ANB-BIA SUPPLEMENT - ISSUE/EDITION Nr 337 - 01/01/1998

ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 337 - 01/01/1998

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République Sud-Africaine

Un système judiciaire en pleine réforme

by Mike Pothier, Afrique du Sud, octobre 1997

THEME = JUSTICE

INTRODUCTION

Le système judiciaire d'Afrique du Sud et les personnes qui le servent
sortent lentement mais sûrement de l'ombre de l'apartheid

"Dans bien des cas, les juges qui ont servi sous le régime de l'apartheid traînent derrière eux le poids de ce passé". Ces mots prononcés récemment par M. Dullah Omer, le ministre sud-africain de la Justice, résument assez bien le monde judiciaire sud- africain. Il y a eu et il y a encore de bons et de mauvais juges, des juges qui ont trimé pour que justice se fasse, et d'autres qui se sont contentés de répondre aux attentes du gouvernement.

L'arrivée de la démocratie en Afrique du Sud a amené le système judiciaire à changer aussi; les premières réformes se sont mises en route afin de garantir le droit à la liberté, que la nation a conquise par ses luttes de libération.

La structure

Les tribunaux sud-africains se situent à deux niveaux: les tribunaux inférieurs, connus également sous le nom de "Magistrates Courts" (tribunaux d'instance) et les tribunaux supérieurs, qui comprennent la "High Court" (Cour supérieure), la Cour suprême d'appel (Cour de cassation) et la Cour constitutionnelle.

Les Magistrates Courts traitent de la plupart des matières criminelles et de certaines matières civiles. En général, les cas les plus sérieux et complexes sont traités par les High Courts, qui disposent également de pouvoirs de condamnation plus importants. La plupart des grandes villes ont une Magistrates Court, et leur nombre peut aller jusqu'à 12 et même au-delà.

La High Court a treize juridictions réparties dans tout le pays, principalement dans les centres les plus importants. Elle a le droit de traiter tous les cas, à la fois criminels et civils, et a le droit d'imposer des peines allant jusqu'à la prison à vie. Elle connaît également des appels introduits contre les décisions des tribunaux d'instance.

La Cour suprême d'appel est la juridiction la plus haute en matière criminelle ou civile ordinaire, et elle connaît des appels introduits contre le jugement rendu par une High Court. Ses sentences sont contraignantes pour tous les tribunaux supérieurs ou d'instance. Elle siège à Bloemfontein, la capitale judiciaire d'Afrique du Sud.

La Cour constitutionnelle est la plus haute instance en matière constitutionnelle et ses sentences sont contraignantes pour toutes les autres juridictions, y compris pour la Cour suprême d'appel.

A côté de ces juridictions, il y a encore des instances judiciaires spécialisées traitant de la propriété terrienne, de la taxe sur le revenu, des conflits du travail et familiaux, ainsi que les tribunaux coutumiers qui disposent d'un pouvoir juridique limité dans l'application du droit coutumier.

Le personnel

Les juges sud-africains (qui siègent à la High Court, à la Cour suprême d'appel et à la Cour constitutionnelle) sont généralement des juristes hautement qualifiés, qui ont une longue expérience dans la pratique juridique. Récemment, des avocats académiques ont également été nommés à la magistrature assise. Jusqu'à il y a quelques années, tous les juges étaient des Blancs et de sexe masculin, à deux exceptions près. Cette situation s'est rapidement modifiée et on voit actuellement plus de femmes et de Noirs parmi les nouveaux venus. Il faudra, cependant, encore quelques années avant que le corps judiciaire ne soit pleinement représentatif de l'ensemble de la population.

Les nominations sont faites par le président de la République, sur la recommandation de la Commission du service judiciaire, un organe largement représentatif de la profession juridique. Un juge ne peut être démis de ses fonctions que sur décision du Parlement et dans des limites strictement définies. La corruption (subornation et malhonnêteté) est inexistante parmi les juges sud- africains. Ils sont généreusement rétribués, même après leur départ en pension. Même ceux qui ont servi les intérêts de l'apartheid étaient des personnalités d'une intégrité personnelle considérable.

Du côté des magistrats, la situation est moins satisfaisante. Beaucoup sont très qualifiés, mais nombreux aussi sont ceux qui ne disposent pas de bases juridiques suffisantes.

De plus, ce sont des fonctionnaires, et ils font donc partie du secteur exécutif de l'Etat plutôt que d'appartenir à la branche indépendante de l'appareil judiciaire.

