ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 334 - 15/11/1997

ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 334 - 15/11/1997

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MAURITANIE

Un dossier ANB-BIA

by ANB-BIA, Belgique, octobre 1997

THEME = DOSSIER

INTRODUCTION

Les élections présidentielles sont prévues les 12 et 26 décembre.
L'opposition a annoncé qu'elle les boycotterait. Un bref aperçu de ce pays dont on parle assez peu.

1. Le pays et sa population

La Mauritanie compte près de deux millions et demi d'habitants sur un territoire d'un million de kmę. Les deux tiers du pays, au nord, font partie du grand désert du Sahara. Le sud-est, le long de la frontière malienne, est une région de savanes. Dans le sud-ouest, un arc de 400 km de long et de 10 à 25 km de large, le long du fleuve Sénégal, produit la presque totalité des récoltes du pays. Le nord rassemble des tribus maures de culture arabo-berbère, essentiellement des nomades vivant de l'élevage. Au sud, habitent des ethnies négro-africaines, surtout agriculteurs.

Parmi les Maures, qui représentent les deux tiers de la population, il faut encore distinguer les Maures blancs et les Maures noirs. Les Maures blancs (ou Beidanes), sont des descendants de Berbères venus du nord et qui se sont infiltrés dans l'ouest du Sahara déjà depuis le troisième siècle avant notre ère. Mais c'est surtout du temps des Almovarides qu'ils y ont imposé leur empire au 11e siècle et ont islamisé l'ensemble de la région. Leur domination reste très importante au sein de l'Etat et de l'économie. Les Maures noirs (ou Haratines) sont des descendants de captifs, anciens esclaves affranchis. Ils constituent des couches plus modestes, mais se rattachent à la culture arabo-berbère.

Les ethnies négro-africaines du sud, les Négro-Mauritaniens, font partie de la culture africaine sub- saharienne. Ce sont surtout des Toucouleurs et des Soninkés, avec des minorités de Wolofs et de Bambaras. Au lendemain de l'indépendance en 1960, si les Maures blancs avaient le pouvoir politique, les Négro-Mauritaniens étaient nombreux dans l'administration. Bien que toutes musulmanes, les populations du sud ne veulent pas que leur appartenance à l'islam les fassent assimiler aux Arabes, et elles essaient de sauvegarder leur identité et leur style de vie.

2. Brève histoire politique

A l'indépendance de la République islamique de Mauritanie, le 28 novembre 1960, M. Mokhtar Ould Daddah devint le premier chef de l'Etat.

Un premier problème international, auquel fut confronté le jeune Etat, était ses relations avec le Maroc. Ce pays refusa d'abord de reconnaître le nouvel Etat mauritanien, défendant la thèse d'un "Grand Maroc", selon laquelle le Maroc pré-colonial s'étendait jusqu'au fleuve Sénégal. Rabat finit tout de même par reconnaître la Mauritanie en 1969 et les relations diplomatiques officielles furent établies en 1970.

Autre problème international: le Sahara occidental. Initialement, même avant sa propre indépendance, la Mauritanie revendiquait la souveraineté sur l'ensemble de cette colonie espagnole. Toutefois, au départ des troupes espagnoles en 1975, elle signa avec le Maroc un accord de partition de ce pays, dont elle occupa la partie sud. Elle ne fut cependant pas capable d'affronter la guérilla du Polisario et finit, en 1979, par renoncer au Sahara occidental et s'en retirer.

Cette guerre inutile, dont le peuple était las, et des rivalités dans l'armée furent la cause d'une série de coups d'Etat. Le 10 juillet 1978 le colonel Mustapha Ould Salek écarta Ould Daddah. Il fut renversé l'année d'après par le lieutenant- colonel Ould Louly, qui signa le traité de paix avec le Polisario, mais fut évincé lui-même par le Lt. Col. Haïdallah. Celui-ci dut encore faire face à deux autres tentatives de coup d'Etat, jusqu'à ce que, finalement, l'actuel président Maouya Ould Sid Ahmed Ould Taya prit le pouvoir le 12 décembre 1984.

Les premières mesures d'Ould Taya se situèrent sur le plan international. Il renoua les relations avec le Maroc (interrompues en 1981) et avec la Libye. Au plan intérieur, il entreprit, bien qu'avec beaucoup de réticence, un lent processus de démocratisation. Alors qu'au lendemain de l'indépendance avait été introduit le système du parti unique, Ould Taya fit un premier pas, en 1985, en faisant élire des conseils locaux, d'abord dans les villes, ensuite dans les campagnes. En 1991 une nouvelle Constitution fut acceptée par référendum. Elle instaura le multipartisme, mais élargit en même temps les pouvoirs du président, qui serait élu pour un mandat de six ans renouvelable. Quinze partis furent enregistrés officiellement. Six candidats se présentèrent aux élections présidentielles de janvier 1992. Ould Taya fut élu avec 63% des voix.

