ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 330 - 15/09/1997

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ISSUE/EDITION Nr 330 - 15/09/1997

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Bénin

A la recherche du minimum social commun

by Michel Tchanou, Cotonou, Bénin, 11 août 1997

THEME = DEVELOPPEMENT

INTRODUCTION

Du 1 au 6 août dernier, s'est tenu à Cotonou, capitale économique du Bénin,
un colloque international sur le concept du minimum social commun
et du développement au quotidien

Sur la scène internationale, le Bénin est connu comme le pays ayant inventé et expérimenté avec bonheur la recette de la Conférence nationale souveraine, qui a permis le passage en douceur d'un régime dictatorial et monolithique au pluralisme et à la démocratie. Importée depuis lors par de nombreux pays africains, cette recette a connu des fortunes diverses.

De nouveau, ce petit Etat ouest-africain se signale à l'attention de la communauté internationale. Après la consolidation de sa démocratie à travers l'alternance réussie de mars 1996, ayant vu le retour au pouvoir de l'ex- dictateur marxiste reconverti à la démocratie, Mathieu Kérékou, le Bénin veut s'attaquer aux racines profondes de son mal: la pauvreté. Et n'ayant pas de pétrole, il a au moins des idées. C'est ainsi que par l'entremise de l'ancien haut fonctionnaire du Bureau international du travail (BIT), devenu ministre du Plan, de la Restructuration économique et de la promotion de l'Emploi, Albert Tevoedjre, un nouveau concept a vu le jour et sert désormais de boussole au gouvernement béninois: le minimum social commun.

Tel que défini par le gouvernement béninois, le Minimum social commun (MSC) se veut un concept intégrateur et mobilisateur fondé sur le principe d'un développement communautaire qui s'appuie sur les réalités, les vécus quotidiens et l'environnement des différents groupes sociaux qui acceptent de prendre en charge leur auto-promotion. Mieux, souligne-t-on, ce concept de MSC répond aussi aux recommandations du sommet mondial de Copenhague, visant à l'accès universel aux services sociaux essentiels pour un développement humain durable. Il s'inscrit également dans le cadre du consensus d'Oslo, qui a soutenu que la promotion de l'accès pour tous aux services sociaux essentiels est un élément clé pour briser le cycle de la pauvreté.

Pour l'instant, les autorités béninoises limitent le champ d'application du MSC à quatre domaines essentiels: la sécurité alimentaire, l'éducation de base, l'accès aux services et soins de santé primaire, puis enfin le développement de la capacité à générer des richesses. Trois jours durant, les participants au colloque de Cotonou, répartis en neuf ateliers de travail, ont essayé de dégager des stratégies et surtout des actions en vue de la mise en chantier du MSC. Ce concept, il faut le reconnaître, n'est pas nouveau; mais, ce qui est plus grave, il ne fait pas l'unanimité au sein des Béninois.

Un complot contre Dieu

D'abord sur le plan de la formulation, nombre de participants n'ont pas pu accorder leurs violons. Le minimum social, ont souligné certains, ne saurait être commun, d'autant que le minimum est d'abord un concept relatif, qui varie d'une couche sociale à une autre. Conclusion: le "minimum social nécessaire" serait plus approprié. Cependant, au-delà de la forme, c'est plutôt le contenu même de ce concept qui a suscité de multiples controverses. Ce fut d'abord l'opposition, incarnée par la formation politique de l'ancien chef de l'Etat béninois, Nicéphore Soglo, qui monta au créneau pour dénoncer "la culture de la pauvreté qu'on tente d'inculquer aux Béninois".

Ce point de vue est partagé par de nombreux cadres et intellectuels de la société civile. Dans un article publié par le quotidien gouvernemental La Nation à la veille même du colloque de Cotonou, le directeur du Centre africain de la pensée positive, Jérôme Carlos, a fustigé ce "véritable complot contre Dieu". Le minimum social commun, dit-il, "est une notion contraire à la nature de l'homme. Elle induit le renoncement à un privilège humain: celui de grandir, de croître, de parachever, en quelque sorte, l'oeuvre merveilleuse du Créateur". Il rapporte les propos d'un de ses amis brésiliens pour étayer sa position. "Au Brésil, c'est au moyen d'une espèce de minimum social commun, qu'on a réussi à endormir le Noir, à émousser sa conscience, à le castrer socialement parlant, à le culpabiliser et à lui faire accepter son sort, ainsi que sa position subalterne dans la société brésilienne". Et parce qu'il ne faudra pas semer dans l'esprit des jeunes "les graines d'une idéologie de la médiocrité, en versant dans leur esprit le poison du fatalisme, du défaitisme et de la résignation", Carlos les invite à rejeter l'idéologie dangereuse du minimum social commun.

Ces réserves et rejets sont toutefois loin de décourager le gouvernement béninois. Bien au contraire, il se flatte du soutien dont bénéficie sa nouvelle trouvaille auprès de ses principaux partenaires au développement. En effet, pour le représentant résident au Bénin de la Banque mondiale, Michel Azefor, le colloque de Cotonou sur le MSC "est très utile parce qu'il rejoint les préoccupations des bailleurs de fonds".

La directrice exécutive du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), Mme Nafis Sadik, ira plus loin: "Le Bénin, par ce colloque, a franchi un pas très important dans le processus de rendre opérationnel le concept de services sociaux de base pour tous, dans un pays où près de vingt mille enfants meurent chaque année avant leur premier anniversaire et où 1500 mères meurent chaque année des suites d'une grossesse". Cette triste réalité, conclura-t-elle, "doit interpeller tout le monde, notamment les pouvoir publics".

Laissons plutôt la conclusion à M. Albert-Alain Peters, directeur des opérations pour l'Afrique occidentale, orientale et centrale du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés: "Je pense que le gouvernement béninois a parfaitement raison de vouloir assurer le minimum à l'ensemble de la population, mais cela ne veut pas dire qu'on se limite au minimum. Ceux qui peuvent avoir le maximum peuvent aller de l'avant... Il s'agit de faire en sorte que tout le monde ait quelque chose pour qu'il n'y ait pas d'îlots de misère totale".

END

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