A côté de leurs obligations judiciaires, ils ont de nombreuses fonctions administratives, comme par exemple octroyer des licences et officier à des mariages. Comme chez les juges, la plupart des magistrats sont des Blancs, même si la situation se modifie graduellement.

L'indépendance du judiciaire

Formellement parlant, les juges sud-africains ont toujours été indépendants; en d'autres termes, le pouvoir politique n'interférait pas directement dans leurs décisions. Dans le passé, cependant, ils étaient nommés par le ministre de la Justice; de cette manière, le gouvernement pouvait s'assurer que la majorité des juges était acquise à sa ligne politique ou, du moins, n'allait pas avoir trop d'indulgence pour "le militantisme juridique" contre l'apartheid. De plus, la répartition des cas parmi les divers juges était effectuée par le président de chaque division de la High Court. De nombreux exemples prouvent que ce système a été utilisé pour s'assurer que les dossiers de contestataires politiques soient confiés à des juges qui ne risquaient pas d'aller à l'encontre des ordres du gouvernement. Donc, même si l'indépendance formelle était maintenue, le degré d'indépendance substantielle était loin d'être idéal.

En ce qui concerne les magistrats, comme fonctionnaires ils ont subi beaucoup plus de pressions directes par le passé. Aussi provenaient-ils dans leur grande majorité des secteurs de la population qui soutenaient le gouvernement (de l'apartheid). Même s'il y a eu de nombreux cas de racisme et de décisions partisanes dans les tribunaux d'instance, on ne peut pas vraiment dire qu'il y avait beaucoup d'ingérences directes dans leur travail. On dira bien sûr avec raison que si on met en place des magistrats et des juges "sûrs", on n'a pas besoin d'intervenir - leur travail sera de toute façon satisfaisant!

Nous pouvons être rassurés, cette situation appartient au passé maintenant. Un effort conscient est fait pour réformer et rehausser le niveau des tribunaux d'instance, pour améliorer la formation et les qualifications des magistrats et la manière dont sont nommés les juges ne fait pas craindre que les abus du passé puissent se répéter.

Le système de justice criminelle

La Constitution de l'Afrique du Sud offre des garanties importantes aux droits des accusés. L'accès aux avocats, à la famille, aux représentants religieux est garanti. Le droit d'avoir un procès équitable est également garanti, y compris le droit d'être informé sur le contenu de l'inculpation, de préparer sa défense, de disposer d'un avocat aux frais de l'Etat si nécessaire, de ne pas faire de témoignage qui risquerait d'être préjudiciable à soi- même, d'être libéré sous caution et le droit d'interjeter appel.

Une personne détenue doit être présentée devant un tribunal dans les 48 heures et personne ne peut être détenu sans procès. Bref, le système de la justice criminelle correspond aux critères les plus élevés des droits humains et, à bien des égards, excède les critères appliqués dans bien des nations "civilisées".

Le personnel associé

Chaque division de la High Court est présidée par un avocat général, assisté de nombreux procureurs généraux et d'avocats du ministère public, qui ont pour tâche de mener les poursuites contre des criminels. Dans les procès criminels, la défense est généralement assurée par des avocats privés, soit des "attorneys" et des "advocates" (dans le système anglais, on parle de "solicitors" - conseillers juridiques jouant aussi le rôle d'avocats devant certains tribunaux - et de "barristers" - seuls admis à plaider auprès des instances supérieures; ils doivent être obligatoirement consultés par le "solicitor"), ou par des avocats commis d'office, si l'accusé n'a pas les moyens de payer un avocat privé. En matière civile, les parties en conflit engagent leur propre conseil.

Les avocats sud-africains sont invariablement des licenciés en droit et le niveau de leur formation est élevé. Beaucoup d'avocats de renom sont réputés pour la part qu'ils ont prise à s'opposer à l'apartheid et pour avoir exploité la loi afin de protéger les victimes de la politique raciste. A l'opposé, les conseils prodigués par des procureurs ont contribué à étendre la portée et les effets de l'apartheid. Ceux qui travaillaient sous le gouvernement précédent ont subi les mêmes pressions que les magistrats dont nous avons parlé précédemment.

Le système judiciaire sud-africain, ainsi que les juges, magistrats et avocats qui le servent, émergent lentement mais sûrement de l'ombre de l'apartheid. L'établissement de la démocratie, l'adoption de la Constitution garantissant la liberté, l'égalité et les droits humains et l'engagement de respecter la loi et l'indépendance du système judiciaire sont de bon augure pour l'avenir.

Il y a bien des raisons d'espérer que le système légal et judiciaire dans son ensemble constitue un facteur important pour construire la nation et faire progresser la société dans les années à venir.

END

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