ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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ISSUE/EDITION Nr 331 - 01/10/1997

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Nigeria

Mort d'un musicien, un génie et une légende

by Taye Babaleye, Nigeria, août 1997

THEME = PERSONNALITES


INTRODUCTION

Les amateurs de musique de toutes tendances s'étaient rassemblés par milliers le 12 août 1997
pour rendre un dernier hommage au plus grand et plus talentueux musicien du Nigeria,
feu le roi de l'Afrobeat, Fela Anikulapo-Kuti, dont les restes reposent
dans sa résidence de Gbemisola, à Ikeja, Lagos


On se souviendra de Fela Anikulapo-Kuti pour de multiples raisons. Durant sa vie, il fut militant, compositeur, philosophe, non- conformiste, champion, panafricain, réformateur social, philanthrope, dirigeant d'orchestre et traditionaliste.

Fela, décédé d'une attaque cardiaque le 2 août 1997, souffrait du SIDA. Il était né dans une famille chrétienne le 15 octobre 1936. Son père, Israël Ransome-Kuti, était pasteur et sa mère, Olufunmilayo Ransome, était militante politique.

Jeunesse


Depuis son enfance, Fela a fait preuve de la tendance à l'indépendance qui a caractérisé toute sa vie. A l'école, il avait fondé une association qui souvent se liguait contre les autorités scolaires pour transgresser les lois et règlements de l'école. Des compagnons très proches disent que Fela faisait cela pour dénoncer le comportement hypocrite de certains enseignants qui arrivaient trop tard à l'école et pourtant punissaient les élèves en retard.

Finalement, Fela fut envoyé en Angleterre pour y étudier la médecine; mais, en désobéissance totale à son père, il changea de discipline et se mit à étudier la musique classique.

La carrière de Fela


Bien que dans les années suivantes Fela se fit détester par un grand nombre d'autorités nigérianes, on ne pouvait nier une chose: c'était un artiste plein de talent et un grand musicologue. Il écrivait sa propre musique, un mélange de jazz et de highlife, et la baptisa "Afrobeat". En tant qu'exécutant, Fela s'était spécialisé dans le saxophone et le piano, mais il y avait peu d'instruments dont il ne pouvait jouer avec une maîtrise stupéfiante.

Fela revint d'Europe au début des années 1960 et emporta d'assaut tout le monde musical du Nigeria. Avant sa mort, il avait plus de 100 disques long-playing à son actif.

Un message en musique


A son arrivée au Nigeria, Fela travailla près d'un an pour la Radio nigériane. Quand il démissionna, il fonda son orchestre: la Fela Ransome-Kuti and his Kola Lobitos. A l'époque, Fela chantait surtout la nature.

Au début des années '70, après sa tournée aux Etats-Unis, où il avait rencontré des compagnons musiciens et des dirigeants noirs, Fela embrassa l'idée du panafricanisme. Il rebaptisa son orchestre "Africa 70". Après un voyage en Egypte, au début des années '80, il renomma encore une fois son orchestre þ Egypte 80 þ pour mettre encore plus l'accent sur la civilisation d'Afrique noire qui a commencé dans l'Egypte ancienne.

Au cours des années '70, les succès les plus populaires de Fela parlaient des violations des droits de l'homme, particulièrement par les autorités policières du Nigeria. La critique de ces autorités était si forte qu'il renomma sa résidence personnelle "Kalakuta Republic". Il fit élever un mur autour de sa propriété, garnit le haut des murs de fil de fer barbelé, et fit garder sa "république" par un service de sécurité. Il menait une vie complètement non conformiste, se promenant en shorts ultracourts et fumant du chanvre indien en public.

Les critiques de Fela s'orientaient de plus en plus vers des sujets spécifiques : l'hypocrisie officielle et la trahison du potentiel nigérian.

Le philanthrope


Fela est devenu une légende pendant sa vie. Il était riche, ayant acquis une fortune par la musique, mais il dépensait sa fortune pour les moins favorisés de la société. Sa résidence "Kalakuta Republic" était une ruche pleine d'activités. Il hébergeait des centaines de garçons et de filles que les parents et la société en général avaient rejetés. Il les formait à l'art musical et finalement ils rejoignaient son orchestre.

Fela et les autorités


Le 18 janvier 1977, sa première Kalakuta Republic fut incendiée par la police. La mère de Fela, Mme Olufunmilayo Ransome-Kuti fut tellement brutalisée qu'elle mourut des blessures encourues pendant l'attaque. Son plus jeune frère, le Dr Beko Ransome-Kuti, médecin et militant des droits de l'homme, fut battu sans pitié (il purge actuellement une peine de prison de 15 ans, accusé d'avoir comploté contre l'actuel gouvernement militaire du Nigeria).

Fela a été arrêté en diverses occasions parce qu'il était en possession de chanvre indien (marijuana). A son retour d'une tournée en Europe, il fut encore arrêté et mis en prison pour 15 ans parce qu'il était en possession de devises étrangères. C'était en 1987. Il passa 17 mois en prison avant d'être gracié.

Fela était un vrai panafricain qui croyait fermement à la culture et à l'héritage des Noirs et qui mettait constamment en cause la perfidie des impérialistes blancs. Le dernier héritage de Fela c'est la trace durable qu'il laissera dans l'histoire socio-politique du Nigeria. Son décès crée un vide difficile à combler. Le monde a perdu un de ses plus grands artistes et le Nigeria, un de ses plus grands prophètes.


END

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