by Kenneth F. Dareng, Nigeria, septembre 1997
THEME = ISLAMO-CHRETIEN
Les chrétiens disent que les musulmans essayent d'effacer le christianisme de la carte. Les musulmans accusent les chrétiens du sud-ouest d'inciter leurs frères chrétiens du nord à mener une guerre sainte contre l'islam.
Dans le nord, il y a eu ces dernières années toute une série d'affrontements religieux. En 1982, l'incendie de bâtiments d'église par des musulmans fanatiques à Kano. En 1991, les émeutes religieuses sanglantes à Bauchi. En 1994, la démolition de certains bâtiments d'église par le Bureau de développement urbain de l'Etat de Kano. D'autres incidents ont suscité des tensions: le refus du certificat d'occupation pour les bâtiments de l'Eglise dans la plupart des Etats du nord notamment à Kano, Bauchi, Kebbi, Jigawa, Katsina, Gombe et Adamawa, et les restrictions drastiques imposées à l'immigration de missionnaires chrétiens étrangers.
La décision la plus contestée a été la tentative du gouvernement fédéral de réduire le nombre de congés officiels chrétiens de quatre à trois (le lundi de Pâques étant supprimé), alors qu'en même temps, on augmentait les jours de fête musulmans de trois à cinq (deux jours avant Id-el-Fitir et Id-el- Adhar, et un jour avant Id-el-Maulid). Ceci en plus de l'introduction au Nigeria de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et la controverse sur la sharia.
Au niveau fédéral, il est évident que les musulmans ont plus de chances que les chrétiens d'accéder à la fonction publique. Un fonctionnaire chrétien me disait en confidence qu'on lui avait conseillé de devenir musulman pour obtenir de l'avancement. On trouve la même marginalisation quand il s'agit d'obtenir des permis, des contrats et des bourses.
La Constitution de 1979 de la République fédérale du Nigeria stipule: "Devant Dieu, nous sommes fermement et solennellement décidés à ce que le gouvernement de la Fédération ou un des Etats n'adopte aucune religion comme religion d'Etat, à ce qu'il favorise la liberté de religion et la liberté de manifester et de propager toute religion ou croyance par le culte, l'enseignement et la pratique, (isolément ou en communauté avec d'autres, en public ou en privé)".
Mais il apparaît que certains fanatiques et dirigeants religieux qui cherchent ouvertement à utiliser la religion à des fins politiques lisent cette déclaration à l'envers. Le problème majeur, maintenant, c'est de savoir comment garder l'unité du Nigeria.
Les musulmans nigérians ont longtemps été associés au monde arabe. Beaucoup de croyants musulmans ont entrepris le pèlerinage (hadj) à la Mecque. Diverses organisations liant Nigérians et Arabes ont été créées. Par exemple, la Société nigériane des étudiants musulmans a tenu une réunion à l'université d'Ibadan, où des jeunes musulmans d'Arabie saoudite, du Koweit, d'Irak, du Soudan, d'Egypte, du Pakistan, du Ghana et de Gambie étaient présents. Le résultat en fut la création d'une organisation portant le nom de Fédération islamique internationale des organisations estudiantines.
Les chrétiens nigérians craignent maintenant que les riches pays arabes fassent tout ce qu'ils peuvent pour convertir les non-musulmans à l'islam. Les chrétiens du Nigeria ont toujours eu un sentiment d'infériorité à cause des positions dominantes occupées par les musulmans. Une preuve (dans le sud) en est la disparition des noms bibliques donnés aux enfants. Même dans la société traditionnelle, les noms yoruba ont cédé le pas aux noms arabes.
On a tenté de faire démarrer une certaine forme de dialogue islamo-chrétien. Récemment, un congrès international sur les relations entre chrétiens et musulmans s'est tenu à Jos, sous la présidence de l'archevêque Mgr David L. Windibizir, de l'Eglise luthérienne du Christ au Nigeria. Le congrès était soutenu par l'Association chrétienne du Nigeria, le Jumatatil Nasil Islam, des organisations locales et internationales, les Eglises, des professeurs et des participants des communautés tant chrétiennes que musulmanes. Le congrès avait pour but de créer une forme d'interaction mutuelle, d'échanger des idées sur la façon de promouvoir la compréhension et la coexistence pacifique au Nigeria.
Dans son communiqué final, le congrès s'étendit largement sur le rôle que la religion peut jouer pour promouvoir une coexistence pacifique. Elle a invité les dirigeants des communautés catholiques et musulmanes à inculquer à leurs fidèles, surtout aux jeunes, l'esprit d'amour, d'amitié, de patriotisme, de compréhension, de respect mutuel et de collaboration. Mgr Windibizir a conclu les travaux en disant: "Nous avons mis en marche un processus qui, je le crois, nous amènera plus près de notre but: en arriver à pouvoir vivre ensemble, travailler ensemble et nous accepter mutuellement sans suspicion ni méfiance".
Le Dr Muhip Ofeloye estime que les gens doivent apprendre à connaître la foi les uns des autres: "Nous devons apprendre à faire preuve de tolérance et de compréhension quand nous écrivons au sujet des autres religions, sinon, nous détruisons le principe du dialogue".
Une musulmane, Hajiya Fatima Othman, dit ceci: "Nous partageons un seul monde, un seul pays, un seul village et une seule maison. Dans la plupart des familles nigérianes, vous trouverez un mélange de chrétiens et de musulmans. Pourquoi donc se battre, alors que nous pouvons partager tant de choses? Où trouver les causes du conflit religieux d'aujourd'hui? Certainement pas dans la religion! D'abord, regardez l'économie. Quand le boom du pétrole battait son plein, personne ne songeait à un conflit religieux; mais maintenant que les ressources sont maigres, tout le monde tâche de grapiller. Les gens essaient d'attraper ce qu'ils peuvent et ils utilisent la religion comme excuse pour mettre la main sur ce qui est à leur portée. Ensuite, le caractère ethnique de notre pays joue un rôle. Chacun veut que sa tribu soit au pouvoir. Il est difficile d'arriver à un accord dans un pays qui compte 400 groupes linguistiques!"
La plupart des Nigérians sont heureux d'une initiative telle que le Congrès de Jos. Ils croient qu'une tentative comme celle-là, en quête de réconciliation, va engager le pays dans une direction plus réfléchie, surtout maintenant que le gouvernement militaire essaie de prêcher l'évangile de la paix dans la période transitoire qui va mener au régime démocratique.
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