by Yacinthe Diene, Sénégal, 15 janvier 1998
THEME = PAIX
Des armées au service de la paix et de
la stabilité
dans la sous-région et sur le continent.
Prévue du 17 février au 1er avril 1998, la manoeuvre franco-africaine baptisée "Guidimakha" sera clôturée par un important défilé militaire à Bakel (Sénégal). L'ensemble des opérations est sous la co-direction du général de brigade Mountaga Diallo (Sénégal), de l'amiral Dupuy Montbrun (France) et des colonels Seydou Traoré (Mali) et Sidi Ould Mohamed Yahya (Mauritanie). D'ores et déjà, les forces françaises à Dakar ont réceptionné un important stock de matériels et d'équipements destinés à la force d'interposition africaine.
L'exercice international a pour théâtre d'opération la province historique de Guidimakha, située à la confluence des frontières sénégalaise, mauritanienne et malienne. Scénario: on imagine un petit pays, en partie contrôlé par un gouvernement démocratiquement élu, et en partie par un mouvement d'opposition armé. Une grande sécheresse sévit, doublée d'une désorganisation de la vie économique et administrative entraînant des déplacements massifs de populations. L'ONU a obtenu un cessez-le-feu entre les belligérants, mais des éléments incontrôlés commettent des exactions autour de la capitale. Dans ce contexte, il faut une force d'interposition pour organiser les secours, protéger les populations et encadrer les convois humanitaires. Trois pays constituent alors une force tampon, sous l'égide de l'Organisation de l'unité africaine (OUA).
Ce scénario fictif est bien le reflet de la scène continentale, où certains Etats se sont effondrés parce que des forces politiques préfèrent conquérir le pouvoir par les armes, plutôt que par les urnes. Depuis le début des années 90, on assiste à des affrontements sanglants entre des groupes rivaux, notamment en Somalie, au Rwanda, au Burundi, au Congo, dans l'ex-Zaïre et récemment en Sierra Leone. Or, devant tous ces foyers de tensions, il a été quasi impossible de mettre sur pied une force d'interposition capable d'assurer la protection des biens et des personnes, malgré de fortes sollicitations.
Aujourd'hui, on constate une avancée significative dans la conception et la conduite des opérations de maintien de la paix (OMP) en Afrique, surtout au sein de la communauté internationale. Le 22 mai 1997 à Paris, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont conclu un accord en vue d'aider les pays africains à participer aux OMP de l'ONU. Ils se sont retrouvés à New-York le 25 juillet 1997 pour préparer la première rencontre d'un groupe africain de maintien de la paix. Ensuite, un séminaire s'est tenu à Dakar, du 21 au 23 octobre, avec la participation de 17 pays africains pour étudier les implications diplomatiques, politiques et juridiques du renforcement des capacités de maintien de la paix en Afrique (RECAMP ).
Ce nouveau concept est une initiative française de 1994, visant àtransformer les manoeuvres franco- sénégalaises "Ndiambour" en exercices internationaux, et à créer un centre permanent de formation au maintien de la paix à Zombokro (Côte d'Ivoire). Son objectif est de fournir aux armées africaines les aptitudes à conduire des OMP grâce au soutien de pays donateurs, à l'image de la mission inter-africaine de surveillance des accords de Bangui (MISAB ).
"Guidimakha 98" pose un ensemble d'exigences sur le plan financier, matériel et logistique. Il s'agit d'un exercice combiné, en vue de tester la capacité et les aptitudes des pays de l'Afrique de l'Ouest en matière de coopération militaire, au sein d'une force d'environ 3.500 soldats et officiers: 1.362 Sénégalais, 913 Français, 615 Mauritaniens, 493 Maliens, et une section de combat (40 hommes) pour le Ghana, le Bénin, le Tchad, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée, les USA et la Grande-Bretagne. La manoeuvre a prévu un dispositif matériel de plus de 2.000 tonnes: 650 armes collectives, 100 postes radio, un bloc chirurgical et une section d'hospitalisation. Au plan logistique, il y a des bâtiments de guerre, des avions de transport de troupe et de chasse, des hélicoptères et 100 véhicules divers. 2.500 m3 de carburant ont été stockés et le budget de l'opération est évalué à 900 millions de fcfa (1,5 million de dollars).
Si les moyens collectifs sont fournis par la France, les moyens individuels sont assurés par chaque pays participant. L'effort d'une telle entreprise ne peut être supporté par l'OUA seule, ni par les pays africains, dit le général Amadou Toumani Touré, président du Comité de suivi des accords de Bangui: "L'Afrique est adulte, elle a la capacité et les moyens humains, mais n'est pas suffisamment équipée pour se donner les moyens de cette ambition pacifique".
"Guidimakha 98" peut être perçu comme un jalon important qui inaugure le RECAMP. Il exprime également la volonté politique du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie de se mettre au service de la paix et de la stabilité dans la sous-région et sur le continent. En effet, pour ces trois pays organisateurs, l'exercice voudrait valider un concept nouveau, alors que pour les pays africains participants, excepté le Ghana, il est question d'acquérir une première pratique nécessaire pour être en mesure de participer à une éventuelle véritable OMP. Quelques constats s'imposent:
- Des armées d'Afrique occidentale prouvent ainsi qu'elles ont les capacités de concevoir et de planifier des OMP. Huit commissions ont réalisé en quelques mois un important travail pour préparer la manoeuvre et la faisabilité à l'échelle africaine.
- La future force d'interposition africaine est déjà constituée, grâce à la volonté de la France, qui a financé l'essentiel du projet, et au soutien important des USA, du Royaume-Uni, de l'ONU et de l'OUA à travers des contributions diverses. La force en question ne présente aucun caractère permanent, mais est une application du principe des modules des forces en attente.
- Le RECAMP est une initiative sans précédent et apporte des innovations majeures. On assiste à une convergence de vue des décideurs politiques, mais également à une complémentarité entre les grandes puissances et entre les pays du Nord et du Sud. Cela ne s'est jamais vu en matière de défense sur le continent.
- Par un regain d'intérêt des puissances occidentales pour l'Afrique, la France, les USA et la Grande- Bretagne ont décidé de jouer une même et unique partition.
En définitive, l'intérêt des Occidentaux a toujours été proportionnel à la situation politique et économique dans les différentes régions du continent. Mais les pays africains demandent qu'on tienne compte de leurs intérêts.
END
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