3. Double identité: arabe et africaine

Au lendemain de l'indépendance, le président Ould Daddah avait déclaré vouloir faire de son pays un "carrefour des Arabes et des Noirs". En fait, les tensions raciales furent une constante dans l'histoire du pays.

Les premières se sont cristalisées autour du problème linguistique, les Négro-Mauritaniens étant favorables au maintien du français et au développement de leurs propres langues, alors que les Maures voulaient l'extension de l'arabe. En 1966, cela dégénéra en émeutes raciales, où les Noirs s'opposaient à la décision de faire de l'arabe une langue nationale. Depuis lors, la population négro-mauritanienne a continué à résister aux tentatives d'arabiser l'enseignement et d'imposer une domination des Maures dans l'administration, ainsi qu'à la discrimination dans le domaine de l'emploi.

Au milieu des années 80, des terres appartenant depuis toujours à des Noirs dans la vallée du Sénégal furent saisies par le gouvernement et remises à des hommes d'affaires maures.

Au cours des ans, plusieurs personnalités noires furent arrêtées, officiellement "pour des activités nuisibles à l'unité nationale"; leurs proches affirmant qu'il s'agissait de "mesures punitives contre des Noirs qui ne voulaient plus être considérés comme citoyens de seconde zone".

En 1989, une banale querelle entre paysans sénégalais et éleveurs mauritaniens aboutit à des massacres de Noirs en Mauritanie, puis de Maures au Sénégal. Le gouvernement mauritanien en profita pour expulser des milliers de Noirs vers le Sénégal. Ces expulsions massives, de part et d'autre d'ailleurs, provoquèrent même une rupture temporaire des relations entre les deux pays.

Début 1991, à la suite d'un (soi-disant?) complot, plusieurs centaines de cadres militaires négro-mauritaniens furent arrêtés et un grand nombre exécutés.

L'esclavage a été supprimé officiellement à deux reprises, d'abord par Mokhtar Ould Daddah, puis par Haïdallah en 1980, mais l'absence d'une volonté claire et la mentalité générale font que, au moins de façon larvée, l'esclavage continuerait à subsister, selon certains. Bon nombre d'(anciens) esclaves, ne pouvant pas subvenir à leurs besoins, ont préféré rester avec leur maître, qui a l'obligation de les nourrir et vêtir.

4. Economie

Traditionnellement, l'économie mauritanienne était basée sur l'élevage au nord et l'agriculture au sud. L'exploitation de minerais commença en 1959; l'industrie de la pêche dans les années 80.

Mines. La Mauritanie possède un grand potentiel de minerais et peut-être de pétrole.

Ses réserves de fer sont estimées à 200 millions de tonnes. Les mines de Kedia d'Idjil (Zouérate) sont reliées par un chemin de fer de 675 km au port de Nouadhibou. C'est ce chemin de fer qui fut souvent la cible des raids du Polisario. Une autre mine fut ouverte en 1984 et l'ouverture d'une troisième est prévue. La Mauritanie exporte environ 10 millions de tonnes par an (11,5 millions en 1995). La production pourrait tripler, mais la crise de la sidérurgie européenne risque de faire diminuer ces revenus.

L'exploitation du cuivre débuta en 1967 à Akjoujt, mais les diffultés de production obligèrent à la fermeture de la mine en 1978. Une nouvelle société arabe a été formée pour relancer la production lorsque les conditions du marché seront favorables.

Agriculture, élevage et pêche. La majorité de la population vit de l'agriculture et l'élevage.

Mais le plus grand changement des vingt dernières années fut l'industrialisation de la pêche. Les eaux le long des côtes maritaniennes sont réputées parmi les plus poissonneuses au monde. Des accords furent conclus avec la Russie, le Japon et la Communauté européenne pour des "joints ventures", alors que la Mauritanie développait sa propre flotte. Actuellement, les produits de la pêche constituent la majeure partie (56%) des exportations et des entrées financières du pays. De plus, le dernier accord, signé en juin 1996 avec l'Union européenne et permettant aux chalutiers européens de pêcher dans ses eaux selon certains quota, a fait obtenir à la Mauritanie une entrée de 266 millions d'écus, étalée sur cinq ans.

