ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 335 - 01/12/1997

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ISSUE/EDITION Nr 335 - 01/12/1997

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Tchad

Les raisons d'espérer

by Djobaye Mbangdoum, N'Djamena, Tchad, septembre 1997

THEME = POLITIQUE

INTRODUCTION

La marche du Tchad vers un Etat de droit se dessine progressivement.

Le référendum du 31 mars 1996, l'élection présidentielle au suffrage universel du 2 juin 1996, suivie le 5 janvier et le 23 février 1997 par les législatives, sont une corroboration de la volonté du Tchad de marcher vers un Etat de droit. Par ces actes hautement démocratiques, le peuple tchadien prouve à l'opinion, tant nationale qu'internationale, qu'il épouse à sa juste valeur, mais à sa manière, le vent de la démocratie, passerelle obligée pour les pays africains pour continuer de bénéficier de la manne occidentale. Le 9 mai, en effet, la nouvelle Assemblée nationale, la toute première issue des urnes, élisait comme son président le général Wadal Abdelkader Kamougue, de l'Union pour le renouveau et la démocratie. C'était l'aboutissement du processus électoral commencé avec le référendum du 31 mars 1996.

Ouverture à l'opposition

Comment cet opposant sudiste en est-il arrivé là? C'est une longue histoire. La mise en place du bureau de l'Assemblée a pris énormement de temps à cause de l'âpreté des tractations. Alors que le président de la République, Idriss Deby, fondateur du MPS (Mouvement patriotique du salut, au pouvoir), plaidait pour l'ouverture à l'opposition, les militants de ce parti, les caciques, se battaient pour faire élire un des leurs.

La majorité parlementaire seule ne suffit pas pour s'adjuger la présidence. Le Tchad est un pays fragile, et c'est par la conjugaison de ses citoyens qu'il pourra devenir une nation forte, riche et prospère. Ainsi, après moultes tractations, le président Deby a eu gain de cause: c'est le président de l'URD, l' opposant sudiste général Kamougue qui a été élu. Ce parti dispose de 29 sièges sur 125 au Parlement, après le MPS qui en a 65.

La question qui se pose à présent est de savoir si le Parlement tchadien va répondre aux profondes et légitimes attentes du peuple. Un peuple qui a été abusé par ceux en qui il avait placé sa confiance. Cette Assemblée nationale sera-t- elle une fois encore rien qu'une caisse de résonance? Il serait hasardeux, voire présomptueux de se prononcer quant à l'efficacité et à la compétence des députés. Mais la maturité et l'expérience de certains chefs de partis politiques, anciens premiers ministres et autres hauts fonctionnaires du pays, omniprésents au sein de cette Assemblée, peuvent rassurer.

Peut-on espérer?

Les quelques jours de flottement à la recherche d'un responsable ont donné l'occasion à certains hommes politiques rompus à "la politique du ventre", de signer soit une "entente" soit une "plate-forme" de gouvernement. Des onze partis politiques au Parlement sur la cinquantaine qui existent, dix ont signé des accords avec le MPS pour gérer ensemble les affaires de l'Etat. Ces accords tiennent lieu de programme pour un gouvernement de large ouverture, dans lequel l'esprit de solidarité et de justice sociale doit prédominer, et qui s'engage, par une bonne gouvernance, à créer des conditions propices de relance et de croissance économique à travers une politique de répartition équitable des richesses entre les populations.

Le parti au pouvoir dispose désormais d'une large majorité. Y aura-t-il des débats contradictoires au sein de cette Assemblée? Par exemple dans sa mission principale qui est l'examen et l'adoption des projets de loi. Ou s'agit-il d'un geste de bonne volonté des uns et des autres pour décrisper l'environnement politique, économique et socio-culturel?

On sait que la politique tchadienne porte en elle les empreintes d'un dirigisme exacerbé, aujourd'hui démodé dans un monde de concurrence internationale, de souplesse et d'adaptation. Les nouveaux maîtres du pays mettent en exergue le consensus, le compromis, le raisonnement. Mais n'y a-t-il pas un risque d'enlisement? Car l'objectif de la mondialisation est l'efficacité. Or, la politique pratiquée au Tchad depuis plus de trente années est à l'origine de tous les maux dont souffrent aujourd'hui les populations, avec pour dénominateur commun la pauvreté et la misère.

A en croire le président de l'Assemblée, le général Kamougue, le consensus qui se dégage témoigne de la volonté manifeste des responsables de ce pays d'opérer, selon ses propres termes, "une cassure" au sein de la population longtemps divisée en nord/sud, musulmans/chrétiens. Est-ce la bonne manière d'unifier les fils et filles du Tchad, gangrenés par une haine viscérale entretenue et soutenue par des hommes politiques de peu de foi? Serait-ce une prise de conscience objective, une remise en cause de l'exploitation de l'homme par l'homme, pour se vouer enfin à la sauvegarde et à la préservation des intérêts supérieurs de la nation?

Le nouveau gouvernement

L'avenir dépend des institutions en place et surtout de la nouvelle équipe gouvernementale. Aussitôt après sa nomination par décret présidentiel, le 16 mai, le Premier ministre Nassour Waïdou, 50 ans, démographe de formation, a composé son équipe, forte de 26 membres contre 30 au précédent gouvernement. Un chiffre que les bailleurs de fonds apprécieront, le Tchad étant toujours sous programme d'ajustement structurel.

Ce minima pourra-t-il arranger les choses? Et cette équipe, qualifiée de technocrate, pourra-t-elle vraiment faire l'affaire? Au lendemain déjà de la publication de la liste des membres du gouvernement, des voix se sont élevées pour exprimer leur désapprobation et leur déception. Sur le plan de l'ouverture tant prônée, d'abord, on constate que le parti au pouvoir s'est taillé la part du lion: 17 ministres sur 26. Le problème, ensuite, du regroupement des départements ministériels en un seul. Comment comprendre qu'un ministère comme celui des Finances, qui déjà gère à lui seul un nombre important de directions, puisse se voir adjoindre les départements de l'Economie, du Plan et de l'Aménagement du territoire? Le problème de la lenteur des administrations africaines va se poser de manière cruciale.

On peut penser que, pour éviter les griffes crochues des institutions financières internationales, les hautes autorités du pays ont volontairement opté pour l'étouffement de la machine administrative. Une administration tchadienne archaïque, obsolète, inadaptée, corrompue, calquée sur la modèle du colonisateur. Aujourd'hui, elle a besoin d'une thérapeutique adéquate pour se dégager de l'oeil du cyclone. Mais jusqu'à quand ce subterfuge pourra-t-il durer?

Les Tchadiens ont fondé leur ultime espoir sur le changement historique qui vient de s'opérer dans ce pays meurtri par plus de 30 années de guerre civile. Et s'il est vrai que le Tchad, fort de sa longue marche, vient de franchir une étape décisive, qu'il est résolument engagé dans la voie d'une démocratie consensuelle participative, seule approche, selon le président Deby, lui permettant de s'extirper du cycle infernal de la violence, des soubresauts politiques et du sous-développement chronique, il y a lieu d'espérer.

END

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