by Tendai Madinah, Zimbabwe, juillet 1997
THEME = RELIGION
Mr Tobaiwa Mudede, qui a le don de mettre les pieds dans le plat, a annoncé que le gouvernement est en train de préparer une législation en vue de réduire le nombre d'Eglises au Zimbabwe. Le gouvernement voudrait restreindre les activités de divers "prophètes" qui créent des Eglises pour leur propre bénéfice. Mudede ajoute que le département des Enregistrements, dont il est le responsable, a établi un code très strict pour enregistrer de nouvelles Eglises. En même temps, justement, on s'inquiète du fait que certaines sectes exigent jusqu'au 10% de ce que gagnent leurs membres.
Certaines composantes de la communauté chrétienne ont bien accueilli la déclaration de Mudede, tout en estimant, cependant, qu'elles devraient être invitées à l'élaboration de cette législation. D'autres, par contre, ne l'ont pas appréciée, estimant qu'il s'agit là d'une restriction à la liberté d'association et de culte.
Le P. Oscar Wermter, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques, souligne que les évêques s'inquiètent de la prolifération de mouvements religieux avec des références suspectes et discutables. "L'Eglise catholique représente l'unité. Les Eglises de la ligne historique principale, anglicane et méthodiste, sont aussi d'accord sur le fait qu'il faudrait une certaine unité des Eglises. Nous travaillons ensemble dans divers domaines tels que le développement, les secours d'urgence (Christian Care), les soins de santé (Association des hôpitaux du Zimbabwe liés à l'Eglise), l'enseignement et les émissions religieuses. Normalement, tout en reconnaissant qu'il y a des différences entre nous, nous nous respectons les uns les autres. Mais les nouvelles religions qui prolifèrent n'ont aucun respect pour les autres Eglises. Elles disent que le pape est l'antéchrist et accusent les chrétiens de prier la Vierge Marie".
D'après le P. Wermter, il y a très souvent des disputes à la tête de certaines Eglises; alors on se sépare et on en crée de nouvelles. C'est ainsi que certaines Eglises dissidentes se proclament toutes nouvelles, sans rien à voir avec les Eglises déjà établies. Tout cela n'est pas chrétien et favorise la désunion.
Il poursuit: "Le pays jouit de la liberté religieuse. C'est un droit fondamental de l'homme, et le gouvernement ne devrait pas intervenir dans le domaine religieux, sauf s'il y a de sérieuses raisons, comme lorsqu'on peut prouver que certains mouvements sont socialement nuisibles et criminels. Un exemple en est l'Eglise de la scientologie, qui n'a rien de commun avec le christianisme. Dans beaucoup de pays, elle a été interdite parce que reconnue organisation criminelle".
"Il y a aussi l'Eglise de l'unification qui semble s'être établie au Zimbabwe. On sait très bien qu'il s'agit d'une secte qui pratique le lavage des cerveaux et exploite financièrement ses membres".
"Nous avons cependant des problèmes avec le gouvernement", dit le P. Wermter. "Le gouvernement veut que nous fassions enregistrer l'Organisation de développement catholique comme un organisme d'assistance sociale. Mais nous avons refusé en précisant que l'Organisation de développement catholique est une organisation d'Eglise et ne peut être mise sous l'autorité d'un ministère, car ce n'est pas l'affaire du gouvernement de contrôler les activités de l'Eglise. Par ailleurs, l'Eglise doit travailler en partenariat avec le gouvernement".
Le P. Berridge, secrétaire général des dirigeants des religions chrétiennes, est d'accord avec le point de vue du P. Wermter. Pour lui, les Eglises travaillant au Zimbabwe doivent remplir certaines obligations légales. "Mais en retour, nous attendons du gouvernement qu'il respecte la liberté de culte. Il doit y avoir un respect et une entente mutuels entre l'Eglise et l'Etat. Le gouvernement est en droit d'exclure les Eglises qui se livrent à des activités criminelles; mais il faut faire attention. Le gouvernement n'est pas nécessairement expert en matière de définition de ce qu'est une Eglise".
Raymond Choto, ancien journaliste et militant pour les droits des écrivains, affirme que la déclaration de Mudede n'a rien de curieux. Plus que la question de la multiplication des Eglises, c'est un simple appel à plus d'ouverture et de responsabilité de leur part. En fait, il pense qu'il devrait y avoir une loi votée par le Parlement pour protéger des organisations comme les Eglises.
Pour Ensen Mafinyane, secrétaire général du Conseil des Eglises du Zimbabwe (ZCC), tout ce problème est très délicat: "On ne peut établir une loi pour contrôler la religion, car cela va à l'encontre de la liberté de culte. Par ailleurs, le gouvernement a le droit de savoir ce qui se passe dans le pays".
Cependant, le puissant EFZ (Evangelical Fellowship of Zimbabwe, un organisme regroupant 130 Eglises pentecôtistes et charismatiques) n'est pas content de cette nouvelle législation sur les Eglises. Son secrétaire général, Patson Neta, affirme qu'une telle politique est en contradiction avec la Constitution du pays et avec la Charte des Nations unies sur les droits de l'homme, qui autorise la liberté de culte et d'association. Cette liberté ne serait pas reconnue par la nouvelle réglementation.
Les Eglises pentecôtistes se demandent quels critères utiliserait le gouvernement pour déterminer les vraies et les fausses Eglises. En plus, elles refusent les critiques émises contre les pentecôtistes: ils trompent les communautés en leur faisant croire qu'elles peuvent parler en langues, en communication directe avec Dieu; ils peuvent guérir les aveugles et prophétiser; ils installent leurs services en pleine ville, dans des hôtels et des salles de première catégorie, aux frais des membres (les pauvres ne peuvent évidemment pas payer, ce qui introduit tout le problème des "classes" dans la vie des communautés); ils trompent les gens avec des propositions d'abonnement à des magazines et toutes sortes d'articles ayant une certaine coloration religieuse. Un dirigeant pentecôtiste est même accusé de circuler dans un véhicule blindé importé des USA!
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