ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 344 - 15/04/1998

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Zimbabwe

"Remettez nos dettes"


by Stewart Musiwa, Zimbabwe, février 1998

THEME = DETTE

INTRODUCTION

L'année 2000 a été proclamée "Année du Jubilé"
par les principales Eglises,
une année où il faut remettre les dettes.
Mais certains expriment des réserves.

Tout d'abord, voyons la situation locale et comment elle s'applique au niveau international. C'est la fin du mois. Un ouvrier agricole de la ferme Trokiadza près de Karoi, environ 200 km au nord de Harare, capitale du Zimbabwe, ouvre anxieusement l'enveloppe de sa paie et fait la grimace en voyant ce qu'elle contient. Trois dollars 50 cents (en dollars zimbabwéens): c'est son salaire net. Le reste, près de 400 dollars, a servi à rembourser sa dette à la petite épicerie, propriété de son patron, le fermier Simon Aston.

Bien que beaucoup d'ouvriers agricoles restent à l'échelle de salaire du "travailleur saisonnier" ou du "travailleur à temps partiel permanent" pendant des années, tous les ouvriers peuvent emprunter à volonté de l'"argent pour l'épicerie", argent qu'on déduira de leur paie. Cela, à condition qu'ils ne quittent pas leur emploi. Il ne reste plus un cent pour l'instruction des enfants et pour les soins de santé. Cela rend les ouvriers esclaves de leur dette pendant toute leur vie active.

Malheureusement, cette situation n'est pas propre aux travailleurs agricoles. Le gouvernement zimbabwéen qui, depuis l'indépendance, a emprunté aux pays occidentaux pour reconstruire son économie mise à mal par la guerre, chancelle sous le fardeau de la dette. Devant cette "crise de l'endettement", les politiciens n'ont pas d'autre issue que de demander humblement à leurs créanciers de remettre leur dette.

Année du Jubilé

Leur pétition a reçu une certaine coloration spirituelle quand, en octobre dernier, les Eglises locales se sont réunies à Harare pour trouver des moyens de faire pression sur le gouvernement afin qu'il demande aux nations occidentales de remettre les dettes en l'année du Jubilé 2000. En avril 1996, diverses organisations en Grande-Bretagne ont lancé la campagne "Jubilé 2000", et des campagnes similaires sont lancées maintenant dans le monde entier. "Jubilé 2000" demande la remise des dettes et un nouveau départ afin de célébrer le nouveau millénaire dans l'esprit du Lévitique 25, 8-12. L'Eglise catholique, en tant qu'organisation mondiale, a apporté son soutien à cet effort.

Néanmoins, l'Eglise catholique du Zimbabwe appelle à la prudence au sujet des bénéficiaires d'une remise de la dette internationale. Dans leur Déclaration pastorale commune publiée en 1997, "Responsabilité, Honnêteté, Solidarité", les évêques du Zimbabwe déclaraient: "Si les gens doivent bénéficier des programmes de remise des dettes, les gouvernements doivent d'abord balayer devant leur porte. Il faut mettre fin au gaspillage des fonds publics et à la corruption".

L'endettement de l'Afrique

Lors du séminaire organisé par le Centre oecuménique de documentation et d'information pour l'Afrique orientale et australe (EDICEA ), Mr Opa Kapijima, du Forum et réseau sur la dette et le développement (AFRODAL ) a aussi mis les gouvernements en garde contre le mauvais usage des fonds empruntés. Il affirme que l'endettement met ceux qui ont emprunté dans une situation de faiblesse qui les oblige à mendier à genoux. Aux participants du séminaire il a rappelé qu'il y a des facteurs tant internes qu'externes qui contribuent à la crise de l'endettement en Afrique.

Parmi les facteurs externes, il citait les relations commerciales injustes entre les pays africains et l'Occident, qui jouent en faveur de celui-ci. En fixant le prix des matières brutes d'Afrique, p.ex., les pays occidentaux bénéficient d'un avantage injuste: ils sont ainsi en mesure d'augmenter leurs surplus monétaires qu'ils peuvent alors prêter à des taux élevés. "A cause de ce surplus, il y a en Occident une tendance à prêter de l'argent aux pays africains". Il exprime son inquiétude sur le fait que quand les pays occidentaux font pression sur les gouvernements africains pour qu'ils remboursent leurs dettes, ce sont les "secteurs faibles" comme la santé et l'enseignement qui souffrent le plus quand il faut trouver de l'argent.

Quant aux facteurs internes, Kapijima soutient que les gouvernements africains n'ont pas développé une philosophie sur la manière de traiter la dette: "Ils devraient savoir clairement pourquoi ils empruntent et comment ils rembourseront leur dette, et ils ne devraient pas faire mauvais usage de l'aide reçue".

Le Zimbabwe vit au-dessus de ses moyens

Pour Miss Zvisinei Manyoma, du Womans Resource Centre Network du Zimbabwe, son pays vit au-dessus de ses moyens. Bien qu'elle ne voie aucun mal en soi à emprunter, elle pense que c'est trop risqué. Le gouvernement devrait prendre en considération l'avis des femmes quand il répartit le budget national. Elle attaque aussi le gouvernement pour le mauvais usage et l'administration déplorable des fonds empruntés, et suggère qu'il y ait un "changement drastique du gouvernement".

Les Eglises

Mr Deprose Muchena, du bureau de Justice, paix et réconciliation du Conseil des Eglises du Zimbabwe, considère la crise de l'endettement comme "un sérieux défi" pour les Eglises. Dans une situation de crise comme celle-ci, les Eglises devraient adopter une attitude positive sur la question de la pauvreté: "Nous n'avons pas le droit de demander de l'argent aux fidèles si sous ne disons pas clairement où nous en sommes sur la question de la pauvreté et si nous ne sommes pas prêts à faire quelque chose pour y remédier".

La campagne "Jubilé 2000" demande à tous les gens à travers le monde de signer la pétition au sujet de la remise de la dette. Tout cela est très bien, mais dans la question de la dette il y a peut- être plus que le simple fait de s'endetter.

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