by Evaristus Fonkah, Cameroun, avril 1997
THEME = CONDITIONS SOCIALES
On trouve de petits restaurants un peu partout dans la ville (sauf dans les quartiers purement résidentiels), au coin des rues, sur les trottoirs, aux croisements de routes, sur les marchés, dans les quartiers de l'administration. Ils consistent en de petites huttes avec un ou deux bancs à l'intérieur. Ce sont des gargotes au bord des routes et c'est l'une des premières images qui frappent le regard en arrivant à Douala.
A cause de la crise économique que connaît actuellement le Cameroun, de nombreux habitants de Douala ont entrepris l'une ou l'autre petite affaire. Beaucoup de propriétaires vendent à peine assez pour payer les taxes, verser un salaire médiocre à leurs ouvriers et nourrir leur propre famille. Vu le déclin constant de l'économie, ceux qui arrivent à survivre ne paient pas suffisamment pour attirer une main-d'oeuvre qualifiée; alors, ils employeurs négocient les salaires individuels et ne respectent aucune norme de base salariale. Quant aux employés, ce sont des jeunes qui, ayant terminé leurs études, traînent dans les rues et qui sont au comble de la joie quand ils trouvent quelque chose à faire. Ils sont prêts à accepter n'importe quoi.
La plus grande partie de la main-d'oeuvre camerounaise est employée par le gouvernement comme fonctionnaires. Ils ont tendance à rester fonctionnaires parce qu'ils n'ont pas d'alternative. La rémunération maximum d'un professeur de l'enseignement supérieur s'élève à environ 80.000 frs CFA (160 $ US); les médecins gagnent entre 90.000 et 120.000 frs CFA (180 à 240 $ US).
Ces professionnels aux revenus modestes ont les mêmes charges que les personnes citées plus haut, mais en plus ils ont à payer des taxes très lourdes, ils doivent maintenir un train de vie toujours plus élevé, et s'occuper de parents qui ont perdu leur emploi.
On croit généralement que ceux qui travaillent dans le secteur privé s'en tirent mieux que ceux qui sont dans le secteur public. C'est vrai; avec ce qu'ils gagnent, les gens "au sommet" sont à l'aise. C'est pourquoi, on est surpris d'apprendre ce que touche le travailleur moyen dans le secteur privé. Tous ceux qui reçoivent un salaire moyen fréquentent les mêmes petits restaurants et doivent se restreindre pour joindre les deux bouts.
La plupart des travailleurs commencent le travail à 7,30h. du matin. Avec les difficultés de transport à Douala, cela veut dire quitter la maison avant 6,30h. pour arriver à l'heure, ce qui laisse à peine le temps de déjeuner avant de partir. S'ils arrivent au travail plus tôt qu'il ne faut, peut-être pourront-ils s'asseoir pour manger. Mais où trouveront-ils un endroit où manger et, de plus, pas trop cher? Une gargote au bord de la route évidemment!
Sa famille lui donne l'argent destiné à sa propre nourriture, et elle l'utilise pour acquérir les produits de base nécessaires à son commerce. Elle installe un restaurant de fortune près de chez elle, après s'être assurée qu'il se trouve en face d'un magasin de boissons ou d'un bureau ou de tout endroit où se rassemblent beaucoup de gens. Peu importe si d'autres femmes sont dans le même secteur, exploitant le même genre de commerce. Tout ce qu'il faut, c'est que quelqu'un achète chez elle et qu'elle encaisse un bénéfice minimum.
Essayez d'entrer dans une de ces gargotes entre 6,45h. et 8h. du matin, ou entre 11,30h. et 14,30h.: elles regorgent de travailleurs, mangeant tous de bon appétit ce qui pourrait bien être leur seul repas de la journée. Certains n'arrivent même pas à s'asseoir, mais quelle importance? Tout ce dont ils ont besoin, c'est d'avaler de la nourriture - et peut-être une bière.
Il ne faut pas s'étonner que récemment le Conseil de la cité de Douala ait entamé la destruction massive de toutes les échoppes de fortune envahissant les rues de la cité. Maintenant la ville a l'air plus propre et on espère que cela va changer les habitudes alimentaires des citoyens de Douala.
Mais alors, où vont-ils manger?
END