ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 340 - 15/02/1998

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Madagascar

De nouveau... un référendum


by Mathieu Célien Ramasiarisolo, Madagascar, janvier 1998

THEME = DEMOCRATIE

INTRODUCTION

Un nouveau projet de Constitution sera soumis à référendum le 15 mars prochain

A Madagascar, le débat sur la Constitution est à nouveau au centre des discussions des hommes politiques comme des observateurs, jusqu'aux simples citoyens intéressés par les affaires nationales.

Depuis le retour de Ratsiraka au pouvoir, l'une de ses principales préoccupations est de préparer des nouveaux projets de Constitution à soumettre au référendum prévu pour le 15 mars prochain. Le président Ratsiraka n'a cessé de parler à cette consultation de choix entre deux textes: A (Etat unitaire décentralisé) et B (forme d'un Etat fédéral) .

Lors de son discours pendant la cérémonie traditionnelle de présentation des voeux de nouvel an, il a même fait remarquer que le système classique de voter OUI ou NON au référendum n'est qu'une tradition de l'Occident. "Nous ne sommes pas obligés de copier cela" a-t-il dit. Mais finalement, après divers conseils des ministres, le président a présenté un seul texte à choisir par un OUI ou un NON. Sans doute, ce changement inattendu est-il dû à toutes sortes de pressions des différentes formations politiques.

Notons que cette révision de la Constitution a fait couler beaucoup d'encre à Madagascar. A cet effet, le gouvernement a mis sur pied un comité technique préparatif rassemblant toutes les propositions venant des partis politiques, de l'Assemblée nationale, d'associations ou organisations, voire de la part des simples citoyens. Le lendemain du nouvel an, le président Ratsiraka a invité tous les chefs de partis politiques sans distinction pour discuter ensemble ce sujet. Evidemment, certains ont été déçus, d'autres satisfaits de cette rencontre presque inopinée.

Changement ou révision ?

Presque à l'unanimité, toutes les classes politiques reconnaissent certaines lacunes dans l'actuelle Constitution. Déjà en septembre 1995, c'est- à-dire 3 ans seulement après son application, le président Albert Zafy lui-même en avait changé quelques articles par voie référendaire, après les conflits entre lui et le Premier ministre de l'époque (Francisque Ravony) désigné par l'Assemblée nationale. Depuis ce référendum de 1995, le président a le pouvoir de nommer le chef de gouvernement. Ainsi le régime, de parlementaire, devenait semi- présidentiel. Néanmoins la Troisième République reste toujours la même.

Et voici que de nouveau, en moins de 3 ans, le peuple malgache est appelé à s'exprimer sur un nouveau projet de texte qualifié de "type fédéral", qui prévoit des provinces autonomes et des élargissements du pouvoir du président de la République. Officiellement, on dit qu'on ne sort pas du cadre de la Troisième République, car il s'agit d'un projet de révision de la Constitution. D'après Ratsiraka, il n'est donc pas question de mettre en cause le mandat du président.

Les différents partis politiques ont leurs interprétations, mais d'ores et déjà l'opposition qualifie ce nouveau projet de supercherie et d'escroquerie. D'après les leaders de l'opposition, cette révision témoigne d'un manque de considération vis-à-vis du peuple malgache et elle le plongera dans la misère. Selon l'ancien président Albert Zafy, Ratsiraka veut accaparer tous les pouvoirs et instaurer une nouvelle dictature. C'est dire que ce débat a pu rassembler pour la première fois dans un même point de vue les partis de l'opposition.

"En réalité, le projet présente une nouvelle Constitution", dit Jean Eric Rakotoarisoa, un juriste enseignant à la faculté de droit d'Antananarivo. Selon lui, les concepteurs ont surtout voulu donner la priorité au régionalisme: "C'est une structure qui se situe entre la décentralisation et l'Etat fédéral, mais plus proche de ce dernier". Concernant la répartition des pouvoirs, M. Rakotoarisoa a fait remarquer qu'il y a déséquilibre en faveur du président de la République. En effet, un article dans ce nouveau projet stipule que le président de la République est le véritable chef de l'exécutif, ayant pouvoir de déterminer et d'arrêter en conseil des ministres la politique générale de l'Etat. En outre, il a le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale pour causes déterminantes. "Ce terme "causes déterminantes" est très vague" a souligné le juriste.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale ne dispose pas de prérogatives contre le président. Enfin, le juriste reconnaît que la mise en oeuvre de cette Constitution ne sera pas facile, si le OUI l'emporte au référendum.

Contexte de cette ambiance de référendum

Entre-temps, la population se bat contre les problèmes quotidiens aussi bien en ville qu'à la campagne. Malgré la croissance économique estimée à 3,7 % l'année dernière, le taux directeur de la Banque centrale qui a baissé de 33 % à 9 %, et l'inflation maîtrisée à 6,8 %, le pouvoir d'achat des Malgaches ne correspond pas au coût de la vie actuelle. Face à cela, le gouvernement a concédé une augmentation de la masse salariale de 10 %, mais seulement aux agents de l'Etat qui ne représentent même pas 5 % des salariés. Il y a donc amélioration, mais celle-ci est insuffisante, raison pour laquelle les différents syndicats des agents de l'Etat réclament une hausse de salaire de plus de 200 %.

Ces derniers temps, la question de la privatisation des entreprises d'Etat est toujours à la une de l'actualité nationale. Ce processus est irréversible. Mais beaucoup de questions se posent à propos de ces privatisations; entre autres: pourquoi privatiser? que rapporteront les privatisations? Certes, les privatisations suscitent des réactions négatives, mais il faut aussi une nouvelle mentalité face à cette question, et d'abord abandonner l'idée d' "Etat providence" chez la plupart des Malgaches.

Toujours dans cette ambiance du référendum, les dégâts causés par les cyclones en 1996 ne sont toujours pas réparés. Les grands travaux de réhabilitation ne commenceront que cette année, dit- on. Mais l'invasion de criquets dans la partie sud et moyen-ouest de l'île cause encore de graves problèmes. L'Etat a dépensé 17 milliards de francs malgaches sans avoir réussi à éradiquer ce fléau...

Et l'on se demande si la population dans ces régions frappées par ces cataclysmes naturels est motivée par ce référendum et, un peu plus tard, en juin, par les élections législatives?

END

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