ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 332 - 15/10/1997

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MOZAMBIQUE

UN MOT D'HISTOIRE - VERS LES ELECTIONS

Un Dossier ANB-BIA, Belgique, septembre 1997

THEME = NUL

INTRODUCTION

Les élections locales au Mozambique, prévues en novembre, viennent d'être reportées
à l'année prochaine, probablement au mois de mai. Une esquisse de la situation.

I - UN MOT D'HISTOIRE

I.1 - La période coloniale

Les Portugais prirent pied sur la côte africaine de l'actuel Mozambique déjà à la fin du XVe siècle et y établirent quelques comptoirs sur leur route maritime vers les Indes. Durant trois siècles ils administreront cette région comme une dépendance de l'Inde portugaise (Goa). Ils pénètrent quelque peu dans l'intérieur, surtout le long du fleuve Zambèze, mais leur empreinte sur le pays reste fort vague. Ce n'est qu'après la Conférence de Berlin en 1885 qu'ils se voient obligés d'occuper effectivement les territoires qu'ils revendiquent. Cette conquête prendra 35 ans.

Sous Salazar, à partir de 1942, le Mozambique devient un "Portugal d'outre-mer". Le travail forcé, les impôts arbitraires, l'obligation des cultures de rapport, la quasi impossibilité d'ascension sociale, finissent par développer un vif mécontentement au sein de la population africaine et renforce peu à peu le sentiment nationaliste.

La plupart des pays africains ayant conquis leur indépendance au début des années 60, les premières formations politiques voient le jour, mais, vu l'absence totale de liberté, elles naissent à l'étranger: en Tanzanie, au Zimbabwe et au Malawi. Sous l'impulsion de Julius Nyerere, président de la Tanzanie, ils se réunissent en un front commun: le 25 juin 1962 naît le Frente de Libertaçao de Moçambique, le FRELIMO, sous la présidence d'Eduardo Mondlane. Ils passent à la lutte armée en 1964, mais il faudra attendre 1974 et le coup d'Etat dans la métropole pour que le Mozambique obtienne son indépendance et que les pouvoirs soient transférés au Frelimo. Samora Machel devient le premier président de l'Etat du Mozambique libre, après une colonisation de 500 ans.

I.2 - Indépendance et guerre civile (1975-1992)

D'un mouvement de libération nationale, le Frelimo se transforme d'abord en un parti marxiste pour construire un socialisme mozambicain. La terre devient propriété du peuple, contrôlée par l'Etat. L'enseignement et les soins de santé sont nationalisés. Des camps de "rééducation" sont organisés pour les anciens collaborateurs avec le régime portugais. L'Etat reprend la plupart des industries. Mais comme les anciens colons quittent en masse (700.000) le pays et que le système économique n'est pas préparé à fonctionner sans eux, la production s'effondre.

D'autre part, des dissidents du Frelimo, mécontents de l'orientation marxiste-léniniste suivie par Maputo, gagnent l'Afrique du Sud, où ils créent la RENAMO (Resistençia Nacional Moçambicana). Ce mouvement prend les armes pour "instaurer la démocratie" au Mozambique et se constitue en mouvement de guérilla, soutenu par la Rhodésie et surtout par l'Afrique du Sud. Cette guerre civile entre le gouvernement et ses opposants, manipulés de l'extérieur, durera seize ans et mènera à la déstabilisation complète du pays.

Mais lentement la situation en Afrique australe change: fin de la guerre froide, indépendance du Zimbabwe et fin de l'apartheid en Afrique du Sud, où la Renamo avait ses bases. De plus, une nouvelle Constitution mozambicaine entre en vigueur en novembre 1990. Elle autorise notamment l'existence de partis politiques, prône la libre concurrence, réaffirme les droits et libertés fondamentales des citoyens et introduit une séparation claire entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Plusieurs tentatives de pourparlers de paix avaient vu le jour au cours des années, mais elles se concrétisent finalement avec l'aide de l'Eglise catholique. Les conversations se déroulent à Rome, sous l'égide de la communauté San Egidio. Elles durent deux ans et aboutissent à un accord signé le 4 octobre 1992 par le président Joaquim Chissano et le leader de la Renamo, Alfonso Dlakhama. Dans ses grandes lignes, l'accord prévoit une cessation immédiate des hostilités, suivie du regroupement des troupes, de la démilitarisation des zones de guerre, de la libération des prisonniers et la formation d'une nouvelle armée composée de trente mille hommes venant des deux camps. Des élections générales (Assemblée et présidence) se tiendront dans les douze mois, sous contrôle international.

