ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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Cameroun

Une élection contestée

by Valentin Zinga, Cameroun, 19 septembre 1997

THEME = ELECTIONS

INTRODUCTION

Les principaux partis boycottent l'élection présidentielle du 12 octobre prochain

Après l'élection présidentielle de1992 portant Paul Biya au pouvoir, de nombreux partis d'opposition avaient parié sur un scrutin du même type pour celui qui aura lieu le 12 octobre prochain. Ils ont fait un mauvais calcul, car les principales formations politiques de l'opposition: le Front démocratique national (SDF) de John Fru Ndi, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Bello Bouba Maigari, l'Union démocratique du Cameroun (UDC) d'Amadou Ndam Njoya, et le Mouvement pour la libération de la jeunesse camerounaise (MLJC) de Marcel Yondo, ont décidé de ne pas y participer.

Ils ont expliqué leur option disant que l'analyse des élections organisées depuis la restauration forcée et douloureuse du multipartisme au Cameroun montre que ces élections successives ont été caractérisées par des fraudes toujours plus massives et un gangstérisme électoral insolent, le pouvoir utilisant la machine administrative à tous les niveaux, l'armée et les milices privées, et puisant les moyens financiers dans les caisses des sociétés d'Etat et celles du Trésor public. Les chefs des partis d'opposition ont opté pour la non-participation parce qu'ils estiment qu'aucune élection libre, juste et transparente ne peut se tenir au Cameroun dans les conditions actuelles.

En fait, avant la clôture de la session ordinaire de l'Assemblée nationale, ces partis avaient remis au président de la Chambre une demande de mise sur pied d'une commission électorale nationale autonome, chargée d'organiser les élections à tous les niveaux, de les surveiller et d'en proclamer les résultats. La création de cette commission avait été suggérée par les observateurs internationaux. La proposition de loi ne fut pas inscrite à l'ordre du jour, pas plus d'ailleurs que la demande au mois d'août, conformément à la Constitution, de la tenue d'une session extraordinaire du Parlement.

Opposition sabotée


Au contraire, au cours des travaux parlementaires, les députés avaient adopté une loi électorale selon un projet de l'exécutif. Il n'y avait eu aucune difficulté à ce vote, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC ) au pouvoir occupant 116 des 180 sièges de l'Assemblée nationale... Cette loi, qui régira l'élection présidentielle, consacre le Conseil constitutionnel comme seule instance habilitée à se prononcer sur la régularité du scrutin, à en proclamer les résultats, et à en connaître le contentieux. Non encore mises sur pied, ses prérogatives pourraient être remplies par l'actuelle Cour suprême, la plus haute instance juridictionnelle, comme ce fut le cas lors des dernières consultations pour les élections des députés.

Le rôle de l'administration est aussi resté prééminent, depuis les inscriptions sur les listes électorales jusqu'à la publication des listes d'électeurs et des bureaux de vote, en passant par la distribution des cartes d'électeurs. En outre, pour l'élection présidentielle, c'est le ministre de l'Administration territoriale qui juge de la recevabilité des candidatures. Or, l'administration et la justice n'ont jamais fait preuve de neutralité dans le jeu politique; elles laissent l'image d'être à la solde du RDPC. On peut donc comprendre que le SDF, l'UNDP, l'UDC et le MLJC aient déclaré: "pas d'élections sans bonnes lois".

Le vote du MDP


D'autres leaders politiques, de l'opposition extraparlementaire, ont porté un jugement similaire sur la loi électorale. Ils iront pourtant aux élections. Ainsi Samuel Eboua, ancien secrétaire général de la présidence de la République, président du Mouvement pour la démocratie et le progrès (MDP), qui bénéficiera du soutien annoncé d'une dizaine d'autres partis de relative importance. Ce choix cristallise nombre de critiques, comme le risque de servir de faire-valoir à une élection dont les règles du jeu sont pipées.

Le candidat déclaré ne s'est pas découragé pour autant. "Le boycott est certes l'une des armes dont l'opposition peut se servir pour exercer des pressions sur le régime, a affirmé Samuel Eboua, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure ou la plus efficace pour résoudre le problème politique camerounais. Le régime du président Biya prive un grand nombre de Camerounais de leur droit de citoyen, en refusant de les inscrire sur les listes électorales, en ne leur remettant pas les cartes d'électeurs. Faut-il que, de son côté, l'opposition prive ces mêmes Camerounais de leur droit et devoir de vote lors d'une élection capitale comme celle qui aura lieu le 12 octobre prochain, quand bien même nous connaissons les conditions dans lesquelles ces élections se dérouleront?" Et de conclure: "Laissons le peuple sanctionner, dans un sens ou dans l'autre, la gestion du pays par ceux qui nous gouvernent, pour mettre une fois de plus en évidence la mauvaise foi du régime. Cela fait aussi partie de l'apprentissage de la démocratie".

Craintes


Parmi ceux qui trouvent quelque justification au scrutin, il y a Paul Biya, candidat sortant, investi par le RDPC. Sur le papier, sa réélection ne fait pas l'ombre d'un doute. Il dispose de grands moyens financiers, utilisera à sa guise l'administration, la justice et les médias d'Etat où se trouvent des fonctionnaires, carriéristes avant tout. On assistera, en l'absence des principaux leaders de l'opposition, à une élection sans grand intérêt. Et si, en plus, le taux d'abstention venait à être important, il y a fort à parier que sa réélection souffrirait d'un déficit de légitimité, dont on ne peut prédire les conséquences sur le pays.

Ici et là, déjà, les craintes s'expriment sur l'après-élection avec les risques de violence, d'accroissement de l'insubordination des citoyens à l'égard de l'Etat et de désobéissance civile, comme on en a connus dans le passé. Le cardinal Christian Tumi, archevêque de Douala, a fait connaître ses inquiétudes à l'approche de cette échéance importante: "En 1992, j'étais parmi ceux qui n'étaient pas d'accord avec les partis d'opposition refusant de participer aux élections législatives de cette année-là. Peut- être avaient-ils raison après tout. Aujourd'hui, je ne suis pas sûr de les encourager à participer àl'élection présidentielle du 12 octobre 1997. On a l'impression que l'élection du prochain chef de l'Etat risque de se faire par acclamation! J'ai peur. Mais je ne suis pas pessimiste. Faisons tout pour éviter ce qui se passe ailleurs. Toutes les conditions sont plus ou moins remplies pour que le désordre civil qui règne dans la sous- région se propage chez nous".


END

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