ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 330 - 15/09/1997

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ISSUE/EDITION Nr 330 - 15/09/1997

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Congo (RDC)

Bastonnade et dignité humaine

by M. Kya Musoke, Congo (RDC), septembre 1997

THEME = DROITS DE L'HOMME

INTRODUCTION

La fin d'une dictature ne signifie pas forcément la fin des violations systématiques des droits de l'homme...

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Un regard sur le premier trimestre du président Kabila au pouvoir montre que cette période avec l'AFDL aux affaires n'est pas complètement négative. Ainsi, par exemple, la dévaluation de la monnaie est contenue dans des limites acceptables; les prix sur le marché se comportent bien, même si la monnaie ne circule pas assez; les barrières de militaires sur les routes d'intérêt national sont enlevées, permettant ainsi aux camionneurs et aux commerçants d'amener à Kinshasa les produits de base. Dans les aéroports et les autres postes d'entrée et de sortie du pays, une bonne organisation commence a s'installer.

Mais, à côté de tout cela, il y a les dérapages que subit "la libération" par l'AFDL. Parmi ceux-ci, figurent en bonne place les traitements inhumains et dégradants infligés aux Congolais par les soldats de l'AFDL: ils choquent l'opinion publique nationale et scandalisent celle internationale.

Fouet et bastonnade

Il ne se passe pas un jour sans que des hommes et des femmes soient arbitrairement arrêtés et, pire encore, fouettés en public. Les coups de fouet sont donnés sur les parties sensibles du corps humain, notamment sur le ventre; le nombre de coups de fouet infligés correspondant à l'âge de la victime, ce sont en général les personnes âgées qui sont le plus férocement assommées par le fouet.

Ces séances de tortures se déroulent haituellement au grand jour, dans des endroits publics (marchés, au long des grandes artères, etc) et il arrive que les enfants assistent à la bastonnade de leur père, mère ou grand frère. Tout au long de la bastonnade, la volonté manifeste d'humilier les victimes est cyniquement affichée. Après cette humiliation, si la victime ne succombe pas sur place, elle souffre de maux de ventre atroces. Ce traitement barbare, alliant les humiliations aux sévices corporels, porte atteinte à la dignité de la personne.

A Kinshasa, la plupart de gens comparent l'usage du fouet par l'AFDL aux pratiques coloniales et esclavagistes, et considèrent que le nouveau pouvoir congolais ne diffère guère du pouvoir colonial. C'est pourquoi, tout le monde se demande si Mr.Kabila peut encore se proclamer "Fils spirituel" de Lumumba Patrice-Emery, qui a combattu la colonisation surtout à cause de ces humiliations. En fait, c'est bien une nouvelle colonisation qui s'installe au Congo, réduisant les Congolais à la dimension de bêtes fouettables à merci.

Les violations des droits de l'homme que l'opinion internationale impute à l'AFDL ne devraient pas concerner seulement les massacres des réfugiés hutu, vrais ou supposés, mais aussi les exactions physiques dont sont victimes, au jour le jour, de nombreux Congolais.

La torture des prisonniers

La torture des détenus, et surtout des prisonniers politiques, est pratique courante. Tout dernièrement, les jeunes de l'UDPS, arrêtés après la marche de protestation organisée par le parti d'Etienne Tshisekedi, ont été soumis à la matraque électrique.

Certes, la torture des prisonniers au Congo ne date pas d'aujourd'hui. Durant la dictature de Mobutu, elle était même dramatique; nous pouvons en parler en connaissance de cause. Mais, actuellement, quand les soldats "libérateurs" de l'AFDL se mettent à torturer, ils le font avec une férocité sans pareille. Une image provenant de la base de Kitona, dans la province du Bas-Congo, circule à Kinshasa et montre un ancien colonel de l'ex-FAZ (Forces armées zaïroises), les mains et les pieds ligotés, dont la tête couchée dans la poussière est piétinée par un soldat tutsi. C'était après la mutinerie de plusieurs militaires de l'ex-FAZ, qui protestaient contre la sauvagerie des soldats tutsi qui gardent le camp.

Le cas des détenus du TGI, qui sont les anciens dignitaires du régime Mobutu, interpelle tout le monde à Kinshasa. Certes, ces dinosaures ont contribué à la ruine du pays par leur pillage et leur mauvaise gestion de la chose publique. Mais la majorité de la population supporte mal leur humiliation et leur torture morale. Tout le monde souhaite que le nouveau pouvoir oblige ces riches du pays à contribuer à la reconstruction nationale, en investissant dans le pays; mais les conditions d'humiliation et de torture morale, dans lesquelles ces gens sont placés, les scandalisent.

Humilier un ancien responsable est contraire à notre culture et tradition bantoue. L'AFDL semble l'ignorer.

A quand les élections?

Le nouveau pouvoir congolais continue de violer les droits de l'homme comme sous le régime de Mobutu. L'insécurité des personnes et de leurs biens est totale. La réconciliation nationale entre l'AFDL et l'opposition interne non armée est loin d'être une réalité. Pire encore, le calendrier politique du président Kabila demeure au niveau des intentions pieuses. Dans ces conditions, les élections générales prévues pour avril 1999, risquent d'être renvoyées aux calendes grecques. Déjà Mr. Bizima Karaha, ministre des Affaires étrangères, en visite aux Etats-Unis, avait déclaré que les élections n'étaient pas une priorité pour son gouvernement.

Et pourtant, dans son discours d'investiture prononcé le 29 mai 1997, le président Kabila avait annoncé solennellement ce calendrier politique. Il est vrai que le programme de reconstruction nationale, initié par le nouveau pouvoir et dont la priorité est la réhabilitation des moyens de communication, demeure ambitieux et même démagogique. Pour son exécution, ce programme exige des sacrifices de la part de tous, et une grande mobilisation de la population. L'AFDL ne peut pas le réaliser seule, sans la participation de toutes les forces.

Pour un grand nombre des Congolais, le pays peut se redresser, se reconstruire et devenir prospère avec la participation de tous. Mais cela doit se faire dans la dignité retrouvée, dans le respect des droits de l'homme, dans la justice et la réconciliation nationale.

END

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