I.3 - Préparation des élections (1992-94)

Très vite il s'avère que la période de transition prévue est bien trop courte et les élections sont retardées d'un an.

Les Nations unies envoient une force de 8.000 hommes, l'ONUMOZ, chargée du maintien de la paix pour une période de deux ans, jusqu'à l'installation du nouveau gouvernement. Sa principale mission est de démobiliser un total de 100.000 soldats des deux camps et de rassembler leurs armes. Le processus de démocratisation est payé aussi largement par les N.U.. La Renamo reçoit ainsi 20 millions de $ pour s'organiser en parti politique. D'autres partis qui se forment reçoivent également une petite allocation (20.000 $).

Pour garantir le succès de l'accord de paix, il faut en plus assurer le retour de 1,5 million de réfugiés se trouvant dans les pays environnants, surtout au Malawi. Ces derniers rentrent par leurs propres moyens. Les autres sont pris en charge par le HCR, aidé par d'autres organismes. Un programme de déminage est aussi mis sur pied. (Les estimations du nombre de mines terrestres disséminées à travers le pays varient de 0,5 à 1,5 million. On continue aujourd'hui à en enlever environ 11.000 par an...)

Les élections ont finalement lieu du 27 au 29 octobre 1994, avec un taux massif de participation de plus de 80% des électeurs. Aux législatives, le Frelimo l'emporte avec 44,33% des voix et 129 sièges au parlement (sur 250). La Renamo obtient 37,78% et 112 sièges. Des petits partis, seule l'Uniao Democratica passe la barre des 5% et obtient 9 sièges. Aux présidentielles, Chissano l'emporte avec 53,33% des voix au premier tour, contre 37,73% pour Dlakhama.

Le président Chissano forme un gouvernement composé uniquement de membres du Frelimo, malgré l'insistance des pays donateurs pour former un gouvernement d'union nationale. Quand le personnel de l'ONUMOZ quitte le Mozambique en février 1995, la paix tient toujours, bien que dans une atmosphère tendue.

II - Vers les élections locales et régionales

Que cette paix ait tenu est peut-être le plus grand "miracle", dû d'abord aux leaders des deux grands partis, qui ont décidé de tabler sur la démocratie.

Au lendemain de l'accord de paix, le Mozambique se trouvait dans une situation désastreuse, la guerre ayant littéralement dévasté l'infrastructure du pays. Le Frelimo, qui avait déjà renié ses anciens dogmes socialistes, opta à fond pour la voie du marché libre. Le président Chissano n'avait pas le choix: il se tourna vers la Banque mondiale, le FMI et les donateurs internationaux. Aujourd'hui, la dette extérieure accumulée du pays équivaut à presque quatre fois son PIB et à treize fois le montant de ses exportations. Malgré cela, la Banque mondiale et le FMI considèrent déjà le Mozambique comme un modèle d'ajustement économique structurel.

La stabilité politique a également atteint un degré que personne n'avait osé espérer. Le Parlement fonctionne mieux qu'on ne s'y attendait. Le Frelimo a graduellement promu des membres plus jeunes et techniquement plus capables. La Renamo s'est abstenue de recourir à des menaces de reprise du conflit.

II.1 - Economie

La paix et la nouvelle politique ont fait redémarrer l'économie mozambicaine, qui connaît depuis 1990 une croissance de 6% par an. Mais le pays manque dramatiquement d'épargne et de compétences techniques, de sorte qu'il faut des investissements massifs pour reconstruire l'infrastructure économique et sociale. Le pays est donc excessivement dépendant de l'aide et d'investissements étrangers. Depuis 1990, il reçoit environ 1 milliard $ d'aide par an, mais combien de temps cela pourra-t-il continuer?

Au plan des finances, le Mozambique est bien placé pour devenir un des premiers bénéficiaires d'une initiative de la Banque mondiale et du FMI destinée à diminuer la dette des pays les plus pauvres ("Highly Indebted Poor Countries"). Déjà, les Etats-Unis et le Mozambique ont signé, le 13 août dernier, un accord portant sur l'annulation de 8 millions de dollars de la dette mozambicaine envers les Etats-Unis.

