by Patrick Mwanza, Malawi, mars 1998 -
THEME = EGLISE
L'Eglise catholique du Malawi est source d'espoir pour les
opprimés
elle se souvient de 1992, quand elle a préparé les esprits
à changer le système de gouvernement
Au début du carême de 1998, les évêques catholiques du Malawi ont écrit une lettre pastorale intitulée: "Revenez à moi et vivez", insistant sur les inquiétudes de la société au sujet de la corruption et de l'inexistence des libertés de base dans le pays.
Répétant ce qu'ils avaient déjà dit dans leur lettre de 1996 "Marcher ensemble dans la foi", ils déclarent: "Notre nouveau Malawi est souillé par la corruption qui aujourd'hui prend de multiples formes... Elle est un péché et a des effets désastreux; elle prive notre pays de ses maigres ressources et ce sont, en majorité, les pauvres et les moins puissants qui sont victimes des effets de ce crime déplorable".
Il n'est pas besoin d'expert pour comprendre les problèmes existant au Malawi et que l'on peut attribuer à la corruption. Le président Bakili Muluzi a récemment reconnu que cette pratique existe. Et, menacé peut-être par la perspective de voir l'aide des donateurs supprimée, il a demandé à la population de rapporter tous les cas de corruption au Bureau anticorruption, créé pour aider à infléchir cette pratique. A la fin de 30 ans de dictature corrompue sous Hastings Banda, les Malawiens espéraient que la situation allait s'améliorer.
Le premier scandale à ébranler le gouvernement de Muluzi concernait l'enseignement primaire gratuit introduit pour réduire le haut niveau d'analphabétisme. Plus de 60% des 12 millions de citoyens du pays sont incapables de lire et d'écrire. Selon le "The Democrat", la firme britannique Fieldyork International avait promis des pots de vin à Sam Mpasu, alors ministre de l'Enseignement, pour qu'il lui achète cahiers et crayons. Une enquête indépendante a découvert que Mpasu avait utilisé des moyens illégaux pour l'achatde ce matériel, qu'il aurait pu acquérir à meilleur prix. Mpasu fut saqué mais son action a terni l'image du gouvernement.
Traiter équitablement chacun, notent les évêques, est plus facile à dire qu'à faire. Les ouvriers malawiens, dont la majorité vivent sous le seuil de pauvreté de $60 par mois, "sont soumis à des conditions de travail inhumaines. Ils sont sous- payés et surchargés de travail. Le concept de 'location' (tenancy) du Malawi doit être soigneusement analysé. Ce pourrait être une nouvelle forme de 'thangata' (travail impayé durant l'ère coloniale) ou pire encore, de l'esclavage". Les évêques continuent: "Les employeurs chrétiens devraient revoir l'ensemble de la question de la rémunération sous l'angle de la justice et de l'équité. De plus nous demandons d'éviter le travail des enfants qui va à l'encontre de la charité."
Les évêques réagissent aussi contre les réformes économiques entreprises sous la pression des donateurs. Ces réformes pèsent lourdement sur les pauvres "à cause des hausses soudaines et fréquentes des prix des articles de base. La plupart des Malawiens doivent compter sur l'agriculture, devenue de plus en plus difficile à cause du prix élevé des engrais. On dirait que nous avons tout laissé à la merci des forces du marché, dans un pays où n'existe aucune infrastructure appropriée." En 1994, le gouvernement a adopté les réformes de la Banque mondiale et du Front monétaire international, et il a supprimé les subsides pour les produits agricoles et l'essence.
La décision de libéraliser l'économie a cependant été critiquée par les économistes et le monde des affaires. L'opposition, ainsi que le monde des affaires, ont prédit des temps très durs pour les démunis. Il suffit de jeter un regard sur la valeur de notre monnaie. A un moment donné, on pouvait obtenir un US$ pour 4 kwachas malawiens. Aujourd'hui, il en faut 25 pour acheter ce même dollar, mais gages et salaires, surtout pour les moins payés, n'ont pas suivi la hausse du coût de la vie.
D'autres effets déconcertants de la politique fiscale actuelle du gouvernement portent sur le retard dans le paiement du traitement des enseignants et des hôpitaux, qui ne peuvent acquérir les produits de première nécessité. Le service dentaire de l'hôpital Queen Elizabeth (le plus grand du Malawi), à Blantyre, a dû fermer par manque d'anesthésiques.
Dans leur lettre pastorale, les évêques insistent sur l'importance du fait que les gens puissent participer aux affaires qui les concernent. "La démocratie est venue au Malawi pour y rester, nous l'espérons; mais le processus est inachevé tant que le pouvoir ne s'infiltre pas jusqu'à la base de la population. Actuellement, l'élite seule participe au processus démocratique. Nous insistons pour que vous persuadiez vos membres au Parlement de mettre en place le processus de création de conseils au niveau local".
L'année passée, le gouvernement, déclarant qu'il n'avait pas d'argent, a retardé les élections locales. Elles auront lieu l'année prochaine, espère-t-on, en même temps que les élections présidentielles et parlementaires. Tout cela a suscité la pression des journaux et de la population pour qu'on revienne sur la décision de reprogrammer les élections locales.
"Le gouvernement", ajoutent les évêques, "devrait essayer de relâcher son emprise sur les moyens de communication, en particulier la radio". Le Malawi n'a qu'une seule station de radio, et elle est sous contrôle du gouvernement. Elle ne fait entendre que rarement une opinion divergente, alors que la radio est un moyen ultrapuissant dans un pays où le taux d'analphabétisme est incroyablement élevé.
La presse est le seul moyen pour faire entendre d'autres opinions. Mais cela coûte cher. Le gouvernement þ qui pendant la campagne tendant à mettre fin au régime de Banda a courtisé la presse en promettant la liberté d'expression þ a fait volte-face. Il a interdit à ses ministres de passer des annonces dans le 'Daily Times', favorable à l'opposition, et dans son journal frère, l'hebdomadaire 'Malawi News' - propriété de Banda qui, dans son testament, le léguait au Parti du Congrès du Malawi, dans l'opposition. Il faut noter que le gouvernement est le plus grand annonceur particulier du pays. Et sans annonces, la seule diffusion ne peut maintenir un journal en vie.
Cette lettre est un vrai appel à la repentance, au moment où le pays s'achemine vers l'an 2000.
END
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