by Felix Kunda, Zambie, janvier 1998
THEME = MINORITES
Mr Majid Ticklay (59 ans) est un
étranger parmi les siens,
car il n'est pas né en Zambie,
comme ses trois fils, sa fille et son frère.
Comment se fait-il que M.Ticklay se trouve dans cette situation?
L'histoire de Mr Ticklay commence avec son père, feu Mohammed Hussein Ticklay, qui quitta l'Inde en 1938 pour faire des affaires en Zambie, appelée alors Rhodésie du Nord. Il resta assez longtemps en Zambie pour s'y installer, puis il retourna en Inde pour y chercher sa famille. C'était en 1946. Le jeune Majid Ticklay avait huit ans, quand il arriva en Zambie avec son père. Depuis lors, il a vécu en Zambie.
Son père avait ouvert deux magasins à Monza et à Kaleya (dans le sud de la Zambie). Ces magasins rendirent un grand service à la population africaine locale, à une époque où les non Blancs ne pouvaient pas acheter dans certains magasins, à cause de l'apartheid en vigueur. Pour ses services, Mohammed Ticklay fut le premier non Blanc nommé conseiller à Mazabuka. Il resta conseiller pendant dix ans.
Problèmes de citoyenneté - La Zambie est devenue indépendante le 24 octobre 1964. Selon la Constitution, tout Britannique vivant dans le nouveau pays devait être considéré comme citoyen de ce pays, sauf s'il choisissait autrement. Cette mesure s'appliquait aussi aux Indiens. Mais ensuite, le gouvernement décréta que les Indiens devaient demander la nationalité zambienne et, en 1968, toutes leurs demandes furent rejetées. Vers la même époque, la Zambie passait par une période de réformes économiques et il y eut un décret interdisant aux non Zambiens de posséder ou d'exploiter des magasins. En une nuit, les propriétaires atteints par ce décret perdirent tous leurs avoirs.
Mais la famille Ticklay ne s'arrêta pas à pleurer sur le désastre. Au contraire, deux ans plus tard, elle installait deux nouvelles affaires et les enregistra sous le nom du frère de Majid Ticklay, né en Zambie après l'indépendance, et donc Zambien par naissance.
En 1985, Majid Ticklay succéda à son père comme chef de l'entreprise familiale. Mais la tragédie devait encore le frapper. Une nuit, des bandits attaquèrent sa maison à Lusaka et tuèrent quatre membres de la famille. Bien que sérieusement blessée, son épouse survécut encore deux ans.
Service public - Ticklay fut évidemment profondément touché par ces événements. Aussi, lorsque la Garde de voisinage de Makeni l'invita à se joindre à eux, il ne fallut pas longtemps pour le persuader. Il consacrait tout son temps libre à soutenir cette organisation, utilisant même sa voiture personnelle pour patrouiller dans le secteur. Finalement, on lui demanda de devenir président de la Garde de voisinage locale. Il accepta cette charge comme un défi pour aider les habitants de Makeni à lutter contre le crime et comme un moyen de servir sa communauté locale.
La participation de Ticklay à la vie publique s'est amplifiée. Il est membre du comité de la Chambre de commerce de Lusaka, membre du Rotary de Lusaka et participe au travail de la communauté. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que la population de la circonscription de Chawama l'ait choisi comme candidat au Parlement, ignorant que, malgré tous ses engagements sociaux et le fait qu'il vivait en Zambie depuis 51 ans, il n'était toujours pas Zambien.
Demande de citoyenneté - En novembre 1994, Majid Ticklay fit une nouvelle demande pour obtenir la nationalité zambienne, espérant obtenir une suite favorable, à temps pour pouvoir poser sa candidature aux élections de 1996. Rien ne se passa et, en avril 1997, le ministre de l'Intérieur lui fit savoir que sa demande de nationalité avait été rejetée.
Mais Mr Ticklay ne se décourage pas. Il dit que la Zambie est "son pays". Son père, mort à l'âge de 80 ans, est enterré à Mazabuka. Mr Majid Ticklay est sûr que, lui aussi, mourra dans son pays d'adoption. Il aime la Zambie et sa population, et cela lui donne la force d'aider les démunis. Il estime qu'en lui déniant la citoyenneté zambienne, la Zambie lui dénie ses droits de l'homme fondamentaux.
Actuellement, Mr Ticklay a un passeport britannique d'outremer. Il n'est donc ni Britannique, ni Indien, ni Zambien. En fait, il est apatride. Voici sa situation légale: selon la Constitution, toute personne domiciliée pendant dix ans en Zambie peut demander la nationalité zambienne. Mr Ticklay a fait sa demande, mais le gouvernement la lui refuse, sans fournir la moindre raison.
Y a-t-il un motif politique? Majid Ticklay serait-il considéré par le Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD ) comme une menace pour le Parlement en place, pour Chawama, le général Christon Tembo, vice- président de Zambie?
Malgré son extrême popularité en Zambie, Majid Ticklay reste un étranger parmi les siens.
END
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