ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 340 - 15/02/1998

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Afrique du Sud

Groupe de soutien Khulumani


by Ashley Green-Thompson, Afrique du Sud, novembre 1997

THEME = DROITS DE L'HOMME

INTRODUCTION

Un groupe de soutien des victimes et des survivants

En 1991, un jeune avocat de l'ANC, Bheki Mlangeni recevait par la poste un magnétophone marqué "Hit Squad Evidence" (litt.: preuve contre tueurs à gage). Il mit les écouteurs dans ses oreilles, pressa le bouton de mise en marche et ce fut l'explosion. Sa mère Catherine Mlangeni le retrouva peu après.

Sicelo Diomo, un dynamique étudiant de seize ans, dirigeant à Soweto, était recherché par la police. On retrouve son corps en 1988, aux abords du township. Sa mère, Sylvia Dlomo-Jele veut savoir qui est responsable de l'enlèvement, des tortures et de la mort de son fils.

En 1989, David Webster, professeur et militant à l'université de Witwatersrand, déchargeait sa voiture après avoir fait du jogging avec sa compagne, Maggie Friedman. Un homme passant en voiture a tué le professeur à bout portant, avec un fusil de chasse. Depuis lors, Maggie, qui se trouvait dans la maison, poursuit les assassins de David.

"Khulumani"

Ces trois femmes font partie des membres fondateurs d'une organisation dénommée "Groupe de soutien Khulumani". Ce nom vient du mot zulu signifiant "s'exprimer". Le manifeste de Khulumani expose ses objectifs: "Le groupe de soutien Khulumani est un groupe de soutien des victimes et des survivants, créé en 1995 en réponse à la création de la Commission pour la vérité et la réconciliation (TRC ). Il encourage les gens à s'exprimer sur les atrocités politiques dont ils ont été victimes, eux et les leurs dans le passé".

Le manifeste poursuit en disant qu'il faut dévoiler les grossières violations des droits de l'homme pour que cela ne puisse plus jamais recommencer. Cela comprend l'identification des coupables. En fait, tout le processus de la TRC était une tentative du pays entier - tant des victimes que des coupables - de trouver un accommodement avec les souffrances du passé.

Cependant, la législation qui a créé la Commission de la vérité est plutôt à l'avantage des coupables de violations des droits de l'homme. C'est cet avantage qui a poussé beaucoup de survivants, ainsi que des organisations de la société civile, à rassembler et à unir leurs forces. C'est de là qu'est né Khulumani. Dès le début, Khulumani a activement sollicité les législateurs pour qu'ils mettent les victimes, les survivants et leurs familles sur la liste des points à traiter par la TRC et par le pays.

Réparations et réhabilitation

Alors que la législation était claire au sujet de l'amnistie à accorder aux coupables, il a fallu se battre longtemps pour obtenir une politique sur les réparations et la réhabilitation. Une des possibilités de réparation proposée par Mgr Tutu était que les survivants reçoivent une somme annuelle en compensation pour leurs souffrances. C'est une preuve de la ténacité d'organisations telles que Khulumani. Cette organisation croit fermement qu'il faut s'occuper de tous les problèmes des membres si l'on veut qu'il y ait une véritable réconciliation.

Les victimes des abus

La fonction principale de Khulumani reste cependant de soutenir les victimes. Le traumatisme causé par le récit de ce qu'on a vécu est allégé par le réseau des survivants. Dans les réunions, on partage le chagrin d'avoir perdu un être cher, de ne pas savoir où ces êtres chers se trouvent, de ne pas pouvoir les enterrer d'une manière décente; le chagrin aussi de ne pas savoir qui était responsable de tant de violations des droits de l'homme. Avec l'aide de conseillers et de psychologues bien formés, on discute des effets de la violence et des sévices sur eux-mêmes, sur leurs enfants et sur leurs communautés.

Les membres espèrent démontrer, par exemple, leur désir que "les victimes deviennent des survivants". Cela implique de donner du pouvoir aux veuves, aux orphelins, aux anciens prisonniers et aux communautés pauvres qui ont enduré le plus gros de l'agression de l'apartheid.

Cela signifie un soutien incessant des membres, que ce soit en fournissant des conseils ou en répondant à des besoins en matière de loi, d'éducation ou de santé. Cela signifie aussi de continuer à développer le processus de guérison qui a déjà obtenu tant de résultats.

Khulumani cherche aussi à promouvoir une vraie réconciliation en participant à la médiation entre victime et offenseur. Pour la première fois, les coupables rencontrent face à face la famille de leurs victimes. C'est un domaine pour lequel beaucoup de membres expriment leur intérêt et il sera intéressant de voir les résultats des efforts futurs. Entre-temps, Khulumani espère jouer un rôle significatif dans la réalisation du processus de réparation pour lequel il a tant combattu. Il faut se rappeler que les compensations proposées par la Commission pour la vérité doivent encore être acceptées par le cabinet et votées par la législation nationale. Cela veut dire que la véritable réparation ne pourra pas commencer avant la fin des travaux de la TRC.

Améliorer l'organisation

On se rend compte que les capacités d'organisation de Khulumani doivent être améliorées, ce qui implique la mise en place d'une structure nationale et l'établissement de projets qui accroitraient l'autosuffisance et le savoir-faire. A partir de 1998, Khulumani deviendra un organisme permanent aux multiples possibilités.

C'est un défi qui s'ajoutera aux réalisations déjà impressionnantes des deux premières années de son existence. Deux vidéos ont été faites, qui racontent l'histoire des survivants. La dernière, réalisée en novembre 1997, s'intitule "Sisakhuluma - Nous parlons toujours". Une pièce, "L'histoire que je vais raconter -Indaba Engizoyixoxa", a le soutien de grands acteurs sud- africains et sera jouée jusqu'en Allemagne. L'organisation a pris un haut profil médiatique quand Maggie Friedman a fait la une des journaux après l'arrestation récente de Ferdi Barnard, membre du fameux Vlakplaas, un groupe de tueurs à gages. Barnard est l'assassin présumé de David Webster.

Aller plus loin

Khulumani ne se limite pas aux frontières de l'Afrique du Sud. Un certain nombre d'activités communes ont eu lieu pour promouvoir la paix, la réconciliation et la guérison. Cela s'est fait avec "Familles des victimes de disparitions involontaires", des Philippines, et avec des partenaires d'Irlande du Nord et des Pays-Bas. Il y a de nombreux projets avec des groupes juifs tant d'Israël que d'Afrique du Sud.

Le réseau du Groupe de soutien Khulumani a atteint plusieurs communautés en Afrique du Sud. Son ambition est d'atteindre toutes les communautés qui ont subi oppression et violence, et de les soutenir dans leur tentative de vivre avec leur souffrance et leur traumatisme. L'Afrique du Sud reste toujours un pays divisé et blessé, souffrant de décades de violations de son humanité infligées par un système néfaste. Khulumani est une lumière qui guide les efforts de ceux qui veulent guérir cette nation traumatisée. Efforts dont seules les générations à venir cueilleront la pleine récompense. Le témoignage durable de Khulumani sera peut-être qu'il a été lancé par des femmes et a continué à être centré sur les femmes et mené par elles.

END

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