ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 341 - 01/03/1998

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Kenya

Les tueries reprennent


by Joe M'bandakhai, Kenya, 6 février 1998

THEME = VIOLENCE

INTRODUCTION

La violence a de nouveau frappé la province de la Vallée du Rift.
Pourquoi tous ces meurtres? Qui est derrière?

Le 5 janvier, le président Daniel arap Moi a prêté serment pour entamer son dernier mandat. Il a promis solennellement aux Kényans de consacrer toutes ses forces durant les cinq années à venir pour améliorer leur bien-être. Aux yeux de beaucoup, il reconnaissait de ce fait que ses vingt dernières années au pouvoir avaient été un gaspillage d'occasions. Il était clair aussi que les dernières élections ne s'étaient pas déroulées comme M. Moi l'aurait voulu. Malgré les efforts du KANU, malgré la Commission électorale toute gagnée au gouvernement, les gens qui ont voté pour les partis d'opposition ont dépassé de plus d'un million ceux qui ont voté KANU.

Les évêques catholiques et la commission catholique Justice et Paix ont reconnu que les élections se sont déroulées avec de "nombreux défauts". Exaspérés par la dernière vague de tueries au Kenya, ils sont revenus sur un communiqué oecuménique, fait avec le Conseil chrétien national du Kenya, qui avait reconnu que les élections reflétaient largement les souhaits du peuple kényan.

Le leader de l'opposition Mwai Kibaki (Parti démocratique, DP) a dit qu'il ferait appel aux tribunaux pour annuler les résultats des élections à cause des multiples irrégularités. A peine avait-il fait connaître ses intentions, que deux ministres, William Ole Ntimama et Kipkalya Kones (tous deux du groupe kalenjin), lançaient un avertissement au sujet des "conséquences terribles" qu'aurait une telle démarche de la part de Kibaki (de l'ethnie majoritaire kikuyu). En même temps, Moi lui-même, oubliant sa promesse d'agir pour le bien de la nation, menaçait de prendre des mesures sévères contre quiconque "l'insultait".

Quand Ntimama et Kones parlent, on ne peut prendre leurs paroles à la légère. Plus de 2.000 Kényans ont péri dans la Vallée du Rift (la province de Moi) dans des affrontements ethniques, entre 1991 et 1993.

Dans la dernière semaine de janvier, Kibaki a introduit son appel, et l'enfer s'est déchaîné pour la population kikuyu du district de Laikipia, dans la province de la Vallée du Rift, qui avait voté massivement DP. Des Kikuyu furent abattus ou frappés à mort dans une série de raids meurtriers bien organisés. Traumatisés, les Kikuyu ont abandonné leurs petites fermes et sont allés chercher un refuge offert par les Eglises. L'administration provinciale affirme qu'elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour arrêter les tueries; mais un membre de l'unité paramilitaire des services généraux a dit au journal The Nation qu'ils avaient reçu l'ordre de traîner et de "ne rien faire".

Au début, le président Moi s'est tu au sujet de ces tueries, mais un journal local cita les paroles de Kiptum Choge, vice-ministre à la présidence: "Ce qui arrive à Laikipia n'est que la cime de l'iceberg. Si jamais un magistrat stupide accepte l'appel de Kibaki, alors, croyez-moi, il y aura au Kenya un carnage sans fin". Le clergé protestant et catholique de Laikipia et Njoro a eu la sinistre tâche d'enterrer les morts. Le 28 janvier, dans une déclaration intitulée "De grâce, arrêtez ce génocide", les évêques catholiques se disaient outrés du fait que plusieurs faits montraient que le gouvernement était impliqué dans les massacres: "Ce gouvernement prétend avoir envoyé une unité des services généraux pour maintenir l'ordre dans une région. Et qu'arrive-t-il? Ils semblent, presqu'à dessein, arriver trop tard".

Bien des observateurs pensent que, si des agences comme Human Rights Watch et des stations radiophoniques comme la Voix de l'Amérique disent que tout cela c'est une lutte à mort entre tribus africaines, alors, une fois de plus, le gouvernement kényan s'en tirera sans mal.

END

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