L'agriculture, qui occupe la moitié de la population active, a aussi fait des progrès. Un grand projet d'irrigation le long du fleuve Sénégal est actuellement en cours, pour la production de céréales. Le but est d'arriver à une autosuffisance alimentaire en l'an 2000.

C'est le secteur de l'élevage qui a connu les plus grands revers. Il a fort souffert de diverses périodes de sécheresse, la dernière en 1992-93. Une grande partie du cheptel a ainsi péri, mais plusieurs plans de reconstitution ont été lancés. Il dépasse à nouveau les 11 millions de têtes.

Mais tout cela a provoqué un immense exode rural. Nouakchott, qui comptait en 1960 quelques milliers d'habitants, en abrite aujourd'hui près de 800.000. C'est le taux d'accroissement urbain le plus élevé du monde. Ce qui fait que 40% de cette population vit dans des bidonvilles. Le travail est aussi rare que le logement: l'extraction de fer et la pêche ne créent que peu d'emplois.

Des multiples dons et prêts ont permis d'améliorer l'infrastructure d'équipement. Le revêtement d'une partie du réseau routier a été refait. Et on a pu doter chacune des treize villes principales du pays d'un centrale électrique.

Après une longue période de récession, le PIB s'est accru de 4% par an de 1990 à 1995, de plus de 4,5% en 1996. La population n'augmentant annuellement que de 2,6%, le revenu par tête s'est donc légèrement amélioré. Mais un tiers de la population vit toujours avec moins d'un dollar par jour.

5. Religion

La Mauritanie est une république islamique. Elle a adhéré à la Ligue arabe en 1973. La quasi totalité de la population est musulmane, mais la plupart des observateurs parlent d'un islam modéré, loin de tout fanatisme.

Les quelques chrétiens dans le pays, près de 5.000, sont tous des expatriés. Il y a une dizaine de prêtres catholiques et environ 35 religieuses. En juillet 1995, Mgr. Happe (M.Afr.) a succédé à Mgr. de Chevigny comme évêque de Nouakchott.

6. Elections

Au lendemain des élections présidentielles de 1992, les deux partis principaux étaient le Parti républicain démocratique et social (PRDS) du président Ould Taya et l'Union des forces démocratiques (UFD), rebaptisée UFD-EN (UFD-Ere nouvelle) après ces élections. Son leader est Ahmed Ould Daddah, demi-frère du premier président, qui obtint 36% des votes aux présidentielles.

Au PRDS adhèrent la plupart des Maures blancs, ainsi que la majeure partie de l'élite des Maures noirs et des grands notables des ethnies négro-mauritaniennes. Le régime a placé ces personnalités à des postes importants pour obtenir le ralliement de leurs tribus ou ethnies respectives. - L'opposition pour sa part rassemble les Maures blancs du Trarza (région d'origine de Mokhtar Ould Daddah) et les couches modestes des Maures noirs et des Négro- Mauritaniens, mais ces partis ont rarement présenté des candidats communs. Ils n'ont pas non plus essayé d'obtenir l'adhésion des couches urbaines défavorisées. Beaucoup de Négro-Mauritaniens, lassés d'un combat sans horizon et lassés par le jeu politicien de leurs chefs, se sont peu à peu ralliés au pouvoir.

Aux élections locales de janvier 1994, le PRDS obtint la majorité dans 172 districts sur les 208. L'UFD ne s'imposa que dans 17 districts, les autres allant à des indépendants.

Aux élections législatives d'octobre 1996, l'opposition avait perdu une grande partie du support qu'elle avait en 1992. Après le premier tour, où tous ses candidats avaient été éliminés, l'UFD-EN proclama qu'il y avait eu de larges fraudes, boycotta le second tour et n'obtint aucun siège. Le PRDS prit 70 des 79 sièges à pourvoir.

A l'approche des élections présidentielles, cinq partis d'opposition ont pour la première fois formé un front uni. Le 27 février 1997, ils ont signé une charte commune, exigeant notamment une commission électorale indépendante, la neutralité de l'administration et l'indépendance du système judiciaire, ainsi que le retour des déportés négro-mauritaniens et une distribution équitable des richesses. Cependant, le 26 juin, à l'issue de trois journées de discussions à El Mina, ils ont appelé à un boycott du processus électoral, parce qu'aucune des revendications adressées au gouvernement pour assurer un minimum de garantie de transparence n'avait été satisfaite.

Outre l'actuel président, cinq autres candidats se présentent aux urnes. Mais la réélection d'Ould Taya fait bien peu de doutes.

NOTA - Sources principales: New African Yearbook 1997-98; Bruno Callies de Salies, in Le Monde diplomatique, février 1997

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