by Yvonne Sampoda, Kenya, juillet 1997
THEME = ELECTIONS
Pour la première fois dans l'histoire politique du Kenya, une femme se présente à la présidence.
Mme Charity Kaluki Ngilu, député au Parlement pour la circonscription de Kitui centre, dans la province orientale, appartient au Parti social-démocrate (SDP), présidé par le professeur Anyang'Njongo, député pour Kisumu Rural.
Dans un programme de huit pages, Mme Ngilu expose les changements qu'elle veut introduire pour que le Kenya puisse réaliser ses idéaux démocratiques. Elle reconnaît les valeureux combats et les interventions courageuses faites par de vaillants Kényans surtout dans les rangs des partis d'opposition. Elle note qu'en 1991 les Kényans étaient fort divisés, quand ils sont allés aux urnes. A la fin de la journée, bien que 3,4 millions de Kényans aient voté pour l'opposition, le président Moi l'a emporté avec 1,8 million de voix.
Au cours des cinq dernières années, les Kényans ont continué à être témoins de la désagrégation de l'opposition, parce que beaucoup de ses membres veulent s'installer à State-House: aucun dirigeant de l'opposition ne veut céder pour qu'un autre devienne chef. Les querelles entre partis ont marqué toutes les démarches entreprises.
C'est au coeur de ce scénario que Mme Ngilu se présente comme le meilleur candidat de compromis. Elle soutient que si l'actuelle période de corruption se poursuit sans opposition aucune, les richesses nationales vont complètement disparaître. Et qui en fera les frais? Les femmes, les jeunes, les démunis, les enfants et les pauvres. Mme Ngilu souligne que beaucoup d'enfants de familles pauvres ne profitent pas de l'enseignement, parce que leurs parents ne peuvent payer les frais d'école - une conséquence des réformes d'ajustement structurel imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
Pour Mme Ngilu, la première des priorités sera une réforme de la Constitution et des lois, selon la voie déjà tracée par l'Assemblée de la Convention nationale réunie à Limuru, du 3 au 6 avril 1997. Le Parlement votera les réformes, après la mise sur pied d'une Commission pour la réforme de la Constitution, dans les 30 jours de la première session du Parlement. La Commission obtiendra un mandat de 3 ans pour rassembler, classifier et soumettre ses conclusions en vue de leur adoption par le Parlement.
D'autres amendements à la Constitution doivent être inclus d'urgence:
- un article prévoyant un gouvernement de coalition et un gouvernement d'unité nationale que l'actuelle Constitution permet à l'article 16 (2), après suppression de l'art. 7, pour éviter toute ambiguïté;
- un article prévoyant l'approbation par le Parlement de toute nomination à des postes importants dans l'administration;
- un article prévoyant la suppression de toute discrimination sur base du sexe, dans un délai de 100 jours après l'ouverture du Parlement;
- l'annulation de lois répressives, là où c'est nécessaire, parmi les lois suivantes: sur l'ordre public; sur la sécurité publique; sur l'autorité du chef; sur les sociétés; sur la diffamation; sur l'administration de la police; sur les finances; sur l'administration des secteurs spéciaux; sur la perception des fonds publics; sur la cinéma et le théâtre; et celle sur le vagabondage.
Les autres points du programme viseront surtout des questions de justice sociale et la croissance économique. Ceci se fera en encourageant l'épargne, en augmentant les possibilités d'investissement pour les investisseurs tant locaux qu'étrangers, en mettant un frein aux emprunts du gouvernement, en abaissant les taux d'intérêts, en améliorant la perception des taxes pour que certains "individus et compagnies politiquement corrects" - qui éludaient le paiement de leurs contributions - payent les impôts comme tout le monde.
Le nouveau gouvernement essaiera aussi de rénover, moderniser et développer l'infrastructure matérielle du pays, sans laquelle aucune croissance économique significative ne peut se produire.
Si elle est élue, Mme Ngilu promet de présenter une politique nationale tournée vers l'avenir, pour combattre avec efficacité l'accaparement des terres et la spéculation sur les terrains. En même temps, on fera des efforts pour installer ceux qui n'ont pas de terres. Les programmes de développement seront remaniés pour y inclure des domaines tels que la sécurité des personnes, les besoins alimentaires de base, les soins de santé élémentaires, un habitat convenable, l'enseignement primaire et le chômage.
Le droit de vote et le comportement électoral ont un sérieux impact sur le gouvernement du pays. Les élections présidentielles de 1992, ont montré que les Kényans ont voté selon des lignes ethniques. Ce fut le cas de Mr Kenneth Matiba (FORDASILI), originaire du district de Mranga où il a remporté 94% des voix. Mr Mwai Kibaki du Parti démocratique (DP) a obtenu 94% des voix du district de Nyeri. Le président Moi, du KANU, a eu 95% des voix du district de Barongo. Feu Oginga Odinga, de FORDKENYA, avait remporté 95% des voix du Luoland.
Quand on voit la situation du Kenya, et que l'on considère combien elle devra se battre contre le harcèlement, les intimidations, la discrimination combinés avec le conservatisme traditionnel pour vouloir occuper une fonction politique élevée, il faut admettre que Mme Ngilu est vraiement une femme extraordinaire. Il est important de souligner que plus de 30 ONG travaillent à la formation politique des femmes, grâce à l'éducation civique; leur but est d'avoir au moins 60 femmes candidates à un des 212 sièges du Parlement.
Parmi les atouts personnels de Mme Ngilu, on peut parler de ses compétences de gestion: elle a commencé et dirigé plusieurs affaires. Parmi celles-ci, une usine fabriquant des tubes en PVC et des conduites électriques, la seule de ce genre à avoir un Kényan autochtone comme propriétaire et directeur. Mme Ngilu soutient que sa façon de gérer les affaires est destinée à fournir la meilleure alternative au vide du pouvoir. Et cela parce que les femmes, dans beaucoup de cas, ne se préoccupent pas des questions ethniques.
Elle demande aux électeurs kényans de lui donner une chance de faire "un nouveau départ".
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