ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 342 - 16/03/1998

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Afrique-Amérique du Sud

Des Africains dans les geôles brésiliennes


by Francis Muroki, Kenya, janvier 1998

THEME = VIE SOCIALE

INTRODUCTION

Avoir des ennuis avec les autorités locales quand on se trouve à l'étranger
peut être une affaire délicate. C'est encore pis quand vous êtes
un Africain en visite au Brésil et pris à trafiquer de la drogue!

Mon contact est venu me chercher à l'extérieur de l'hôtel Sheraton de São Paolo en s'excusant d'être en retard d'un quart d'heure à cause de la densité de la circulation. Nous allions visiter une des prisons de cette énorme ville où des femmes africaines, dont quelques kenyanes, sont enfermées pour trafic de drogue. En chemin, nous devions prendre le père Julio, prêtre catholique, aumônier de la prison. Sans lui, les autorités de la prison ne nous auraient pas laissé entrer.

Deux semaines auparavant, j'avais prié le P. Julio, prêtre de l'archidiocèse de São Paolo, de m'obtenir l'autorisation de rendre visite aux Kényanes et aux autres Africaines enfermées dans les prisons brésiliennes. Le père Julio a pris toutes les dispositions préliminaires nécessaires, mais lui, aussi bien que mon contact, étaient inflexibles sur le fait que je devais avoir suffisamment de papiers d'identité sur moi.

Les prisonnières africaines

Arrivés à la prison, nous nous sommes présentés à la porte d'entrée. J'ai présenté ma carte de presse et tous les détails ont été inscrits dans le registre des visiteurs de la prison. Ma caméra et mon carnet de notes ne semblaient présenter aucun problème aux autorités et, une fois les formalités accomplies, on nous a conduits au quartier des cellules où les filles nous attendaient. J'ai été présenté aux prisonnières. Il y avait une Kényane, une Mozambicaine, une Ghanéenne, une Malienne et trois Sud- Africaines. Pour trafic de drogue, elles avaient été condamnées à des peines allant de quatre à neuf ans, sans possibilité de remise et sans possibilité d'opter pour une amende.

A l'exception des jeunes Sud-Africaines, qui n'étaient là que depuis cinq mois, les autres avaient déjà purgé au moins un an de leur peine. Toutes avaient été arrêtées à l'aéroport de São Paolo, essayant de faire sortir clandestinement de la drogue destinée à l'Afrique du Sud et à d'autres pays. Les douanes sont très strictes à cet aéroport surtout quand il s'agit de visiteurs africains.

Traitement cruel

Nous avons pu rester avec les filles pendant près de deux heures. J'ai appris qu'elles vont chercher les drogues à Rio de Janeiro où les barons de la drogue leur ont donné le nom de contacts. Elles m'ont demandé de ne pas révéler leur identité, mais de faire connaître leur situation désespérée aux autorités de leur pays. Ces jeunes Africaines disent que les autorités leur réservent un traitement particulièrement dur. Les prisonniers brésiliens obtiennent une remise de peine pour chaque année passée en prison. Ils exécutent aussi certains travaux pour lesquels on les paie et, à la fin de leur détention, ils reçoivent l'argent gagné de sorte qu'ils peuvent prendre un nouveau départ dans la vie. Aucun de ces privilèges n'est accordé aux Africaines.

Il y a aussi des problèmes de communication. Certaines Africaines ont essayé d'apprendre quelques mots de portugais, mais elles ont du mal à communiquer avec les autorités carcérales.

Un grave problème est celui de savoir comment les filles rentreront chez elles, une fois libérées, car elles seront finalement toutes expulsées. Lors de leur arrestation, elles ont tout perdu, y compris les billets d'avion et leur argent. Que va-t-il arriver? Dans des circonstances normales, elles seraient livrées à leurs ambassades respectives pour être rapatriées. Mais beaucoup de pays d'Afrique n'ont pas de représentation diplomatique dans les pays d'Amérique du Sud. L'Afrique du Sud a une ambassade au Brésil et un consulat à São Paolo. Mais pour les autres, il n'y a que des missions étrangères qui s'occupent de leurs intérêts.

Le Kenya, par exemple, est représenté par les diverses ambassades britanniques en Amérique du Sud; mais les fonctionnaires de l'ambassade britannique semblent n'avoir aucun intérêt pour les nationaux kényans qui sont en délicatesse avec la loi brésilienne. Les trois Sud-Africaines reçoivent à l'occasion la visite de fonctionnaires officiels; "mais" disent les filles, "ils nous apportent des journaux en afrikaans que nous ne savons pas lire".

Pas d'excuses

Ces jeunes Africaines prises à faire du trafic de drogue n'essaient pas de se justifier. Elles reconnaissent qu'elles ont mal agi et, par notre intermédiaire, elles demandent à leurs concitoyens d'éviter tout contact avec les trafiquants de drogue. "Nous vivons la plus terrible période de notre vie et nous ne souhaitons pas qu'aucun de nos concitoyens fasse la même expérience".

A mon retour au Kenya, j'ai rendu visite aux parents de la jeune Kényane. Ils disaient n'avoir pas beaucoup de nouvelles d'elle. Tout ce qu'ils savent c'est qu'elle est en prison au Brésil et qu'elle sera bientôt libérée et rentrera au pays. Ils l'attendent depuis deux ans et ils s'occupent de son fils de douze ans. Au début, ces pauvres gens croyaient que leur fille était allée au Brésil pour acheter des vêtements, et ils ont été bouleversés quand ils ont appris ce qui s'était réellement passé.

END

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