ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 333 - 01/11/1997

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ISSUE/EDITION Nr 333 - 01/11/1997

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Afrique du Sud

Le témoignage de Mgr Dowling

by SACBC, Afrique du Sud, août 1997

THEME = JUSTICE

INTRODUCTION

Comment se passe une comparution devant la Commission vérité et réconciliation (TRC)?
Mgr Kevin Dowling raconte son expérience

La Commission vérité et réconciliation (TRC) a tenu des auditions au sujet des violations des droits de l'homme à Zeerust, Rustenburg et Brits (dans l'ancien Bophuthatswana) du 6 au 8 mai 1997.

Comme précédemment, diverses personnes étaient invitées à présenter des déclarations écrites au sujet de violations des droits de l'homme dont elles avaient personnellement souffert ou été témoins. Plus tard, la TRC a choisi un groupe représentatif pour porter témoignage publiquement afin qu'une image assez complète des divers types de violations des droits de l'homme dans la région puisse être présentée à l'audience. Voici le récit de Mgr Dowling, évêque catholique du diocèse de Rustenburg.

"La TRC m'a demandé de faire une déposition écrite au sujet de deux violations, à savoir, la marche de protestation au village de Phokeng, le 21 mars 1991, au cours de laquelle un jeune homme a été tué et plusieurs autres blessés, et la bombe placée dans l'église de la Mission St Joseph, le 22 novembre 1991. C'étaient deux des multiples incidents auxquels j'ai été mêlé ou dont j'ai été témoin pendant quatre ans. Deux semaines après le dépôt des déclarations écrites, j'ai été invité à assister à une audience publique le 7 mai 1997, à Rustenburg.

Les 12 personnes appelées à témoigner ont été invitées à venir tôt pour être préparées et recevoir des instructions de l'équipe de soutien de la TRC. Vers dix heures du matin, les quatre commissaires s'installèrent et la séance commença. Je fus le quatrième appelé.

Marche de protestation

Le commissaire Piet Meiring me pria, après avoir prêté serment, de faire rapport sur les deux faits. Le premier concernait une marche de protestation des Bafokeng contre l'ordre de déportation édicté par le gouvernement du Bophuthatswana à l'égard de l'épouse de leur chef (en exil à l'époque), Mme Semane Molotlegi. La population et les organisations civiles et politiques avaient demandé aux pasteurs de les soutenir et de prendre la tête de la marche qui partait du domaine de la Mission St Joseph à Phokeng. J'ai développé longuement la façon dont la marche a été bloquée par des forces de sécurité fortement armées, et la manière dont nous avons négocié un compromis qui devait permettre à un groupe de pasteurs de remettre un mémorandum aux autorités politiques pour ensuite mener la foule au domicile de Mme Molotlegi afin de lui dire au revoir. Sa déportation devait avoir lieu le jour même.

J'ai expliqué comment tout a mal tourné. Après la remise du mémorandum, le commandant des forces de sécurité revint sur l'accord et refusa à la foule de se rendre chez Mme Molotlegi. Malgré tous nos efforts pour éviter des effusions de sang, les gens ont décidé d'aller à sa maison. Je me trouvais juste au barrage formé de véhicules blindés quand, sans aucun avertissement, les forces de sécurité ont utilisé les canons à eau et tiré des gaz lacrymogènes droit sur la foule. J'ai entendu quelqu'un crier un ordre "Tirez sur les baruti (prêtres)". Un policier sauta en bas de son véhicule, me visa avec son fusil à gaz lacrymogène et tira. Je parvins à esquiver plusieurs coups. Alors j'ai entendu un coup de fusil qui a atteint un jeune homme, Johannes Mafatshe, et l'a tué. Une autre personne fut touchée à l'épaule. La police s'est alors déchaînée, tirant à gaz lacrymogène et frappant les gens avec de gros fouets.

J'ai encore fourni beaucoup d'autres détails sur cette horrible journée et j'ai raconté comment, tard ce soir-là, Mme Molotlegi est venue me demander de l'emmener en exil pour éviter d'autres effusions de sang. Plus tard, avec trois autres pasteurs, j'ai été invité à comparaître à Mmabatho devant un comité de la force de sécurité. Je fus accusé de permettre que la Mission St Joseph soit utilisée pour des meetings d'organisations politiques et civiques. A la fin de ma seconde rencontre avec ce comité, j'ai reçu une menace à peine voilée répétée quatre fois.

Attentat à la bombe

Le second fait, un attentat à la bombe contre l'église St Joseph à Phokeng, fut sans doute la réplique à la position que j'avais prise précédemment. On avait autorisé l'organisation d'un grand meeting politique le 23 novembre 1991, comme manifestation de bienvenue à un des dirigeants politiques et pour attirer l'attention sur le fait que plus de 100 prisonniers politiques croupissaient encore dans les prisons du Bophuthatswana.

Une semaine avant le meeting, je reçus la visite d'une délégation du gouvernement, qui comprenait un ministre et des membres importants de la police. Ils protestèrent violemment contre la tenue de ce meeting et essayèrent de me persuader de l'annuler. J'ai refusé et leur ai expliqué pourquoi, et ils sont partis. La veille du meeting, à 2h. du matin du 22 novembre, une puissante bombe a éclaté et gravement endommagé l'église de la mission où à l'époque vivaient une communauté religieuse, le curé de la paroisse et moi-même."

Questions

Après ce témoignage, les commissaires profitèrent de l'occasion d'avoir devant eux un dirigeant d'Eglise pour poser quelques questions approfondies sur certains problèmes, notamment si les différentes Eglises, et particulièrement leurs dirigeants et les pasteurs, avaient une position commune vis-à-vis de la justice et de la défense des droits de l'homme au Bophuthatswana. La Commission a discuté en profondeur certaines décisions de principe qu'ils devaient affronter. Par exemple, la difficile question de ceux qui avaient refusé de demander l'amnistie avant la date limite du 10 mai 1997, juste trois jours avant l'audition de l'évêque. Après une heures dix, les quatre commissaires ont remercié l'évêque pour son témoignage et pour la position que prend l'Eglise au sujet de la justice et des droits de l'homme.

END

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