by Mathieu-Célien Ramasiarisolo, Madagascar, juillet 1997
THEME = ECONOMIE
Les marins, pêcheurs industriels ou travaillant sous pavillons de commerce, sont soumis à un code maritime caduc, qui ne correspond plus aux réalités actuelles de l'environnement social, économique et politique.
Les artisans-pêcheurs vivent dans des communautés traditionnelles de populations à fort taux d'analphabétisme, ils sont liés à un environnement marin et côtier en dégradation irréversible; d'où des moyens de production fort précaires. Les conflits entre les trois filières de pêche: traditionnelle, artisanale et industrielle, accentuent cette précarité, par le non- respect des textes en vigueur et l'enjeu est tout à fait politique.
Est frappant aussi le manque de coordination entre les services de pêche et ceux de l'aquiculture. En outre, on constate un phénomène de migration: les pêcheurs se convertissent dans le secteur urbain informel, tandis que les gens de l'intérieur migrent vers les zones côtières pour y survivre, grâce à la pêche traditionnelle.
Actuellement, Madagascar compte 1.655 marins titulaires d'un livret professionnel, dont 220 officiers et 835 subalternes, dans le commerce; dans la pêche, 580 titulaires, dont 107 officiers et 473 subalternes. La seule école dans l'océan Indien, pour la formation d'officiers de pêche et de cabotage, est l'ENEM (Ecole nationale de l'enseignement maritime), située dans la ville portuaire de Mahajanga.
Selon "Info-Pêche", en 1995, 120.150 tonnes de produits halieutiques ont été pêchées dans nos eaux territoriales, 80% destinés à la consommation locale, et le reste (24.000 tonnes) pour l'exportation.
Les chercheurs du CNRO (Centre national de recherches océanographiques) estiment qu'il y une tendance à la baisse dans les captures "par tête", pour les pêcheurs artisans; même diminution dans le rendement de la pêche industrielle. Pourquoi?
D'abord, on connaît mal le stockage, et de ce fait il n'y a aucun encouragement aux efforts de pêche. Mais il y a aussi une politique malsaine d'octroi de licences de pêche. Un grand nombre de pêcheurs industriels, ne tenant aucun compte des réglementations en vigueur, s'adonnent à la surexploitation, et surtout ils ne respectent pas les zones interdites à la pêche industrielle. En plus, bon nombre de ceux qui sont chargés de les contrôler, se font grassement payer pour fermer les yeux sur les irrégularités et les illégalités. Ensemble, ce groupe de pêcheurs industriels et de contrôleurs, constitue une véritable maffia en haut lieu.
Les experts et techniciens malgaches sont au courant de cette situation, et constatent combien d'année en année, de jour en jour, on détruit nos ressources et notre écologie marine. Mais leurs rapports et leurs remarques semblent n'avoir aucun impact sur les hauts responsables, et rien ne change. Nous voilà donc en train de hâter l'épuisement de nos ressources halieutiques.
Les chercheurs constatent la destruction des habitats marins: la destruction des mangroves, lieux de reproduction des crustacés et de beaucoup d'autres espèces "commercialement nobles". La destruction des mangroves accélère aussi l'érosion marine et la dévastation des récifs coralliens par des engins de pêche non sélectifs. Ces récifs coralliens sont le gîte de plusieurs espèces à haute valeur ajoutée.
La destruction des habitats marins entraîne un déséquilibre écologique irréversible, donc un trouble imminent sur la biologie des espèces, privées de leur milieu biologiquement favorable à la reproduction et au développement.
Si on ne prend pas des mesures réalistes et efficaces, faisant respecter la légalité de façon très stricte, nos ressources halieutiques disparaîtront sous peu. Il faut une politique d'ensemble, qui préserve notre écologie marine, dans le but d'assurer l'alimentation humaine, les emplois, les revenus locaux et nationaux pour un développement humain durable.
Sinon, dans quelques décennies, et peut-être bien plus tôt, nous serons obligés de ré-empoissonner nos eaux territoriales, avec tous les dangers que ces opérations entraînent avec elles sur la qualité et l'état de santé des poissons introduits, et aussi sur la santé des consommateurs.
A Madagascar, une équipe de chercheurs de différentes spécialités veut oeuvrer pour s'intéresser à ce monde maritime. Nombre de chercheurs malgaches sont prêts à s'engager dans les travaux de recherche pour le monde maritime. Mais là se pose la question des moyens matériels et financiers à mettre en oeuvre pour cet énorme programme. Il faut dire que la politisation de la recherche à Madagascar, constitue un des obstacles majeurs au développement du pays. Il n'a été question ici que d'un partie des problèmes du monde maritime malgache, problèmes si importants pour un pays comme Madagascar qui est une île!
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