by Otere Ma'ambi, Brazzaville, Congo,
THEME = SANTE
Peut-on encore parler d'hygiène alimentaire à Brazzaville?
Avec les cinq mois de guerre, les Brazzavillois ont perdu les bonnes manières d'autrefois. Les coups de canon, les obus, les détonations d'armes automa-tiques et d'orgues de Staline, sans oublier la crise sociale, politique et économique, ont rongé leur conscience, à tel point qu'il leur est difficile de distinguer le bien du mal, le vrai du faux, le beau du laid, le propre de l'insalubre.
En tous cas, ce n'est pas le domaine alimentaire qui peut le démentir. Les nombreuses maladies dont souffre actuellement la majorité des Brazzavillois, après la guerre, n'est que le résultat du manque d'hygiène de la plupart des produits alimentaires qu'ils consomment. Le manque d'hygiène est manifeste dans certaines pratiques tendant à l'enrichissement rapide ou à l'inconscience quasi généralisée.
Commercialisation des vivres - Les véhicules de transport chargent indistinctement gens et marchandises en provenance des régions de l'intérieur. On y observe la promiscuité entre le bouc et les feuilles de manioc, le manioc et le carburant, etc., sans compter la poussière qui recouvre le tout. Lorsqu'il s'agit, par exemple, d'un véhicule transportant des feuilles de manioc, les voyageurs marchent dessus sans se soucier le moins du monde de la santé des consommateurs.
Arrivés à Brazzaville, ces camions doivent être déchargés afin que les produits arrivent aux lieux de distribution. Le moyen le plus utilisé à cet effet demeure le plus souvent le chariot. Ici encore, le chariot qui venait de décharger des ordures ménagères ou de servir comme corbillard, peut aussitôt être affecté au transport de marchandises sans que cela n'émeuve personne.
Une fois au marché, les produits peuvent être exposés n'importe où, pourvu qu'ils soient écoulés. Ce qui compte, c'est l'intérêt qu'on peut en tirer, quels que soient la qualité des marchandises et l'endroit où elles peuvent être vendues. Les étagères sur lesquelles sont étalés les produits vivriers ne sont jamais nettoyées, et personne ne s'en occupe du reste. Seule réponse: les gens de la Croix-Rouge ont déjà désinfecté les lieux. La viande, les poissons et autres aliments de première nécessité sont exposés à la grande satisfaction des mouches et autres insectes, qui y trouvent l'occasion de festoyer. Conséquence: la fièvre typhoïde se signale déjà.
Les détaillants brazzavillois ont une imagination très fertile. Quand on souffre, on devient ingénieux. Pour attirer leur clientèle, les vendeurs d'huile de palme n'ont pas trouvé mieux que d'y ajouter le colorant servant à la fabrication de la crème glacée. Ce colorant fait rougir l'huile de palme, ce qui fait penser à une très bonne qualité. Lorsque les ménagères utilisent une telle huile, elle provoque généralement la diarrhée au sein de toute la famille. Le colorant est aussi employé pour embellir les poissons fumés aux apparences trop vieilles. Leur consommation provoque alors des coliques, qu'on n'arrive pas à s'expliquer...
Faute de pouvoir trouver mieux, les Brazzavillois se rabattent sur les sachets d'eau glacée pour étancher leur soif. La qualité de cette eau et son emballage soulèvent des problèmes. Dans quelles conditions cette eau a-t-elle été puisée? D'où viennent les sachets? A-t-on pris les précautions qui s'imposent? Il serait hasardeux de répondre par l'affirmative. La Croix-Rouge avait interdit cette pratique, mais son intervention semble n'avoir produit aucun effet. La conséquence est que l'amibiase et les maladies hydriques prolifèrent de jour en jour.
Produits pharmaceutiques - Bien que la presse ait fustigé à maintes reprises le comportement homicide de certains compatriotes, qui vendent n'importe où et n'importe comment des produits pharmaceutiques, rien ne change. Même si la plupart de ces produits vendus en plein air ne sont pas périmés, ils sont dénaturés par le soleil. Ces médicaments ne sont donc plus curatifs, mais se transforment peu à peu en poisons. Malheureusement, la majorité des Brazzavillois y recourt, dans la mesure où les officines modernes ne sont plus accessibles à toutes les bourses.
Au regard de ces quelques faits, soulignons que l'état de santé des Brazzavillois est tributaire de son environnement alimentaire. La famille, l'école, l'église, les associations culturelles et/ou philanthropiques doivent conscientiser la population sur les conséquences qu'entraîne le manque d'hygiène. Le service d'hygiène, qui a jadis joui d'une certaine confiance auprès des populations, doit sortir de sa torpeur et apporter sa contribution à l'amélioration du vécu quotidien des Brazzavillois.
Notre santé est à ce prix!
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