ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 346 - 15/05/1998

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Nigeria

Ancien ambassadeur emprisonné


by Taye Babaleye, Nigeria, avril 1998

THEME = DROITS DE L'HOMME

INTRODUCTION

Les mesures répressives prises par la junte militaire
contre ceux qui militent pour la démocratie et pour les droits de l'homme,
les journalistes et les écologistes, se poursuivent

Le gouvernement a ajouté à la liste de ses prisonniers un professeur universitaire, l'écologiste Akijide Oshuntokun. Jusqu'à son arrestation et sa détention, en novembre dernier, le professeur Oshuntokun était responsable du département d'histoire à l'université de Lagos et, jusqu'à très récemment, il était ambassadeur en Allemagne. Il a été arrêté à l'aéroport de Lagos, au moment où il allait s'embarquer à bord d'un avion pour l'Allemagne. Il devait tenir dans ce pays une conférence sur "La crise de l'environnement au Nigeria". La conférence était parrainée par une organisation non gouvernementale, la Fondation Friedrich Ebert.

Le professeur-diplomate, ignorant qu'il était sous surveillance, a été accosté à l'aéroport par des agents du SSS, le service de sécurité de l'Etat, et prié de se présenter à leur quartier général de Lagos pour une "conversation". Depuis lors, Oshuntokun est enfermé par les agents de la sécurité "agissant sur ordre d'en haut". Il ne peut entrer en contact avec sa femme ni avec ses enfants et il n'y a aucune charge contre lui.

Entre-temps, la Fondation Friedrich Ebert a reçu jusqu'à juin 1998 pour liquider ses activités et quitter le Nigeria. Selon des sources proches du bureau des ONG, à l'université de Lagos, la Fondation a reçu l'ordre de "quitter" parce qu'"elle parraine des militants favorables à la démocratie et aux droits de l'homme, contre le gouvernement du Nigeria".

Ambassadeur en Allemagne

Des observateurs pensent qu'en acceptant le poste d'ambassadeur en Allemagne, sous le régime actuel, Oshuntokun courait un risque, surtout qu'on savait qu'il avait froissé le régime Abacha. Avant son arrestation, il avait confié à des amis que certains hauts responsables du régime ne voyaient pas d'un bon oeil ses relations étroites avec la Fondation (dont il avait été administrateur pendant un certain temps). "Sa campagne écologique menée contre un gouvernement militaire qui ne tient pas suffisamment compte des problèmes de dégradation de l'environnement, n'était pas bien accueillie par les responsables du gouvernement", a déclaré un de ses collègues de l'université.

Les ennuis d'Oshuntokun ont commencé en novembre 1995, quand Ken Saro-Wiwa, l'écrivain écologiste nigérian, a été pendu par la junte militaire. A l'époque, en tant qu'ambassadeur du Nigeria en Allemagne, le professeur Oshuntokun avait condamné la pendaison de Ken, estimant que cette mise à mort était "une terrible erreur, injustifiée, et venant au mauvais moment". Le modeste ambassadeur-professeur réserva aussi un accueil princier au lauréat du Prix Nobel du Nigeria, le professeur Wole Soyinka, venu en Allemagne après la pendaison de Ken Saro-Wiwa. Suite à cela, Oshuntokun fut rappelé au pays sans cérémonie et gardé sous stricte surveillance par les autorités.

Activités académiques

Les activités académiques d'Oshuntokun étaient source de soucis pour la junte militaire. Dans une conférence publique sur "Le rôle de l'armée nigériane depuis l'indépendance", Oshuntokun déclarait entre autres: "L'armée est responsable des malheurs politiques et économiques dont souffre l'Etat nigérian. Plutôt qu'une dictature classique à la Pinochet, nous avons l'impression d'avoir un chaos dynamique et que le gouvernement soit inefficace; cela crève les yeux. Nous sommes à un croisement, et l'année qui vient pourrait être déterminante pour notre pays, potentiellement si grand mais dont la grandeur doit encore se réaliser". De toute évidence, ces paroles étaient trop dures à avaler pour la junte militaire.

En une autre occasion, Oshuntokun critiqua la façon peu orthodoxe dont le ministère des Affaires étrangères était géré par le ministre M. Tom Ikimi. Parlant de la tension qui règne entre le Nigeria et le Commonwealth, il a déclaré: "Le devoir d'un ministre est de gagner des amis pour le pays, et non pas des ennemis. Trop de gens font des déclarations de politique étrangère. Nous ne savons vraiment pas qui est le responsable. Nous n'avons pas eu la chance d'avoir un bon ministre des Affaires étrangères".

Afin d'obtenir sa libération inconditionnelle, l'Organisation des libertés civiles (CLO), une des organisations pour les droits de l'homme au Nigeria, a inclus le nom d'Oshuntokun sur la liste de six prisonniers politiques présentée au pape Jean-Paul II, lors de sa visite pastorale de trois jours en mars au Nigeria. "Nous l'avons fait savoir au gouvernement militaire: nous n'accepterons pas qu'Oshuntokun subisse le même traitement que Ken Saro- Wiwa. Assez est assez", a affirmé Abdul Oroh, directeur général de CLO, qui a aussi annoncé qu'on va bientôt lancer une campagne internationale pour la libération d'Oshuntokun.

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