ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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Bénin

Le trafic d'enfants s'intensifie

by Marie Kangambega Quenum, Bénin, juillet 1997

THEME = ENFANTS


INTRODUCTION

Le Bénin a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant
et la Charte africaine des droits de l'enfant. Pourtant, on y assiste à un véritable trafic d'enfants
tant sur le sol béninois que vers des pays étrangers, limitrophes au non.
Un phénomène qui prend de l'ampleur...


Les faits sont effarants. Selon les statistiques de la Brigade de protection des mineurs, les représentations diplomatiques du Bénin à l'étranger ont récupéré, en 1996, 92 enfants placés en situation difficile. En 1995, ils étaient déjà 39 à être rapatriés.

En 1995, 119 enfants en partance pour l'étranger ont été refoulés par les services frontaliers de sécurité. Ce chiffre est passé à 413 en 1996 et, du 1er janvier au 30 juin 1997, 697 enfants ont été interceptés et ramenés. Le constat est clair: le nombre d'enfants victimes de ce trafic ne fait que s'accroître tous les ans.

Dans le passé, ces enfants étaient confiés par leurs familles à des tierces personnes, sans calcul d'intérêt, au nom de la parenté, ou de l'amitié même, dans le but de se rendre mutuellement service au sein de la communauté. Aujourd'hui, les enfants sont livrés à un trafic honteux dont la raison principale est, selon M. Paul Fagnon, de l'association "Terre des hommes", la pauvreté des familles. Le pire est que celles-ci, en confiant leur progéniture, ne comprennent pas très bien les conséquences d'un tel acte.

Au niveau national, le phénomène existe sous l'appellation "vidomègon", ou "enfants confiés". En effet, une enquête, menée conjointement en 1994 à Cotonou et à Porto-Novo par l'UNICEF et la direction de la Protection sociale, révèle que sur 155 ménages enquêtés, 151 abritaient au moins un "vidomègon". 85% de ces enfants sont de sexe féminin; 72% d'entre eux ont entre 10 et 14 ans, et 20% ont moins de 10 ans. 90% des enfants n'ont jamais été scolarisés.

Toujours victimes


Les enfants sont utilisés tant au plan national qu'international pour les travaux ménagers, comme vendeuses ambulantes ou, dans le pire des cas, sont intégrés dans des réseaux de proxénétisme.

Dans ce trafic, les enfants sont toujours les victimes. Les familles d'origine en retirent des sommes variant entre 20.000 et 80.000 fr cfa pour un placement-gage qui dure entre deux et trois ans. Les parents placent aussi leurs enfants pour les protéger des méfaits de la sorcellerie, communément appelée phénomène des "mangeurs d'âme". Pour ce motif, les enfants sont donc éloignés de leur village.

Les conséquences pour l'enfant sont nombreuses. Elles vont des services physiques, des mauvais traitements, à des atteintes psychologiques qui peuvent être graves. Le Dr Emilienne Kpadonou, de l'ONG "Terre des hommes" qui s'occupe de l'enfance en difficulté, a parlé de "comportements sadomasochistes" qui pourraient être transgénérationnels. Certains vont même jusqu'à changer le nom de l'enfant ainsi que sa religion. Ce qui pose un problème d'identité.

La Convention relative aux droits de l'enfant, signée par le Bénin, définit l'enfant comme étant tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est appliquée. L'article 321 de ce même document stipule que "les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptibles de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social".

Des mesures


Le phénomène est apparu au Bénin en 1987, et c'est en 1990 que les autorités ont réellement pris conscience de son ampleur. Mais, déjà en 1961, une loi réglementait le placement des mineurs, en dessous de 18 ans, hors du territoire national. Un décret fixait les modalités de délivrance des autorisations de sortie de ces mineurs. Devant la recrudescence du phénomène, d'autres textes ont été élaborés en 1995 pour renforcer l'effet de ceux déjà existants.

Les autorités ont à coeur de mettre un frein au phénomène. La même préoccupation anime certaines ONG et associations de défense des droits de l'enfant, ainsi que des organismes internationaux. A l'occasion d'une rencontre qui a regroupé en fin juillet ces principaux protagonistes autour de la question du trafic des enfants, des solutions ont été préconisées. Il s'agit notamment de l'élaboration d'un plan d'action qui prévoit plusieurs étapes dans la lutte.

A court terme, il s'agira de recourir au battage médiatique, à l'installation de comités de suivi à tous les niveaux, de créer ou de rendre fonctionnels les Centres de protection sociale (CPS) dans toutes les sous-préfectures, de renforcer la collaboration de la Brigade de protection des mineurs (BPM) avec les brigades territoriales et les CPS. La dotation de la BPM de moyens appropriés d'action, ainsi que l'élaboration et la promulgation d'une loi réprimant le trafic des enfants ont été vivement souhaitées.

Le problème des passeurs et intermédiaires a été également posé. Ceux-ci devraient, de l'avis des participants à la rencontre, être dénoncés et sanctionnés. Les représentations diplomatiques du Bénin sont également appelées à s'impliquer dans la lutte.

A moyen terme, une solution doit être trouvée au phénomène qui ne fait que s'amplifier. La traduction et la vulgarisation des textes en langues nationales, la création de centres d'apprentissage, et l'amélioration des techniques culturales pourraient contribuer à enrayer le phénomène. La gratuité de l'enseignement primaire, conformément à l'article 13 de la Constitution, peut maintenir les enfants en âge d'être scolarisés sur les bancs, les frais d'écolage n'étant pas actuellement à la portée de tous.

A long terme, la création d'un centre professionnel est envisagée. Mais déjà au niveau national des actions sont engagées. "Terre des hommes" prévoit par exemple la création d'une halte au grand marché international Dantokpa à Cotonou, où les "vidomègon" travaillent surtout auprès des vendeuses et commerçantes. Des cours tels que l'enseignement ménager pourraient leurs être dispensés.

Une Charte


Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant, une Charte du mouvement "vidomègon" a été élaborée en novembre 1996, et lancée officiellement en mars 1997.

Les signataires de cette charte s'engagent entre autres à "ne placer aucun de leurs enfants auprès d'une tierce personne avant l'âge de 14 ans, et à ne mettre en gage ou céder contre une quelconque contrepartie aucun enfant de la famille; à ne pas accepter ou à chercher à prendre sous leur toit un enfant de moins de 14 ans pour des tâches domestiques et/ou commerciales..."

Cette charte définit aussi des dispositions transitoires au cas où une personne aurait déjà un enfant sous son toit. Dans cette situation de fait accompli, cet enfant devrait "bénéficier des mêmes droits que les enfants de la famille, en particulier le droit de conserver son nom, le droit à une alimentation suffisante, à un logement sain et aux soins médicaux adéquats..."

La Charte est jugée comme étant difficilement applicable dans le contexte du Bénin, où des parents pauvres, en quête perpétuelle de solutions pour résoudre l'équation ressources disponibles/besoins, côtoient des populations des villes, qui cherchent une main- d'oeuvre à moindre coût et corvéable.


END

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