La Banque mondiale et le FMI proclament que leurs réformes prennent racine. L'inflation, d'une moyenne annuelle de 47% entre 1991 et 1995, est retombée à 16,6% l'année passée et on espère qu'en 1997 elle ne dépassera pas les 10 %.

Actuellement, les exportations se réduisent encore principalement au poisson (surtout des crevettes) et aux produits agricoles (coton, noix de cajou, bois, sucre et copra). Mais de grands projets sont en cours.

Le barrage hydroélectrique de Cahora Bassa a été conçu, financé et construit par le Portugal dans les années 70, mais il n'a jamais pu fonctionner à cause de la guerre civile. Des travaux entrepris dès 1992 ont permis sa remise en fonction. La plus grande partie de sa capacité de 200 megawatt est prévu pour l'exportation vers l'Afrique du Sud et le Zimbabwe, ce qui devrait rapporter environ 100 millions $ par an à partir de 1998. La construction d'un deuxième barrage est déjà prévue.

Quant au gaz naturel de Pande, les revenus prévus s'élèveraient à 75 millions $ en l'an 2000 et à 200 millions en 2004.

Un autre grand projet est le "Corridor de Maputo", qui devrait favoriser le décollage économique du Mozambique. Il s'agit d'un couloir de transport et d'investissements qui devra relier le port de Maputo à la région de Johannesburg, le coeur économique de l'Afrique du Sud, distant seulement de 550 km. Les gouvernements mozambicain et sud-africain ont désigné, en mai 1997, le concessionnaire chargé de la construction de l'autoroute entre les deux pays. Ce corridor devrait constituer un débouché pour les exportations sud-africaines, gênées par la saturation de ses propres ports, et pourrait attirer entre 3 et 5 milliards de dollars d'investissements au Mozambique.

Malgré tout cela, la première priorité reste le développement agricole. On risque sinon de connaître des enclaves de développement (surtout autour de Maputo) au milieu d'une population rurale marginalisée. Les agriculteurs représentent 83% de la population. Les deux tiers vivent dans la pauvreté. L'analphabétisme s'élève à 67% parmi les plus de quinze ans. De plus, un décollage de l'économie rurale présuppose une bonne infrastructure de routes, de marchés et aussi de mécanismes de crédit. Cependant, le Mozambique a des possibilités. 45% du pays sont considérés comme propices à l'agriculture, alors que seulement 4% des terres sont effectivement exploités.

II.2 - Politique

Après les élections législatives et présidentielles de 1994, les élections locales seront un test pour la démocratie au Mozambique qui reste toujours fragile. La méfiance entre les deux grands partis a de profondes racines, mais tous deux semblent maintenant convaincus qu'il n'y a pas d'autre issue.

Ces élections locales, initialement prévues à la fin de 1995, avaient été remises pour des raisons techniques au mois de novembre de 1997. Elles viennent d'être reportées encore à la première moitié de 1998. Elles auront lieu dans 23 villes et 10 autres régions.

Déjà, la Renamo a accusé le gouvernement d'avoir sélectionné des régions plus favorables au Frelimo. Cependant, si la tendance de 1994 persiste, l'opposition devrait l'emporter dans des villes comme Beira, Chimolo, Dondo, Nacala et Angoche. M. Dhlakama s'est d'ailleurs dit confiant.

La Renamo se plaint aussi de ne pas disposer d'autant de moyens, financiers et autres, que le Frelimo. Mais son problème majeur est sans doute la difficulté de présenter une idéologie différente de celle du parti au pouvoir. M. Dhlakama dit que son parti a combattu 16 ans pour la démocratie; mais celle-ci est maintenant bien ancrée dans le pays. Il proclame que la Renamo est le parti de la libre entreprise; mais le Frelimo a adopté un programme de privatisation, sans doute le plus rigoureux d'Afrique... Les observateurs soulignent en plus le manque de personnes d'envergure, ou tout simplement compétentes, dans la Renamo.

Le président Chissano, lui, est optimiste. Son parti se développe à la base. "Les élections locales sont fort importantes, dit-il. Ce qui importe avant tout, c'est qu'on élise des gens sérieux. Si des candidats Renamo sont élus et qu'ils sont sérieux, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse bien travailler ensemble".

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NOTA - Sources principales: "Mozambique", en Novib, Nederland, 1995; "Mozambique", en Vivant Univers, Belgique, 1997; "Mozambique", en Financial Times Survey, June 25 1997

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