ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 348 - 15/06/1998

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Madagascar

Vanille - Un arôme en danger


by Léa Ratsiazo, Madagascar, mars 1998

THEME = ECONOMIE

INTRODUCTION

Droits de douane supprimés et filière libéralisée:
la vanille malgache réussira-t-elle à récupérer
sa place de leader sur le marché international?
Autrefois référence mondiale,
cette orchidée de l'île rouge tente de se refaire une réputation.

La vanille est une gousse produite par l'une des 17.000 espèces d'orchidées répandues dans le monde. Originaire du sud-est du Mexique et importée dans les îles de l'océan Indien, les Antilles et l'Océanie, elle est cultivée commercialement depuis les années 1840. La production systématique des gousses a commencé notamment à Madagascar, aux Comores et à la Réunion, où la vanille dite "bourbon" est considérée comme la meilleure du monde.

A partir de 1890, la plante gagne de l'extension à Madagascar, qui a pu ainsi en exporter 300 t. en 1924. En ce temps là déjà, Madagascar était considéré comme le premier exportateur mondial, et la ville d'Antalaha, où se trouve le centre de recherche de la vanille, est baptisée la "Mecque de la vanille", capitale mondiale de la vanille. A son apogée, dans les années 1980, Madagascar produisait environ 1.200 t. par an, ses exportations se situant entre 750 et 800 t.

Pendant longtemps, Madagascar a affirmé sa domination sur un marché mondial relativement stable, avant de devoir céder son "leadership" à l'Indonésie. La Grande Ile assurait jusqu'à plus de 70% de la consommation mondiale dans les années '70, pour dégringoler à 30% dans les années '90, et ce pour différentes raisons.

Un secteur stratégique

Au cours de ces 20 dernières années, à cause d'une politique d'augmentation du prix à l'exportation et de taxation excessive, la part de Madagascar dans le commerce international de la vanille n'a cessé de diminuer. Tout le monde s'accorde à reconnaître que la "filière est à l'agonie". La gestion administrée de cette filière s'est traduite par une perte de compétitivité sur les marchés extérieurs. Les responsables de l'ajustement structurel de Madagascar constatent un appauvrissement considérable, un dérapage de la politique de stockage, ainsi qu'une démoralisation et un mécontentement massif de tous les opérateurs. Pourtant la vanille constitue un secteur stratégique pour l'Etat. Son exportation représente 10% du budget de l'Etat. Aussi, la perte du marché engendre de lourdes conséquences à tous les niveaux.

La dégringolade du secteur s'explique en premier lieu par le tarif prohibitif de l'arôme: jusqu'à 74 $ US/kg en 1991. Cette année-là, les taxes avaient été augmentées de 86%. Elles ont été ensuite révisées à la baisse et, depuis l'année dernière, à la suite de la réforme et de la libéralisation de la filière, le produit n'est plus soumis à aucune taxe particulière. Néanmoins, la vraie reprise se fait attendre. Car ce secteur est également l'objet d'une contrebande intense: pour échapper aux taxes, les fraudeurs exportent le produit vers les îles de l'océan Indien, surtout les Comores et la Réunion, qui déclarent alors la vanille provenant de Madagascar comme leurs quotas propres.

L'absence de contrôle a eu aussi comme grave conséquence le mélange de gousses de bonne et de mauvaise qualité, ternissant ainsi fortement la bonne réputation de la vanille bourbon malgache. Or, cette dernière possède une concentration de vanilline de près de 6%, contre 1% de celle d'Indonésie. Quoi qu'il en soit, le prix trop élevé appliqué par Madagascar a favorisé la demande de vanille de basse qualité, mais à des prix inférieurs.

Une concurrence impitoyable

L'Indonésie est la bête noire de Madagascar dans cette concurrence internationale, commencée dans les années 80. L'exportation indonésienne, 60 t. en moyenne durant les années 60, et 180 t. dans les années 80, est passée à 650 t. ces dernières années. Durant la 1ère période, elle représentait un septième de l'exportation malgache, pour passer à un cinquième au cours de la seconde, et la dépasser au début des années 90. Sa production de vanille s'est développée très rapidement en moins de 10 ans, et ce pays est devenu aujourd'hui le premier producteur mondial. Les surfaces cultivées sont passées de 9.800 ha en 1987, à 16.600 ha en 1990. Mais il y d'autres pays qui, développant une stratégie commerciale agressive, sont à redouter, comme la Chine et l'Afrique du Sud.

D'un autre côté, la vanille, l'épice la plus consommée au monde, est également la plus fortement concurrencée par les produits synthétiques bon marché, tels que la vanilline de synthèse (90% du marché américain des arômes), et d'autres "arômes naturels". Aussi, en dépit de réglementations limitant actuellement les substitutions par des produits synthétiques, les progrès de la biotechnologie pourraient remettre en cause tout ou partie du marché mondial de la vanille. A condition que les législations évoluent et que les consommateurs acceptent les nouveaux produits proposés...

