by Tendai Madinah, Zimbabwe, septembre 1997
THEME = ECONOMIE
Certaines compagnies autrefois propriétés de l'Etat - Dairybord Private Limited, Cotton Company of Zimbabwe, et Cold Storage Company - ont déjà été privatisées et marchent commercialement très bien.
La source de la suspicion est la controverse autour de l'attribution du marché pour la construction d'un nouvel aéroport, et pour l'attribution des licences pour le téléphone cellulaire.
Le Bureau des soumissions du gouvernement, avec une décision antérieure, avait accordé le marché à une compagnie française plus expérimentée en la matière, la Aéroports de Paris. Mais le cabinet a cassé cette décision et accordé la marché à Air Harbour Technologies, une société basée à Chypre et représentée sur place par Leo Mugabe, neveu du président Mugabe.
Quant à la licence pour le téléphone cellulaire, elle a été attribuée à Telecel, une compagnie appartenant conjointement à des étrangers et à un consortium d'hommes d'affaires locaux, proches du parti au pouvoir, parmi lesquels le même Leo Mugabe. Le favori pour l'attribution était l'homme d'affaires local, Strive Masiyiwa, qui conteste devant la Cour suprême cette attribution à Telecel.
Le vice-président Joshua Nkomo a menacé de démissionner du gouvernement d'unité nationale, quand Masiyiwa n'a pas obtenu la soumission. En réaction à ces menaces, le président Mugabe a fait savoir qu'il ne céderait pas à ce chantage, parce que les communications sont un "point sensible", et qu'on ne pouvait confier le contrat à Masiyiwa, vraisemblablement le "prête-nom" d'hommes d'affaires étrangers. Cela a poussé l'homme politique de gauche, Alois Masepe, à faire le commentaire suivant: "Le président parle en 'langues'. Telecel appartient à un Tutsi d'origine zaïroise et à un Américain. Au Zambabwue, nous n'avons pas de Tutsi; donc, ces gens sont donc sûrement des étrangers".
La privatisation de compagnies d'Etat a commencé en septembre; maintenant le monde des affaires, la société civile et l'opposition pressent le gouvernement de présenter une politique cohérente pour que cette politique de privatisation soit menée à bon terme.
Dans un éditorial, The Financial Gazette, un hebdomadaire financier du secteur privé, avançait qu'il ne suffirait pas de mettre sur pied le National Investment Trust (une organisation de mise en oeuvre du programme d'indigénisation); il faudrait, en plus, mettre en place des mesures et des garde-fous rigoureux et contraignants, pour éviter qu'une poignée des manitous éminents du Zimbabwe ne détournent le programme.
L'expérience des dernières années n'a pas été celle de la transparence et du sens des responsabilités, quand un paquet de soumissions gouvernementales lucratives ont été remportées pratiquement par les mêmes personnes qui avaient des amis et des alliés en haut lieu.
Opposition et économistes ont soutenu l'éditorial. Selon Issac Manyemba, analyste politique, il faut supprimer la dominance de l'élite du ZANU, le parti au pouvoir. A la place, il faut créer une institution indépendante qui forçe le respect et la confiance du monde des affaires. Cette institution devrait être composée de représentants de patrons d'affaires et d'industries, de représentants d'organisations d'affaires telle que la Confédération des industries du Zimbabwe (CZI), la Chambre du commerce nationale du Zimbabwe (ZNCC), le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), le monde judiciaire et des organisations des droits de l'homme.
La privatisation signifie que les Zimbabwéens locaux noirs peuvent jouer un rôle actif dans les affaires. A la tête du National Investment Trust se trouvent le ministre des Affaires juridiques et parlementaires, Emmerson Mnangagwa, et le commissaire au Plan, Richard Hove. Cephas Msipa, ministre d'Etat avec responsabilité spéciale pour les entreprises publiques et l'indigénisation, annonce que le projet final sur la politique est maintenant prêt, et qu'il sera examiné par les personnes intéressées. En vérité, le gouvernement semble avoir tout à dire quand il s'agit de privatisation et d'indigénisation!
Il y a eu des réactions d'opposition aux méthodes du gouvernement. Selon un économiste: "Le gouvernement ne doit être là que pour faciliter les choses. Le secteur privé doit se charger de faire marcher l'économie. Rien ne semble se passer à la base. Comme toujours, ce sont quelques privilégiés qui continuent à profiter. Le Zimbabwe semble être à la traîne d'au moins 100 ans par rapport à l'Afrique du Sud, quand il s'agit de donner à la population ce qui lui appartient de droit. Pourtant, le Zimbabwe a été indépendant pendant 17 ans, alors que l'Afrique du Sud ne connaît l'indépendance que depuis trois ans. La population noire d'Afrique du Sud contrôle à peu près 3% de la Bourse de Johannesburg. Au Zimbabwe, c'est zéro. 80% de l'économie du Zimbabwe sont aux mains d'étrangers".
Selon un autre économiste, Edmore Tobaiwa, le programme de privatisation doit inclure des gens des régions rurales, car ils doivent participer à l'économie du pays. Comme les habitants des zones rurales n'ont pas accès aux journaux, Tobaiwa suggère que le gouvernement crée des émissions de radio traitant du programme de privatisation. Et ces programmes devraient être diffusés dans les langues locales.
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