial (ASBEF ) était érigée en tant qu'organisation non gouvernementale (ONG) d'utilité publique. Cette association est pionnière dans l'information et la sensibilisation aux problèmes de population, tant en milieu urbain que rural.
L'ASBEF a été récemment première lauréate du prix fondé par le Sénégal sur la population. En 1988 le gouvernement a adopté sa déclaration de politique de population fondée sur un double principe: la responsabilité des personnes en tant qu'époux et parents face à la procréation, et le droit des personnes d'accéder à l'éducation et à l'information objective.
Un projet d'éducation à la vie familiale a été mis en place en 1990, en vue de former un Sénégalais de type nouveau. Une équipe pédagogique a élaboré un programme multidimensionnel et pluridisciplinaire axé sur quatre domaines: population et famille, population et environnement, population et santé, population et émigration.
En 1992, le Sénégal a abrité tour à tour la 3e Conférence africaine sur la population et la Conférence africaine préparatoire à la Conférence de Beijing sur la femme. Ces deux rencontres lui ont valu de conduire la délégation africaine à la Conférence internationale du Caire (Egypte) sur la population et le développement, en 1994, et à la 4e Conférence internationale sur la femme à Beijing en 1995.
Aujourd'hui, les pouvoirs publics s'inscrivent dans la perspective d'un second programme de population gravitant autour de trois axes: population et stratégie de développement; information, éducation et communication (IEC); et, enfin, planification familiale et santé sexuelle et reproduction.
Ce premier colloque interparlementaire envisage de favoriser des mesures législatives et réglementaires grâce au CRPP. Les politiques pour une maîtrise de la démographie doivent en effet être élargies par une lutte contre les fléaux tels que la drogue, la pauvreté, l'environnement.
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