L'excellence du produit malgache

La longue prédominance de la Grande Ile en ce domaine s'explique à la fois par des conditions agro- écologiques favorables au développement de la vanille, par les qualités de la vanille produite (taux de vanilline élevé, richesse stable et homogène, etc.), par un système rigoureux de contrôle de la qualité, par des coûts de production relativement bas comparés à ceux des autres pays producteurs.

En 1991, à Madagascar, le coût de production était estimé à 13,08 $US/kg de vanille en vrac, contre 43,64 $ pour les îles Comores, et entre 20,60 et 34,40 $ pour l'Indonésie.

Les producteurs représentent les grands oubliés de la filière. Ils perçoivent moins de 8% du coût de la vanille à l'exportation, alors que ce sont eux qui assurent la production. En fait, les paysans du nord-est de l'île, zone de production de la vanille, sont parmi les plus pauvres du pays, alors que, paradoxalement, ils vivent dans la région aux ressources naturelles les plus riches. Près de 22.000 à 25.000 ha y sont occupés par les vanilliers.

D'autre part, depuis 1995, sous la contrainte de la Banque mondiale, la banque d'Etat et la BTM (Banque pour le développement rural) ont cessé de pré-financer la campagne de la vanille. Conséquence: la vanilleraie malgache se meurt. Les prix maintenus bien trop bas à la production, ont considérablement entamé le pouvoir d'achat des vanilliculteurs, et le paysan du nord-est, qui ne peut plus acheter son riz, est obligé d'en planter pour se nourrir, au détriment de sa vanilleraie.

Aujourd'hui, les producteurs de vanille sont vieux et les jeunes n'ont ni l'envie ni la possibilité d'accéder à la terre et de se lancer dans la vanillicuture. Les faibles revenus de leurs aînés, et l'état d'abandon des parcelles, les incitent à chercher ailleurs un autre métier.

Restructurer la filière

Ainsi, le gouvernement malgache a mis en place un "Projet de structuration professionnelle de la filière vanille à Madagascar". Ce projet est financé par l'Union européenne, pour une enveloppe de 3.188.500 écus sur 4 ans.

Sur le terrain, les problèmes de la vanille concernent plus de 60.000 familles qui tirent encore de cette culture l'essentiel de leurs revenus. A leur niveau, une action technique sur la vanille entraînera sans aucun doute une amélioration de l'équilibre global des exploitations. Le principal but du projet consiste à améliorer le rendement dans une superficie limitée, pour permettre aux paysans de diversifier leurs cultures, notamment vivrières.

Les professionnels estiment que les perspectives de développement sont très réelles. Le marché devrait pouvoir être élargi, si l'on fait des efforts de promotion auprès des pays consommateurs et industriels, notamment le Japon, le Canada, les pays nordiques, la Grande-Bretagne, l'Italie, les pays de l'Europe de l'Est, et ceux du Golfe. Dans ces pays, l'engouement pour les produits naturels, s'ajoutant à des législations favorables, devraient susciter un accroissement de la demande. La part de la vanille naturelle dans le marché mondial de la vanilline est appelée à se renforcer: elle n'en représente que moins de 0,3% actuellement.

Ainsi, par exemple, la vanille s'impose depuis quelques temps aux USA comme "le parfum" à la mode. D'après les experts, les effets de ce marketing devraient se prolonger au moins sur 10 ans, suscitant une demande très forte des agro-industriels dans un grand nombre de secteurs: dans les industries des parfums et des eaux de toilette, des cosmétiques et des savons, des rouges à lèvres, des bains moussants, des déodorants industriels et des aliments préparés (intégrant des arômes naturels): café, glace, gâteaux, chocolat, desserts et autres produits lactés... D'autre part, des actions spécifiques reposant sur les qualités organoleptiques, diététiques et médicinales de la vanille naturelle, conjuguées à des campagnes d'information sur les recettes et modes d'emploi de la gousse en cuisine et pâtisserie, devraient permettre un accroissement important du marché de la "vanille de bouche" (gousse vendue au détail). Aujourd'hui, ce marché ne représente qu'une infime part du marché mondial (2% aux USA, moins de 20% en France).

Concernant le marché mondial de la vanille, on évalue à environ 2.000 t. le volume consommé annuellement. Dans le peloton de tête des principaux pays importateurs, se trouvent les USA (60%), la France et l'Allemagne (15% chacun), le Japon et le Canada (2% chacun). Certains de ces pays ne consomment qu'une partie des gousses importées, réexportant le reste sur d'autres pays consommateurs: c'est le cas de l'Allemagne, qui réexporte 60 à 70% de ses importations.

En fait, il s'agit d'un produit finalement peu connu, mais qui suscite l'intérêt des industriels.

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